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dimanche 27 avril 2014

La cacophonie des rythmes

La réforme des rythmes scolaire est supposée « mettre en place une organisation du temps scolaire plus respectueuse des rythmes naturels d'apprentissage et de repos de l'enfant, favoriser l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et des mathématiques le matin, au moment où les élèves sont les plus attentifs ».La matinée supplémentaire est censée « éviter la coupure du mercredi ».

L’expérimentation des rythmes scolaires tentée par  un certain nombre de communes (4000 à la rentrée 2013) aurait pu être une occasion en or pour le ministère de l’éducation, à la fois de se sortir d’un mauvais pas auprès de l’opinion mais surtout, à partir des observations de ces expériences, de tirer les conséquences et de modifier cette réforme. Mais il eut fallu pour cela que nos décideurs aient vraiment le souci de l’intérêt des enfants.

On aurait pu observer ce qui s’est passé dans ces communes, tant au niveau des élèves (sont-ils plus performants scolairement et plus reposés) qu’à celui de leurs parents (d’habitude très écoutés) à celui des enseignants (au moins pour la forme) et à celui des municipalités. Mais non, il n’en a rien été. Pourtant, les témoignages sont unanimes : la réforme supposée alléger la journée scolaire des enfants, l’a alourdie ; ceux-ci sont fatigués, déboussolés. Cela était au fond assez prévisible. Le temps quotidien de présence dans l’école est le même et les activités qui sont offertes, bien souvent relèvent plus de la garderie que d’activités culturelles ou sportives. En tout cas, rien qui ne  laisse présager une amélioration des résultats au prochain PISA.

Devant les difficultés politiques que connaît notre gouvernement, devant les résistances à ce projet, Benoît Hamon s’est senti obligé de proposer un assouplissement : les activités périscolaires pourront être regroupées sur une demi-journée et les communes pourront choisir de réduire le nombre d’heures de la journée en les étalant sur les vacances. Le regroupement sur une demi-journée semble être une bonne mesure. Il ne reste qu’à espérer que les communes qui se sont déjà engagées sur des interventions quotidiennes auront la possibilité de changer leur formule.

Néanmoins, tout laisse à penser que l’État est en train de se décharger peu à peu de cette coûteuse institution qu’est l’École pour la laisser aux communes. Beaucoup de témoignages ont été apportés sur les conséquences auprès des élèves de ces rythmes endiablés. Mais il est un aspect dont personne ne parle, celui de l’organisation du personnel enseignant. Simplement sans doute car peu s’en soucient. La machine Éducation Nationale a pour adage Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Elle sera donc comblée. Paris n’étant pas la France, prenons l’exemple de la situation en département. Imaginons une grande variété de cas, rendue possible par le décret. Chaque commune peut avoir un planning différent sur la journée, sur la semaine et même sur les vacances. À quoi viennent s’ajouter les APC, que chaque école est également libre de répartir à sa guise (dans un certain cadre cependant).Comment va s’y prendre l’Inspection académique pour organiser : les remplacements, les compléments de temps partiels (mi-temps, 75 %, 80%) dans une zone où une telle variété de situations peut exister ? Sachant que les personnels affectés sur des remplacements ou des compléments de postes peuvent aussi travailler à temps partiel.  C’est déjà très compliqué à l’heure actuelle, alors on imagine sans difficulté ce que cela donnera. Comment est-il possible que parmi les têtes pensantes » qui nous dirigent, aucune n’ait envisagé cet aspect de la question ? Une fois de plus, tout se passe comme s’il y avait deux mondes bien distincts et parallèles, celui de la réalité du terrain et celui des bureaux des ministères. C'est le choc de simplification à la sauce Education Nationale.

Une fois de plus, la montagne aura accouché d’une souris. La réforme des rythmes scolaires,  projet qui aurait pu être fédérateur et surtout très utile, n’aura servi qu’à faire l’unanimité contre les décisions du ministère en matière éducative. Au total, les écoles et les communes se verront imposer des changements non consentis, menés dans la plus  grande réticence et à l’opposé de ce qu’aurait dû être l’esprit de la réforme. Voilà qui, une fois de plus, alimentera une réaction de rejet à la seule mention de réforme scolaire surtout quand on nous la vendra sous le nom pompeux de refondation ou autre refonte. Depuis des décennies, les réformes successives ont été synonymes à la fois de dégradation des conditions d’exercice du métier et en même temps d’une amélioration de niveau 0 des performances des élèves. N’y a-t-il pas là de quoi nourrir un certain conservatisme ?

samedi 19 avril 2014

Données probantes et EBP: Franck Ramus récidive

Débat Brissiaud / Ramus sur le Café Pédagogique : suite.

Décidément, Franck Ramus ne lâche pas le morceau facilement et c’est tout à son honneur. Le sujet portait sur l’EBP ou Evidence Based Practice, pratique éducative fondée sur les preuves ou données probantes;  Rémi Brissiaud, dans deux articles y dit toute son hostilité. Franck Ramus, dans une première réponse expliquait l’urgente nécessité de recourir aux données probantes en enseignement.

Dans ce deuxième article, il récidive et démonte, un à un,  avec une grande justesse, les arguments de Brissiaud, mettant au jour le caractère fallacieux ou erroné de ses prises de position.

Je retiens en particulier la présentation fallacieuse du courant de l’EBP et des conclusions du NRP, les accusations ou conclusions sans preuve, la critique des vertus de l’innovation ; ou encore l’allusion au « complot anglo-américain ». En notant au passage que les constructivistes font preuve d’un anti-américanisme triomphant quand il s’agit d’EBP mais d’un suivisme béat quand il s’agit de faire un copier-coller du programme de Lederman, baptisé en France Main à la pâte via G.Charpak.


Une brillant argumentaire à lire absolument et à diffuser.


dimanche 6 avril 2014

L'Enseignement Explicite, pour une école plus juste

Benoît Hamon, notre nouveau ministre de l’Éducation Nationale a dit vouloir s’inscrire dans la continuité de son prédécesseur en tâchant de faire aussi bien que lui. Je comprends que les enseignants ou parents d’élèves ayant commencé à faire les frais de la réforme Peillon soient inquiets. Mais pouvait-il dire autre chose ?

Je préfère retenir sa volonté annoncée de faire en sorte "qu'il n'y ait pas d'ordre social immuable, que personne ne soit assigné à résidence sociale et que toutes les familles puissent avoir la chance d'offrir à leurs enfants les conditions optimales de réussite." 

Je vais donc faire comme si j'étais beaucoup plus jeune et prête à croire les intentions d'un homme politique. Notre ministre souhaite que l’école permette à chacun, quelle que soit son origine sociale, de réussir. Au passage, je remarque tout de même qu’il dit réussir et non pas s’instruire. Mais ne pinaillons pas.

Il y aurait donc de quoi être optimiste. Compte tenu de l’état de la recherche, des données probantes disponibles à tout un chacun, personne ne peut ignorer l’existence de méthodes pédagogiques efficaces, y compris pour les élèves issus de milieux culturellement défavorisés. Il suffirait ainsi de les faire connaître aux enseignants, et de former ceux-ci à leur pratique. Une bonne formation initiale mais aussi continue et hop, en route vers une école plus juste.

C’est ici qu’intervient l’Enseignement Explicite, qui fait partie des méthodes avérées efficaces pour tous. Pourquoi est-ce une méthode plus juste socialement ? Parce qu’elle ne compte pas sur la culture que l’enfant possède en dehors de l’école, parce qu’elle ne compte pas sur l’aide éventuelle de la famille pour faire avancer l’enfant. L’Enseignement Explicite part du niveau réel de l’enfant et le suit pas à pas en s’assurant que chacune des étapes est bien acquise. En enseignement explicite l’enfant n’est jamais lâché devant une tâche complexe, on commence par les notions simples, il est toujours accompagné par l’enseignant, beaucoup d’abord, puis de moins en moins ; par conséquent, il n’est jamais tenté de baisser les bras. Il est étroitement associé à son avancement. Les succès de l’Enseignement Explicite en milieux défavorisés ont été observés dans les classes. Il a d’ailleurs vu le jour suite à un questionnement consistant à observer les pratiques des enseignants qui obtenaient des résultats auprès d’élèves en difficultés. Les données sur le fonctionnement du cerveau confirment cette efficacité : ainsi les procédures de l’Enseignement Explicite tiennent compte de l’architecture cognitive et en particulier des limites de la mémoire de travail, veillant à ne pas provoquer de surcharge cognitive ; il procède par étapes progressives, explique clairement et sans ambiguïté fournit une pratique abondante, d’abord guidée puis autonome, de nombreuses révisions, des corrections immédiates et raisonnées. Il ne laisse jamais les élèves devant une tâche complexe qu’ils n’ont pas les moyens cognitifs de résoudre. Tout cela contribue à faire acquérir les connaissances et habiletés de manière durable.

Par ailleurs, on ne peut ignorer les conclusions d’une récente revue de recherche ou méga-analyse menée par  Gauthier, Bissonnette, Richard, Bouchard : c’est une synthèse de 362 recherches menées sur une période de 40 ans concernant plus de 30 000 élèves. La question initiale était : Quelles sont les stratégies d’enseignement efficaces favorisant les apprentissages fondamentaux auprès des élèves en difficulté de niveau élémentaire? L’étude conclut que "que les stratégies pédagogiques associables à l’enseignement structuré et directif sont celles à privilégier auprès des élèves en difficulté et à risque d’échec." Le constructivisme quant à lui, apparaît dans cette étude comme ayant des effets inférieurs à ceux attendus pour prétendre à l’efficacité. De fait, c’est une méthode pédagogique extrêmement élitiste par laquelle seuls les élèves issus de milieux culturellement favorisés ont une chance de réussir (mais encore faudrait-il se pencher sur la nature profonde de cette réussite). Le paradoxe qui dure depuis des décennies est que malgré les preuves accablantes, malgré les déclarations d’intentions et autres mantras, les méthodes inefficaces issues du constructivisme ont toujours pignon sur rue.

Il faudrait donc à notre nouveau ministre une volonté profonde de faire changer les choses associée à une personnalité hors du commun pour résister aux divers lobbies qui se battent pour l’idéologie constructiviste et contre l’introduction en éducation des données probantes associées à la notion d’efficacité. Une fois de plus, let’s wait and see … sans grande illusion néanmoins.
  





mercredi 2 avril 2014

Pour orienter ses recherches en Enseignement Explicite

Au regard des demandes récurrentes, il m’a semblé utile de faire un organigramme relatif à l’Enseignement Explicite, afin que chacun puisse mieux orienter ses recherches. Le terme enseignement explicite  est maintenant devenu très courant. Mais il est parfois utilisé de manière inappropriée, ou dans un sens général qui ne rend pas compte de ce qu’il est vraiment. Il ne suffit pas de donner des explications pour faire de l’enseignement explicite. Le document ci-joint permettra à toute personne curieuse, d’en savoir plus sur cette forme pédagogique telle que l’a conçue Barak Rosenshine. Figurent sur ce graphique les références principales et les sources fiables disponibles aujourd’hui. Vous y trouverez largement de quoi répondre à vos questions qu’elles soient théoriques ou pratiques.