Dans
un entretien sur RTL, Vincent Peillon a annoncé entre autres choses qu’il
faudrait « changer les pratiques pédagogiques ». Cela fait partie des solutions
proposées pour lutter contre l’échec scolaire. Il l’évoque régulièrement, mais
sans préciser exactement de quoi il s’agit, ni pourquoi il faut le faire. Dans
ce même entretien, il propose aussi de faire appel aux ressources numériques «
pour rendre l’école plus attrayante ».
Il
plane une odeur de mystère si ce n’est de flou autour de ce changement
pédagogique, à moins que ce ne soit une fois de plus une parole creuse. Mais
soyons optimistes et n’oublions pas tout de même que notre ministre nous a
assuré que la pédagogie devait « être attentive aux travaux de la recherche ».
Lors
d’un entretien pour Télérama, avec le sociologue Jean-Pierre Terrail, Vincent
Peillon a montré l’étendue de son embarras sur la question. Ainsi, il a reconnu
qu’il « existait des méthodes plus efficaces que d’autres ». Tout en
s’empressant d’ajouter que les méthodes relevant des libertés pédagogiques, il
ne s’agissait pas que l’école « devienne le lieu d’affrontement d’expertises ».
Pourquoi alors avoir mentionné les travaux de la recherche auparavant ? La
recherche est tout sauf une opinion. Tout ce qu’il propose de faire par rapport
à cette épineuse question de l’efficacité des méthodes est de « construire une
culture commune, ce qui suppose que chacun décentre un peu son point de vue ».
C’est l’aveu que les questions pédagogiques resteront pour lui une question de
point de vue, d’opinion. Et c’est de fort mauvais augure pour l’introduction
des données probantes en éducation. Enfin, il termine son argument en
expliquant que de toute façon les « bonnes méthodes seront enseignées dans les
Écoles supérieures du professorat et de l'éducation ». Il refuse
“l’affrontement des expertises” mais prétend tout de même former les
enseignants aux bonnes méthodes. Qui décidera que telle méthode est bonne,
selon quels critères ? Un constructiviste par exemple pourrait déclarer que
l’apprentissage par découverte est bon ; en effet, le constructiviste n’a pas
besoin d’utiliser de données probantes, il s’appuie sur des hypothèses
séduisantes et parées de mille vertus humanistes mais non vérifiées. Mais nous
pouvons rêver et imaginer que la ligne pédagogique de ces “nouveaux” centres de
formation serait pluraliste…
Toujours
dans le même entretien, Vincent Peillon précise que ces nouvelles (et
mystérieuses) pratiques pédagogiques seront de nature à lutter contre
l’exclusion provoquée par l’échec scolaire et la tendance des enseignants à
fustiger ceux qui ont des difficultés d’apprentissage. Il sous-entend la mise
en concurrence des élèves dès l’école primaire. Le bons sens voudrait que pour
supprimer cette supposée exclusion, il faille supprimer l’échec et ce par
l’utilisation de méthodes d’apprentissage plus efficaces. Mais quelque chose me
dit que ce n’est pas l’intention du ministre.
Enfin
j’ai retenu le passage sur l’école maternelle ; Vincent Peillon trouve qu’elle
est trop centrée sur la préparation à l’école élémentaire et pas assez sur
l’épanouissement de l’enfant. Les nouvelles pratiques pédagogiques y mettront
un terme. Est-ce à dire que les enfants de maternelle ne sont pas épanouis ?
Est-ce à dire qu’ils sont trop préparés pour l’école élémentaire ? L’avis des
enseignants de CP serait intéressant à entendre. Voilà ce qui se passe quand on
parle de ce que l’on ne connaît pas et que l’on ne connaîtra jamais : la
réalité quotidienne du terrain.
J’ai
l’impression que la valse des annonces du ministre, ses choix peu assumés, ses
discours généralistes, ses phrases creuses montrent une complète méconnaissance
de la réalité de l’enseignement, et une volonté d’irénisme qui, si elle est
respectable en soi, risque d’unir l’opinion contre lui, au lieu de l’unir
autour de lui.
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