Les conditions de travail ainsi que l’épuisement professionnel des
enseignants sont bien décrits par Brigitte Gonthier Maurin, paru dans
son rapport sur le métier d’enseignant. Elle y évoque tour à tour le sentiment
d’impuissance face à la classe, l’impression que de multiples obstacles
empêchent le bon exercice du métier, l’augmentation des conflits (avec
les élèves, leurs parents, la hiérarchie), l’isolement, la frustration
née du décalage entre le métier tel qu'on aimerait l’exercer et le
métier tel qu’on doit l’exercer, une formation non professionnalisante.
Tout y est...
Par contre, au niveau des solutions proposées, on reste dans une
espèce de flou artistique auquel nous sommes maintenant habitués. Sous
couvert de véritables changements on nous annonce de grandes et nobles
intentions dont on ne voit absolument pas par quels moyens réels elles
pourraient être mises en œuvre. Ainsi pour remédier au malaise
enseignant, il faudrait redonner du sens à l’école, restaurer la
confiance de l’enseignant, convaincre les enseignants de la capacité de
tous les élèves à apprendre, revoir la formation, et enfin créer des
réunions de collectifs d’enseignants. Une fois de plus, on ne se rend
pas compte que le malaise enseignant n’est que la partie émergée de
l’iceberg et qu’il est le symptôme d’une maladie bien plus grave de tout
le système éducatif.
Redonner du sens à l’école pourrait se faire en lui redonnant des
objectifs spécifiquement scolaires et clairement définis, restaurer la
confiance de l’enseignant en rétablissant son autorité. On pourrait
commencer par l’autorité de statut (revalorisation financière du métier
par exemple, une restitution du pouvoir pédagogique décisionnel). Depuis
quelques temps circule aussi l’idée que l’on ne croit pas à la capacité
d’apprendre de tous les élèves. Je serais curieuse de savoir qui est
visé dans cette affirmation et quels sont les éléments qui permettent de
l’affirmer. Peut-être est-ce en rapport avec le système de notation
actuel qui révèle trop d’échecs. Enfin la création de collectifs
d’enseignants hors de tout circuit hiérarchique, révèle le manque de
volonté patent de prendre le problème à la racine. Bien sûr, il est bon
de parler avec des pairs quand on a un problème, une « souffrance
ordinaire ». Mais peut-être que les enseignants attendent plus de leur
hiérarchie pour résoudre leur mal être.
Le ministère et son proche entourage regorgent de brillants
“experts”. Et parmi eux, aucun n’a eu le courage de poser les questions
suivantes :
1. Pourquoi les enseignants se sentent-ils isolés ?
2. Pourquoi n’ont-ils plus d’autorité ?
3. Pourquoi ne savent-ils pas gérer les classes à problèmes ?
4. Pourquoi sont-ils frustrés de ne pas pouvoir exercer leur métier correctement ?
5. Pourquoi rencontrent-ils des conflits quasi-quotidiennement avec les élèves, les parents, la hiérarchie?
Une réponse honnête de nos “éducrates” les obligerait à se renier
eux-mêmes et à remettre en question l’ensemble de leur idéologie
éducative car c’est bien de cela qu'il s’agit.
Qu'en est-il dans le monde réel ?
1/ Les enseignants se retrouvent seuls face à un problème qu'il soit
pédagogique, ou administratif. Qui consulter dans ce cas ? Un conseiller
pédagogique, qui la plupart du temps va les culpabiliser et leur faire
comprendre qu’ils sont seuls responsables de la situation. Un autre
pourra leur donner des conseils pratiques, la plupart du temps ce sera
un recueil de recettes pédagogiquement correctes, qui au bout du compte
compliqueront et alourdiront la tâche sans apporter plus d’efficacité.
Voilà pourquoi, plus aucun enseignant n’appelle un conseiller
pédagogique dès qu'il n’est plus tenu de le faire.
2/ Les enseignants ont perdu leur autorité car le métier a été
dévalorisé dans la société, et ce pour plusieurs raisons. Leur autorité
pédagogique a été mise à mal lorsqu'ils ont été dépossédés de leur
pouvoir décisionnel en matière pédagogique et lorsque les parents
d’élèves ont obtenu d’entrer dans les écoles et d’y avoir un rôle
décisionnel. A l’heure actuelle, les pratiques pédagogiques sont remises
en cause par certains parents d’élèves que ce soit via les systèmes
d’évaluation, les méthodes, l’organisation pédagogique, les exigences de
l’enseignant… D’où la multiplication des conflits parents/enseignants,
qui parfois mêmes en viennent à la violence physique. À tel point que
certains enseignants n’osent même plus réprimander certains élèves. En
effet, en cas de conflit, verbal ou physique, l’enseignant sait très
bien qu’il se trouvera tout seul, souvent accusé d’être lui-même à
l’origine du problème. Les exemples sont légions.
3/ La gestion des comportements et des classes difficiles ne fait pas
l’objet d’un apprentissage lors de la formation initiale ou continue.
Pendant des années, on s’est imaginé que la gestion de classe ne
s’apprenait pas, qu'il suffisait de créer par sa personnalité une
atmosphère propice, et puis de faire inventer quelques règles de classe
par les élèves. C’était une erreur car non seulement la gestion de
classe s’apprend mais de plus, elle constitue la base de tout
enseignement. Sans une bonne gestion de classe aucun enseignement ne
peut réussir. Pourtant, il existe des travaux montrant toute
l’efficacité d’une bonne gestion y compris dans le cas de classes
difficiles. Pourquoi ces travaux ne sont-ils pas connus et diffusés ?
Parce qu'ils vont à l’encontre de la doxa.
4/ Les enseignants et en particulier les jeunes sont frustrés car ils
ne parviennent pas à être efficaces dans leur métier. Ils sont supposés
avoir été formés et dès qu'ils se trouvent seuls dans une vraie classe,
ils réalisent que ce qu'ils n’ont pas les outils pour enseigner. Dans
quel autre métier voit-on ce genre de phénomène ?
5/ Pourquoi les conflits sont-ils leurs lots quotidiens ? Parce qu'il y a une recrudescence de parents et d’élèves sources de conflits.
Pourquoi ? Parce qu'au nom des grandes idées, on les a tolérés depuis
trop longtemps.
Une fois de plus, les solutions envisagées ne sont pas à la mesure des
problèmes. Pour reprendre l’exemple cité plus haut, on constate que les
enseignants sont frustrés de ne pas enseigner correctement. Il n’est qu'à se promener sur les blogs d’enseignants pour s’en persuader. Notons
au passage qu’aujourd’hui, cela peut se dire, c’est un grand progrès.
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que s’ils ne savent pas
enseigner efficacement, c’est parce qu'on ne le leur a pas appris. Il
serait peut-être temps que la formation se remette sérieusement en
question et commence à proposer aux futurs enseignants des méthodes
efficaces puisqu’elles existent. Pourquoi la France qui, en matière
pédagogique, est si prompte à aller chercher ailleurs des méthodes
pédagogiques (La Main à la pâte par exemple), ne
s’intéresse-t-elle pas à celles qui venant du même pays ont un rapport
favorable à l’efficacité ? La solution n’est pas pour demain.
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