C’est un peu le serpent de mer qui resurgit quand rien ne va
plus. Et si on diminuait la taille des classes ? Voilà une idée couramment
admise : on enseigne mieux si l’on a moins d’élèves. Aussi répandue
chez les enseignants que chez les parents d’élèves. Elle est dictée par le bon
sens. Les élèves ayant aujourd’hui beaucoup de problèmes de comportement, il
est certain qu’une classe chargée est beaucoup plus difficile à gérer qu’une
classe allégée. Il en va du confort de tous, élèves comme enseignants, donc des
conditions dans lesquelles vont se faire les apprentissages et c’est loin d’être
une moindre chose.
John Hattie s’est posé la question tout au long de ses
recherches, ce petit clip présente ses conclusions, surprenantes car elles
cassent l’argument du nombre d’élèves dans les performances scolaires. Voici ce qu’il dit en résumé :
Il existe un effet lorsque l’on
baisse les effectifs des classes, en passant par exemple de 30 à 15 élèves,
cela est avéré. Mais l’ampleur de l’effet est minuscule. La question que J.Hattie s’est posée est : comment
se fait-il que cet effet soit si petit ? Il a passé de nombreuses années
avec ses collègues à tenter de répondre à cette question. Voici ce qu’ils ont
observé : si vous prenez un professeur dans une classe de 30 élèves et que
vous le mettez dans une classe de 15, sans qu’il change sa façon de faire,
alors il est normal que l’effet soit négligeable. De fait, c’est ce qui a été
constaté dans toutes les expériences de ce type. J.Hattie a été sollicité par
le ministère de l’Éducation de Hong Kong pour donner son avis sur la question :
le gouvernement voulait, pour des raisons politiques, réduire la taille des
classes; J.Hattie leur a donné ses conclusions après leur avoir fait remarqué
qu’ils étaient déjà en tête des classements, avec des classes à 60 élèves et
que par conséquent il ne voyait pas l’intérêt d’un changement. Ils ont tout de
même réduit les effectifs et le résultat s’est avéré à l’image de ce qui
avait été prévu, il a été minuscule. La position de J.Hattie sur la question
est claire : si nous voulons changer la taille des classes, il faut d’abord
changer la façon d’enseigner. Il a vu des classes passer de 30 à 15 et être
nettement meilleures quand les enseignants avaient changé leur façon de faire. Il
est conscient que les enseignants se vexent devant ce type de conclusion car
ils sont persuadés de savoir aussi enseigner à des classes de 15, selon l’idée
que « qui peut le plus peut le moins ». Pour J.Hattie, l’hypothèse
selon laquelle on peut enseigner aussi efficacement à des grands groupes qu’à
des petits groupes sans rien changer, n’a jamais été démontrée.
Les études de J.Hattie et de son équipe sont certainement
sérieuses et convaincantes, néanmoins la conclusion me dérange un peu par son
côté maximaliste. En effet, imaginons passer d’une classe de 30 à une classe de
15 ; tout enseignant dans cette heureuse situation changera forcément sa
façon de faire, même inconsciemment. Je parle d’expérience pour être passée d’une
classe de 29 à une classe de 18. C’est toute l’atmosphère de la classe qui
change, ce sont les rapports enseignant/ élèves, élèves / élèves, c’est le
niveau sonore, c’est le niveau d’attention, de concentration ; en un mot c’est
toute la gestion de classe qui se transforme ainsi que la gestion des élèves en
difficulté et des meilleurs élèves… Par conséquent, je suis d’accord pour dire
qu’un changement d’effectif entraîne un changement de pratique. Et c’est bien
là, comme le dit J.Hattie, que réside l’ampleur de l’effet taille des classes. J.Hattie
cite à titre d’exemple cette enseignante de Hong Kong qui avait une classe de
60 élèves et était obligée de s’adresser à eux par micros interposés, laquelle
a continué à agir ainsi lorsque sa classe s’est réduite à 30 ! On a du mal
à y croire…
Mais il y a aussi
cette étude de Thomas Piketty (EHESS) et Mathieu
Valdenaire (EHESS), L’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire
dans les écoles, collèges et lycées français. « Notre méthode nous permet d’identifier des
effets statistiquement significatifs de la taille des classes pour
les trois niveaux d’enseignement, mais ces
effets apparaissent quantitativement nettement plus importants au niveau des
écoles primaires qu’à celui des collèges et surtout des lycées. Pour ce qui concerne le primaire, nous mettons
en évidence l’existence d’un impact positif
important des tailles de classes réduites sur la réussite scolaire. » L’étude ne se penche pas sur
les pratiques des enseignants quand les effectifs changent. La conclusion de ce
travail indique la nécessité de confirmer ces premiers résultats par d’autres
mesures.
Personnellement, je
retiens, une fois de plus, l’importance soulignée de l’école primaire. Et je ne
peux m’empêcher de la mettre en rapport avec le manque d’intérêt qu’elle
continue à susciter de la part des instances gouvernantes. Quand viendra donc
le moment où un ministre aura l’intelligence de réaliser, autrement que par du
verbe, que dans l’édifice éducatif, l’école primaire constitue les fondations. Faut-il
être expert en architecture pour comprendre que l’on ne construit rien de
durable sur des fondations bancales ?
Enfin, sur une
diminution de la taille des classes, je suis persuadée que tout le monde aurait
à y gagner, à commencer par les enfants. L’expérience m’a montré qu’ils
étaient beaucoup plus calmes et réceptifs en petits groupes, moins fatigués le
soir à la fin de la classe. Et considérant les nouveaux « rythmes d’enfer » qui
les attendent à la rentrée prochaine, une baisse généralisée des effectifs, y
compris dans les écoles hors ZEP, serait peut-être un moyen terme pour en réduire
les effets nocifs. On peut rêver, non ?
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