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mercredi 4 décembre 2013

Moins d’élèves : plus d’efficacité ?


C’est un peu le serpent de mer qui resurgit quand rien ne va plus. Et si on diminuait la taille des classes ? Voilà une idée couramment admise : on enseigne mieux si l’on a moins d’élèves. Aussi répandue chez les enseignants que chez les parents d’élèves. Elle est dictée par le bon sens. Les élèves ayant aujourd’hui beaucoup de problèmes de comportement, il est certain qu’une classe chargée est beaucoup plus difficile à gérer qu’une classe allégée. Il en va du confort de tous, élèves comme enseignants, donc des conditions dans lesquelles vont se faire les apprentissages et c’est loin d’être une moindre chose.

John Hattie s’est posé la question tout au long de ses recherches, ce petit clip présente ses conclusions, surprenantes car elles cassent l’argument du nombre d’élèves dans les performances scolaires.  Voici ce qu’il dit en résumé :


Il existe un effet lorsque l’on baisse les effectifs des classes, en passant par exemple de 30 à 15 élèves, cela est avéré. Mais l’ampleur de l’effet est minuscule. La question que J.Hattie s’est posée est : comment se fait-il que cet effet soit si petit ? Il a passé de nombreuses années avec ses collègues à tenter de répondre à cette question. Voici ce qu’ils ont observé : si vous prenez un professeur dans une classe de 30 élèves et que vous le mettez dans une classe de 15, sans qu’il change sa façon de faire, alors il est normal que l’effet soit négligeable. De fait, c’est ce qui a été constaté dans toutes les expériences de ce type. J.Hattie a été sollicité par le ministère de l’Éducation de Hong Kong pour donner son avis sur la question : le gouvernement voulait, pour des raisons politiques, réduire la taille des classes; J.Hattie leur a donné ses conclusions après leur avoir fait remarqué qu’ils étaient déjà en tête des classements, avec des classes à 60 élèves et que par conséquent il ne voyait pas l’intérêt d’un changement. Ils ont tout de même réduit les effectifs et le résultat s’est avéré à l’image de ce qui avait été prévu, il a été minuscule. La position de J.Hattie sur la question est claire : si nous voulons changer la taille des classes, il faut d’abord changer la façon d’enseigner. Il a vu des classes passer de 30 à 15 et être nettement meilleures quand les enseignants avaient changé leur façon de faire. Il est conscient que les enseignants se vexent devant ce type de conclusion car ils sont persuadés de savoir aussi enseigner à des classes de 15, selon l’idée que « qui peut le plus peut le moins ». Pour J.Hattie, l’hypothèse selon laquelle on peut enseigner aussi efficacement à des grands groupes qu’à des petits groupes sans rien changer, n’a jamais été démontrée.

Les études de J.Hattie et de son équipe sont certainement sérieuses et convaincantes, néanmoins la conclusion me dérange un peu par son côté maximaliste. En effet, imaginons passer d’une classe de 30 à une classe de 15 ; tout enseignant dans cette heureuse situation changera forcément sa façon de faire, même inconsciemment. Je parle d’expérience pour être passée d’une classe de 29 à une classe de 18. C’est toute l’atmosphère de la classe qui change, ce sont les rapports enseignant/ élèves, élèves / élèves, c’est le niveau sonore, c’est le niveau d’attention, de concentration ; en un mot c’est toute la gestion de classe qui se transforme ainsi que la gestion des élèves en difficulté et des meilleurs élèves… Par conséquent, je suis d’accord pour dire qu’un changement d’effectif entraîne un changement de pratique. Et c’est bien là, comme le dit J.Hattie, que réside l’ampleur de l’effet taille des classes. J.Hattie cite à titre d’exemple cette enseignante de Hong Kong qui avait une classe de 60 élèves et était obligée de s’adresser à eux par micros interposés, laquelle a continué à agir ainsi lorsque sa classe s’est réduite à 30 ! On a du mal à y croire…

Mais il y a aussi cette étude de Thomas Piketty (EHESS) et Mathieu Valdenaire (EHESS), L’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire dans les écoles, collèges et lycées français. « Notre méthode nous permet d’identifier des effets statistiquement significatifs de la taille des classes pour les trois niveaux d’enseignement, mais ces effets apparaissent quantitativement nettement plus importants au niveau des écoles primaires qu’à celui des collèges et surtout des lycées.  Pour ce qui concerne le primaire, nous mettons en évidence l’existence d’un impact positif important des tailles de classes réduites sur la réussite scolaire. » L’étude ne se penche pas sur les pratiques des enseignants quand les effectifs changent. La conclusion de ce travail indique la nécessité de confirmer ces premiers résultats par d’autres mesures.

Personnellement, je retiens, une fois de plus, l’importance soulignée de l’école primaire. Et je ne peux m’empêcher de la mettre en rapport avec le manque d’intérêt qu’elle continue à susciter de la part des instances gouvernantes. Quand viendra donc le moment où un ministre aura l’intelligence de réaliser, autrement que par du verbe, que dans l’édifice éducatif, l’école primaire constitue les fondations. Faut-il être expert en architecture pour comprendre que l’on ne construit rien de durable sur des fondations bancales ?


Enfin, sur une diminution de la taille des classes, je suis persuadée que tout le monde aurait à y gagner, à commencer par les enfants. L’expérience m’a montré qu’ils étaient beaucoup plus calmes et réceptifs en petits groupes, moins fatigués le soir à la fin de la classe. Et considérant les nouveaux « rythmes d’enfer » qui les attendent à la rentrée prochaine, une baisse généralisée des effectifs, y compris dans les écoles hors ZEP, serait peut-être un moyen terme pour en réduire les effets nocifs. On peut rêver, non ?


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