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lundi 30 décembre 2013

Bêtisier


La fin de l’année, traditionnellement, se prête aux bêtisiers. Dans les discussions autour de l’Enseignement Explicite, un thème revient systématiquement sous des formes multiples et variées. À elle seule, cette ineptie en vaut mille et possède l’intensité d’un trou noir.

En substance : l’Enseignement Explicite serait une dérive techniciste, un système scientiste propre à empêcher les enfants de penser, les transformant en rats de laboratoire, en perroquets dociles, pour enfin les dégoûter de l’école.

Mauvaise foi ou ignorance ? Un peu des deux sans aucun doute. Les personnes qui disent ainsi le bien et le mal en pédagogie n’ont jamais vu fonctionner de classe explicite, n’ont jamais vu d’élèves de ces classes et n’ont aucune idée des résultats qu’elles peuvent donner. Malheureusement pour elles, tout le monde sait aujourd’hui ce que donnent les méthodes constructivistes utilisées sans relâche depuis des décennies, en dépit des preuves maintenant connues de leur inefficacité.

Le scientisme. L’approche scientifique proposée par l’Enseignement Explicite est refusée, au prétexte que « le scientisme ne suffit pas à expliquer l’âme humaine ». Le but de l’enseignement n’est pas d’expliquer l’âme humaine mais de transmettre efficacement (c’est-à-dire en ayant pour but la maîtrise par les élèves des éléments transmis) un certain nombre de connaissances et habiletés.  Le courant hostile aux études scientifiques en éducation ne veut pas entendre parler de neuro sciences, de psychologie cognitive, de méga-analyses, d’observations de terrain. Pour lui, enseigner serait plutôt un art, voire un artisanat, en tout cas une activité au-delà de toute analyse, reposant sur une inspiration personnelle ou une idéologie dans laquelle les données mesurées n’ont pas leur place.

Quels sont donc les rapports de l’enseignement et de la science ? À mon sens, l’enseignement n’est pas une activité scientifique, mais il s’appuie sur la science et entretient avec elle des liens privilégiés. La science inspire la pratique enseignante (ex : les découvertes sur l’architecture cognitive ont des implications directes dans la structure des leçons) et elle la valide (en observant les résultats et l’efficacité). 

Bien évidemment, il y a des limites à l’utilisation de la science en enseignement qu’il s’agisse du  possible décalage entre les résultats de laboratoire et ceux obtenus en classe, ou de la frilosité des enseignants et des décideurs sur les expériences à grande échelle ou encore la possible illusion que l’utilisation de la science conduise à un seul modèle efficace. L’Enseignement Explicite est tout-à-fait conscient de ces restrictions. C’est pourquoi, il est mensonger de soutenir qu’il est une approche exclusiviste : au contraire, il se situe dans un courant plus général de recherche des pratiques efficaces. On ne trouvera nulle part que l’Enseignement Explicite est la seule voie vers l’efficacité. Il en est une parmi d’autres.

Cela étant, il y a deux principes de base sur lesquels l’enseignement doit s’appuyer : les principes incontournables (ex : l’enseignement doit s’accompagner d’une pratique), et les principes facultatifs dont l’efficacité est avérée et qui sont proposés aux enseignants (ex : travail en petits groupes, pratique chorale …). On ne dira jamais toute l’importance de ces fondements. L’enseignant, une fois qu’il les connaît et les maîtrise, est alors capable de construire sa classe dans une perspective d’efficacité. Les procédures explicites ont été suffisamment utilisées, vérifiées, étudiées pour que l’on puisse affirmer haut et clair que les élèves qui en bénéficient sont tout sauf des rats de laboratoire. Par contre, il n’en est pas de même pour les malheureux enfants qui subissent des méthodes constructivistes dont aucune étude et aucune mesure n’a montré l’efficacité. Qui sont les cobayes dans l’histoire ?[1]

La pensée. L’argument sur la pensée est fallacieux : il affirme que l’information ou l’habileté transmise directement va bloquer la pensée personnelle de l’enfant, car ce fait provient d’un tiers. Et que par conséquent, le contenu de son cerveau ne sera pas le sien. Tout comme si le cerveau de l’élève était une outre que l’on pourrait remplir à dessein afin que l’élève soit formaté pour recracher de temps en temps ce qu’il aurait ingurgité.  C’est méconnaître le fonctionnement du cerveau et ce qu’est l’acte de penser. 

La pensée, la pensée critique ne se construisent pas sur du vide, mais à partir d’informations contenues en mémoire. Il y a consensus sur la question en psychologie cognitive. La pensée critique s’installe sur du contenu solidement ancré et récupérable à tout moment. Et pour cela, il faut installer en mémoire à long terme ce contenu : pour cela, l’élève doit le comprendre puis le pratiquer régulièrement. 

On a fait croire aux enseignants que l’esprit critique et la pensée autonome pouvaient s’installer en l’absence de contenus ; c’est ainsi par exemple, que l’on prétend faire étudier à des élèves du primaire des documents historiques, alors qu’ils n’ont aucune connaissance pour le faire, même pas le cadre chronologique. L’Enseignement Explicite installe les contenus requis, les fait pratiquer, puis les fait utiliser dans des contextes variés ; c’est ainsi que se forme la pensée autonome.  Prétendre faire acquérir une pensée critique à des élèves qui n’ont pas les connaissances indispensables n’est autre qu’une mystification et du formatage des esprits.

La motivation. Quant à la motivation, c’est un serpent de mer qui plaît beaucoup en général. On vous explique que l’école et en particulier, l’école instructionniste, est ennuyeuse car pas assez ludique et trop éloignée des centres d’intérêt des élèves. Et que pour y remédier, il faut introduire du jeu, de la fantaisie, du plaisir, partir des désirs des enfants, du « vécu » comme on disait encore il y a une trentaine d’années. 

Une fois de plus, nous sommes en plein mythe. On part du principe (faux) que l’enfant fera mieux (sera motivé) ce qu’il a envie de faire naturellement. Déjà, il faudrait que tous aient les mêmes envies au même moment. Mais surtout, l’école n’est pas une chose naturelle, ce qu’on y apprend (la culture)  ne fait pas partie des apprentissages naturels. Par conséquent, c’est à l’enseignant de créer une motivation pour ses élèves. Tout enfant a un désir de connaître, de faire et de réussir et c’est à l’enseignant de l'initier au plaisir d’apprendre et surtout de réussir.

Il est évident que lorsqu’un élève est mis d’emblée dans une situation de complexité qu’il n’a pas les moyens de résoudre, il connaît l’échec et par suite la démotivation. C’est ainsi que faute d’avoir des classes actives (cognitivement) on obtient des classes agitées, rien de plus. En Enseignement Explicite, la motivation vient de la combinaison des efforts déployés avec la réussite obtenue. Aucun enfant ne rejette une tâche quand il y réussit, et a conscience de ses progrès. C’est ainsi que naît le plaisir d’apprendre.


  




[1]Ne devrait-on pas plutôt dire que  « Le constructivisme considère les enfants comme des rats de laboratoire cherchant leur chemin dans un labyrinthe complexe, avec des enseignants qui de temps en temps, les aiguillonnent. » Voir ici http://explicitementvotre.blogspot.fr/2013/10/des-eleves-seaux.html

samedi 28 décembre 2013

Les apports de John Hattie en enseignement


Pour tous ceux qui s’intéressent à l’enseignement explicite, ou à l’enseignement basé sur les données probantes (EBP), on ne présente plus John Hattie. Pour les autres, ils pourront se référer à cette présentation  et comprendront vite toute l’importance de ce chercheur sur la question des données probantes en enseignement.

Son ouvrage, Visible Learning, fruit de ses travaux sur une quinzaine d’années, présente une synthèse de méta-analyses : 50 000 études et des millions d’élèves concernés. L’ouvrage n’a pas pour  but de noyer le lecteur sous un flot de données incompréhensibles aux non-initiés, il délivre des conclusions qui s’appuient sur des données mesurées et mesurables. Le but n’est pas de critiquer les enseignants et de constater à quel point ils sont mauvais mais simplement de mettre en évidence le besoin d’un outil pour mesurer ce qui marche le mieux dans l’enseignement, afin de guider vers l’excellence. John Hattie se plaît à répéter que la question la plus importante que doit se poser un enseignant est celle qui consiste à se demander quel impact son action a eu sur les apprentissages.

Je me propose non de résumer cet ouvrage très complet, mais simplement de lister les idées phares qu’il contient afin que tout un chacun puisse en évaluer l’apport dans la marche vers un enseignement efficace.
  •  Nous avons besoin d’un baromètre de ce qui marche le mieux, et un tel baromètre doit pouvoir établir un guide de ce qui est excellent. C’est l’objectif de Visible Learning que de construire ce baromètre.
  •  L’ouvrage propose un modèle d’enseignement et d’apprentissage efficaces basé sur des milliers d’études. C’est le paradigme de l’orientation pédagogique basée sur les preuves.
  • Une grande partie de l’ouvrage raconte la puissance de l’enseignement direct, mettant en évidence l’importance du feedback pour informer l’enseignant du succès ou de l’échec de sa procédure. Autrement dit de la nature de son impact sur l’apprentissage de l’élève.
  • On parle d’enseignement et l’apprentissage visibles quand, ensemble, l’enseignant et l’élève cherchent à établir si et dans quelles mesures, l’objectif d’apprentissage a été atteint.
  •   L’ouvrage parle du pouvoir d’enseignants passionnés et chevronnés sur l’engagement cognitif des élèves et sur les contenus enseignés. Le guidage, l’évaluation des progrès mènent à la puissance du feedback de l’enseignant vers les élèves mais aussi des élèves entre eux.
  •  L’enseignement efficace se produit quand l’enseignant décide des objectifs d’apprentissage, des critères de réussite, les rend transparents aux élèves, fait des démonstrations par modelage, évalue le degré de compréhension de ce qui a été expliqué par une vérification régulière, et par une synthèse de ce qui a été enseigné lors de la phase d’objectivation.
  • Trop souvent, l’enseignement direct est décrit comme mauvais, alors que l’enseignement constructiviste serait bon. Cette affirmation est fausse et en complète opposition avec les données relatives à un enseignement et un apprentissage efficaces.
  • Ces résultats montrent qu’un enseignement guidé est bien plus efficace qu’un enseignement peu  ou pas guidé. Le rejet de l’enseignement direct est typique d’une profession immature, qui manque cruellement de solides bases scientifiques et rejette les données probantes, leur préférant les opinions et l’idéologie.

Pour terminer, quelques implications pratiques pour l’enseignant en recherche d’efficacité.
  • Donner de multiples occasions de pratique.
  •  Établir un lien visible entre objectif d’apprentissage, critères de succès, activités, ressources.
  •  Inciter à la pratique volontaire et à la concentration.
  •  Enseigner aux élèves comment demander, comprendre et utiliser le feedback.
  • Reconnaître l’importance du feedback entre élèves et l’enseigner.
  • Guider les progrès, régulièrement, toute l’année.
  •  Évaluer l’impact de l’enseignement, les progrès des élèves et faire son possible pour maximiser l’impact.
  •  Être directif.
  •  Rendre clairs les objectifs d’apprentissage et les critères de succès jusqu’à ce qu’ils soient explicitement compris par tous.
  • Avoir conscience que ce sont  les efforts des élèves, et non leur degré d’intérêt dans l’activité, qui  sont importants.
  • Être attentif à ce que chaque élève pense et sait.
  • Connaître la quantité et la qualité de feedback nécessaire dans le processus d’apprentissage.
  • Développer une bonne connaissance du contenu afin de fournir un feedback utile.
  •  Se souvenir du message fondamental de la recherche : connaître l’impact de ses actions.
 L’enseignement direct et efficace tel qu’il est décrit par J.Hattie est l’Enseignement Explicite tel qu’il a été mis en forme et décrit par B.Rosenshine. Voilà donc une étude de plus, et non des moindres, prouvant toute l’efficacité de cette pratique.  Si l’Enseignement Explicite reste encore une pratique marginale ici en France, cela vient du fait que les données probantes n’ont toujours pas leur place en pédagogie ; les « éducrates » qui disent le vrai du faux en haut lieu n’en veulent pas et s’appliquent à formater l’esprit des exécutants que sont les enseignants, en diffusant un certain nombre de légendes telles que, par exemple, croire que l’Enseignement Explicite serait une procédure nuisible car « elle empêcherait l’enfant de penser ». Force est de constater qu’il y a encore du chemin à faire pour que soit admise l’idée d’un enseignement direct, explicite et structuré et pour que nous passions enfin d’un âge obscur des croyances pédagogiques à celui plus éclairé des données probantes.

Pour en savoir plus sur John Hattie :


samedi 14 décembre 2013

La compréhension en lecture: nouvelles données

 Par : Edouard Gentaz, Liliane Sprenger-Charolles, Anne Theurel, Pascale Colé.

« Décodage, compréhension orale, vocabulaire : trois compétences clés pour favoriser l'apprentissage de la lecture des enfants de CP scolarisés en ZEP ».

Voici de nouvelles données probantes relatives à l’enseignement de la lecture. Il s’agit d’une étude réalisée par des chercheurs (Edouard Gentaz, Anne Theurel, Liliane Sprengler-Charolles, Pascale Colé) du CNRS et des universités de Grenoble, Paris Descartes et d'Aix-Marseille ; l’objectif était d’identifier les compétences à développer en vue d’améliorer les performances en lecture chez des enfants de CP en ZEP.

Il existe une relation complexe entre trois compétences fondamentales dans la compréhension de l’écrit (décoder, comprendre l’oral, vocabulaire). Cette relation dépend également de trois autres facteurs : la transparence orthographique, le niveau de l’élève et son statut socio-économique. Cette étude s’est penchée sur la contribution relative des prédicteurs de la compréhension dans un procédé longitudinal, du début à la fin de l’année de CP. 394 élèves de ZEP ont été concernés.

Conclusions :
Pour les élèves concernés, sur les nombreux facteurs influents dans la compréhension (qui représentent un total de 100%), les compétences de décodage sont 34%, la compréhension d’énoncés oraux 8.9% et le vocabulaire 4.5%. Les conséquences pédagogiques sont qu’une fois de plus, on nous dit et montre toute l’importance de la maîtrise d'un décodage juste, rapide, automatisé, ce qui ne doit pas faire oublier l’importance conjointe de l’oral et du lexique. Les chercheurs en concluent que cela pourrait aider les enseignants à repérer précocement les enfants à risques et à personnaliser l’aide qu’ils pourraient leur fournir.
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Cela fait quelques années que les études relatives à la lecture disent toute la même chose : l’importance de la maîtrise du code. Il serait peut-être temps, après ces années d’errements pédagogiques, de prendre ceci pour argent comptant et de voir enfin se généraliser dans les classes, des méthodes de lecture utilisant une approche explicite et efficace pour l’enseignement du code. Il serait peut-être temps que les données probantes soient diffusées auprès des enseignants et transformées en orientations pédagogiques. Il serait peut-être temps que notre ministère mette en application cette phrase de Vincent Peillon : " La pédagogie doit être attentive aux travaux de la recherche." Chiche ?





dimanche 8 décembre 2013

La violence à l'école : point de vue de Michel Onfray

Voici un point de vue très lucide sur la violence à l’école. Michel Onfray met en évidence les failles du système qui volette d’observatoires en cellules de réflexion depuis des années, sans jamais proposer de solutions réelles. Selon lui, il faudrait effectuer une resocialisation des élèves posant problème. Il évite le piège consistant à croire que le métier d’enseignant doit être revu afin que les professeurs soient capables de « gérer les situations ». Il les décrit comme « mal payés, déconsidérés, bien formés, sur-formés, et non soutenus par leur hiérarchie »en cas de problèmes. M.Onfray a cette capacité de parler sans langue de bois et sans pour autant tomber dans le catéchisme républicain rêvant de ressusciter les hussards noirs de la république. Enfin, un discours qui va dans le bon sens.





samedi 7 décembre 2013

A l'est, quoi de nouveau ?

Le PISA nouveau est arrivé, une fois de plus. Une fois de plus, l’école française révèle ses faiblesses au monde. Cela fait partie maintenant du train-train. D’aucuns se réjouissent d’avoir prédit la chose (quelle clairvoyance !) d’autres se délectent du recul de la Finlande, d’autres enfin, ressassent leurs vieilles rancunes contre la disparition de l’école d’antan, celle qui sentait bon la férule et l’encre violette. Et puis, il y a le ministre de l’Éducation pour qui cette annonce est une aubaine, lui permettant de justifier le maintien de sa réforme à un moment où il a grand besoin d’arguments. Les résultats sont mauvais, qu’à cela ne tienne, la révolution de l’école est en marche ! 

La montée fulgurante des pays asiatiques va-t-elle créer un nouveau modèle, un nouvel eldorado pédagogique propre à faire rêver toute une nation ? Comme ce fut le cas pour la Finlande. Je ne le pense pas car la culture éducative de ces pays émergents est à l’opposé de celle en vigueur chez nous. Elle véhicule la culture de l’effort et demande beaucoup aux élèves ; les méthodes pédagogiques sont transmissives. L’instruction a une grande importance aussi bien pour les Etats que pour les parents d’élèves qui mettent un point d’honneur à ce que leurs enfants réussissent à l’école. Chez nous, au contraire, on propage des légendes pédagogiques : on apprend plus et mieux sans effort, par le jeu, la transmission directe et explicite rend les enfants idiots, il faut reproduire les apprentissages naturels pour les connaissances secondaires, la recherche sur l’enseignement efficace n’est qu’une mystification etc… et bien d’autres encore.

On comprendra vite pourquoi le modèle d’enseignement asiatique ne sera jamais à la mode ici. D’ailleurs, les journalistes l’ont bien compris et au cas où quelques attardés seraient tentés d’y trouver des pistes, ils s’empressent de montrer à quel point les enfants asiatiques sont malheureux et à quel point leurs parents ainsi que leurs enseignants sont cruels : cours du soir, cours particuliers à la maison, rythmes scolaires effrénés.

Une chose est sûre néanmoins, c’est que le système asiatique est beaucoup moins élitiste que notre système français, qui lui, s’autoproclame depuis des lustres réducteur d’inégalités et qui investit des millions d’euros dans les ZEP, avec le succès que le monde entier connaît aujourd’hui. Les déclarations d’intention et les financements ne changeront rien dans les performances des élèves défavorisés tant que seront maintenues les mêmes méthodes pédagogiques inefficaces. On n’a plus l’excuse à l’heure actuelle de ne pas avoir de données concernant les pratiques pédagogiques efficaces, au contraire, il y en a pléthore. La recherche, les connaissances en psychologie cognitive, les expérimentations à large échelle, tout cela dessine un profil des pédagogies efficaces et de celles qui ne le sont pas. Les pédagogies de découverte n’en font pas partie. Néanmoins, depuis plusieurs décennies on n’en sort pas, on s’entête dans l’échec. Cerise sur le gâteau : les enfants d’enseignants, les enfants des élites, eux, s’en sortent mieux. Ces enfants-là ont la chance d’avoir accès à la culture et à l’instruction en dehors de l’école et des parents qui peuvent pallier les déficiences du système éducatif. Quant à ceux qui n’ont que l’école pour apprendre, ils sont laissés de côté. Les faits sont parlants, c’est un système élitiste.

Bien sûr, notre culture est à des lieues de la culture asiatique et vouloir imiter ces systèmes-là serait une aberration. Une école s’inscrit dans une culture et dans des mentalités. Personne n’imaginerait laisser nos élèves 8 ou 10 heures par jour sur les bancs de l’école, avant les cours du soir. D’ailleurs, ce n’est pas nécessaire quand les pratiques pédagogiques sont efficaces. L’enseignement explicite par exemple, porte ses fruits sans qu’il soit nécessaire de  faire des élèves des écoliers à l’asiatique ; simplement, ses procédures favorisent des apprentissages réussis, pour tous, ce qui permet un gain de temps et de résultats. 

Si l’on croise le PISA 2012 avec le rapport de l’IGEN rendu public récemment, lequel met l’accent sur l’inefficacité du système, on se dit qu’il serait grand temps d’abandonner les choix idéologiques en pédagogie pour se tourner vers des pratiques reconnues efficaces et de former véritablement les futurs enseignants à cela. Après la finlandisation, à quand l’« asiatisation » des esprits au sens d’une véritable recherche d’efficacité ?




mercredi 4 décembre 2013

Moins d’élèves : plus d’efficacité ?


C’est un peu le serpent de mer qui resurgit quand rien ne va plus. Et si on diminuait la taille des classes ? Voilà une idée couramment admise : on enseigne mieux si l’on a moins d’élèves. Aussi répandue chez les enseignants que chez les parents d’élèves. Elle est dictée par le bon sens. Les élèves ayant aujourd’hui beaucoup de problèmes de comportement, il est certain qu’une classe chargée est beaucoup plus difficile à gérer qu’une classe allégée. Il en va du confort de tous, élèves comme enseignants, donc des conditions dans lesquelles vont se faire les apprentissages et c’est loin d’être une moindre chose.

John Hattie s’est posé la question tout au long de ses recherches, ce petit clip présente ses conclusions, surprenantes car elles cassent l’argument du nombre d’élèves dans les performances scolaires.  Voici ce qu’il dit en résumé :


Il existe un effet lorsque l’on baisse les effectifs des classes, en passant par exemple de 30 à 15 élèves, cela est avéré. Mais l’ampleur de l’effet est minuscule. La question que J.Hattie s’est posée est : comment se fait-il que cet effet soit si petit ? Il a passé de nombreuses années avec ses collègues à tenter de répondre à cette question. Voici ce qu’ils ont observé : si vous prenez un professeur dans une classe de 30 élèves et que vous le mettez dans une classe de 15, sans qu’il change sa façon de faire, alors il est normal que l’effet soit négligeable. De fait, c’est ce qui a été constaté dans toutes les expériences de ce type. J.Hattie a été sollicité par le ministère de l’Éducation de Hong Kong pour donner son avis sur la question : le gouvernement voulait, pour des raisons politiques, réduire la taille des classes; J.Hattie leur a donné ses conclusions après leur avoir fait remarqué qu’ils étaient déjà en tête des classements, avec des classes à 60 élèves et que par conséquent il ne voyait pas l’intérêt d’un changement. Ils ont tout de même réduit les effectifs et le résultat s’est avéré à l’image de ce qui avait été prévu, il a été minuscule. La position de J.Hattie sur la question est claire : si nous voulons changer la taille des classes, il faut d’abord changer la façon d’enseigner. Il a vu des classes passer de 30 à 15 et être nettement meilleures quand les enseignants avaient changé leur façon de faire. Il est conscient que les enseignants se vexent devant ce type de conclusion car ils sont persuadés de savoir aussi enseigner à des classes de 15, selon l’idée que « qui peut le plus peut le moins ». Pour J.Hattie, l’hypothèse selon laquelle on peut enseigner aussi efficacement à des grands groupes qu’à des petits groupes sans rien changer, n’a jamais été démontrée.

Les études de J.Hattie et de son équipe sont certainement sérieuses et convaincantes, néanmoins la conclusion me dérange un peu par son côté maximaliste. En effet, imaginons passer d’une classe de 30 à une classe de 15 ; tout enseignant dans cette heureuse situation changera forcément sa façon de faire, même inconsciemment. Je parle d’expérience pour être passée d’une classe de 29 à une classe de 18. C’est toute l’atmosphère de la classe qui change, ce sont les rapports enseignant/ élèves, élèves / élèves, c’est le niveau sonore, c’est le niveau d’attention, de concentration ; en un mot c’est toute la gestion de classe qui se transforme ainsi que la gestion des élèves en difficulté et des meilleurs élèves… Par conséquent, je suis d’accord pour dire qu’un changement d’effectif entraîne un changement de pratique. Et c’est bien là, comme le dit J.Hattie, que réside l’ampleur de l’effet taille des classes. J.Hattie cite à titre d’exemple cette enseignante de Hong Kong qui avait une classe de 60 élèves et était obligée de s’adresser à eux par micros interposés, laquelle a continué à agir ainsi lorsque sa classe s’est réduite à 30 ! On a du mal à y croire…

Mais il y a aussi cette étude de Thomas Piketty (EHESS) et Mathieu Valdenaire (EHESS), L’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire dans les écoles, collèges et lycées français. « Notre méthode nous permet d’identifier des effets statistiquement significatifs de la taille des classes pour les trois niveaux d’enseignement, mais ces effets apparaissent quantitativement nettement plus importants au niveau des écoles primaires qu’à celui des collèges et surtout des lycées.  Pour ce qui concerne le primaire, nous mettons en évidence l’existence d’un impact positif important des tailles de classes réduites sur la réussite scolaire. » L’étude ne se penche pas sur les pratiques des enseignants quand les effectifs changent. La conclusion de ce travail indique la nécessité de confirmer ces premiers résultats par d’autres mesures.

Personnellement, je retiens, une fois de plus, l’importance soulignée de l’école primaire. Et je ne peux m’empêcher de la mettre en rapport avec le manque d’intérêt qu’elle continue à susciter de la part des instances gouvernantes. Quand viendra donc le moment où un ministre aura l’intelligence de réaliser, autrement que par du verbe, que dans l’édifice éducatif, l’école primaire constitue les fondations. Faut-il être expert en architecture pour comprendre que l’on ne construit rien de durable sur des fondations bancales ?


Enfin, sur une diminution de la taille des classes, je suis persuadée que tout le monde aurait à y gagner, à commencer par les enfants. L’expérience m’a montré qu’ils étaient beaucoup plus calmes et réceptifs en petits groupes, moins fatigués le soir à la fin de la classe. Et considérant les nouveaux « rythmes d’enfer » qui les attendent à la rentrée prochaine, une baisse généralisée des effectifs, y compris dans les écoles hors ZEP, serait peut-être un moyen terme pour en réduire les effets nocifs. On peut rêver, non ?