Benoît
Hamon, notre nouveau ministre de l’Éducation Nationale a dit vouloir s’inscrire
dans la continuité de son prédécesseur en tâchant de faire aussi bien que lui.
Je comprends que les enseignants ou parents d’élèves ayant commencé à faire les
frais de la réforme Peillon soient inquiets. Mais pouvait-il dire autre
chose ?
Je
préfère retenir sa volonté annoncée de faire en sorte "qu'il n'y ait pas d'ordre social immuable, que personne ne soit assigné à résidence sociale et que toutes les familles puissent avoir la chance d'offrir à leurs enfants les conditions optimales de réussite."
Je vais donc faire comme si j'étais beaucoup plus jeune et prête à croire les intentions d'un homme politique. Notre ministre souhaite que l’école permette à
chacun, quelle que soit son origine sociale, de réussir. Au passage, je
remarque tout de même qu’il dit réussir et non pas s’instruire. Mais ne
pinaillons pas.
Il
y aurait donc de quoi être optimiste. Compte tenu de l’état de la recherche,
des données probantes disponibles à tout un chacun, personne ne peut ignorer l’existence
de méthodes pédagogiques efficaces, y compris pour les élèves issus de milieux
culturellement défavorisés. Il suffirait ainsi de les faire connaître aux
enseignants, et de former ceux-ci à leur pratique. Une bonne formation initiale
mais aussi continue et hop, en route vers une école plus juste.
C’est
ici qu’intervient l’Enseignement Explicite, qui fait partie des méthodes
avérées efficaces pour tous. Pourquoi est-ce une méthode plus juste
socialement ? Parce qu’elle ne compte pas sur la culture que l’enfant
possède en dehors de l’école, parce qu’elle ne compte pas sur l’aide éventuelle
de la famille pour faire avancer l’enfant. L’Enseignement Explicite part du
niveau réel de l’enfant et le suit pas à pas en s’assurant que chacune des
étapes est bien acquise. En enseignement explicite l’enfant n’est jamais lâché
devant une tâche complexe, on commence par les notions simples, il est toujours
accompagné par l’enseignant, beaucoup d’abord, puis de moins en moins ;
par conséquent, il n’est jamais tenté de baisser les bras. Il est étroitement
associé à son avancement. Les succès de l’Enseignement Explicite en milieux
défavorisés ont été observés dans les classes. Il a d’ailleurs vu le jour suite
à un questionnement consistant à observer les pratiques des enseignants qui
obtenaient des résultats auprès d’élèves en difficultés. Les données sur le
fonctionnement du cerveau confirment cette efficacité : ainsi les
procédures de l’Enseignement Explicite tiennent compte de l’architecture
cognitive et en particulier des limites de la mémoire de travail, veillant à ne
pas provoquer de surcharge cognitive ; il procède par étapes progressives,
explique clairement et sans ambiguïté fournit une pratique abondante, d’abord
guidée puis autonome, de nombreuses révisions, des corrections immédiates et
raisonnées. Il ne laisse jamais les élèves devant une tâche complexe qu’ils n’ont
pas les moyens cognitifs de résoudre. Tout cela contribue à faire acquérir les
connaissances et habiletés de manière durable.
Par ailleurs, on
ne peut ignorer les conclusions d’une récente revue de recherche ou méga-analyse
menée par Gauthier,
Bissonnette, Richard, Bouchard : c’est une synthèse de 362
recherches menées sur une période de 40 ans concernant plus de 30 000 élèves.
La question initiale était : Quelles sont les stratégies d’enseignement
efficaces favorisant les apprentissages fondamentaux auprès des élèves en difficulté
de niveau élémentaire? L’étude conclut que "que les stratégies pédagogiques associables à l’enseignement structuré
et directif sont celles à privilégier auprès des élèves en difficulté et à
risque d’échec." Le constructivisme quant à lui, apparaît dans cette étude
comme ayant des effets inférieurs à ceux attendus pour prétendre à l’efficacité. De fait, c’est une méthode pédagogique extrêmement élitiste par laquelle
seuls les élèves issus de milieux culturellement favorisés ont une chance de
réussir (mais encore faudrait-il se pencher sur la nature profonde de cette
réussite). Le paradoxe qui dure depuis des décennies est que malgré les preuves
accablantes, malgré les déclarations d’intentions et autres mantras, les
méthodes inefficaces issues du constructivisme ont toujours pignon sur rue.
Il
faudrait donc à notre nouveau ministre une volonté profonde de faire changer
les choses associée à une personnalité hors du commun pour résister aux divers
lobbies qui se battent pour l’idéologie constructiviste et contre l’introduction
en éducation des données probantes associées à la notion d’efficacité. Une fois
de plus, let’s wait and see … sans grande illusion néanmoins.
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