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dimanche 31 janvier 2016

Les trois passoires de Socrate




Il en va des légendes relatives à l’enseignement explicite ou direct comme des rumeurs. Elles s’inscrivent dans une large entreprise de diffusion de messages faux mais à prétention de vérité. Encore récemment, je lisais sur le net que « l’enseignement explicite nuisait à la créativité de l’enfant, et empêchait son raisonnement », et qu’aucune recherche n’avait prouvé  l’efficacité de ce genre de pédagogie. Dans le même article, au sujet du projet Follow Through on lisait « que les résultats ont été globalement décevants, quelle que soit la méthode. » Plus le mensonge est gros plus il passe. 

Les détracteurs de l’enseignement direct usent toujours des mêmes moyens pour discréditer encore et encore sans jamais argumenter. Tout repose sur un processus de réduction, au cours duquel le message est simplifié abusivement. Ainsi, tout ce que l’on retient par exemple de l’enseignement explicite est son côté transmissif, l’importance accordée à la pratique,  au maintien en mémoire. Puis on ne retiendra que deux de ces éléments, puis un seul etc… De fil en aiguille, il ne restera plus qu’un seul élément qui devient vite un slogan négatif. Ex : L’Enseignement explicite repose sur une conception mécaniste des apprentissages. À cela s’ajoute un processus d’accentuation dans lequel un élément décrété comme mauvais est mis en exergue au détriment des autres. Ex : L’Enseignement Explicite est une méthode centrée sur l’enseignant. Cet élément-là sera retenu comme emblème, disqualifiant d’emblée tout ce qui pourrait être ajouté. Cette accentuation tourne souvent à la caricature. Ex : L’apprentissage phono-alphabétique de la lecture nuit à la compréhension. Et peu importe que les affirmations ne soient pas argumentées. La croyance est intégrée et jamais remise en cause. Il serait d’ailleurs difficile de présenter un début de preuve montrant que le déchiffrage en lecture empêche la compréhension ou que l’Enseignement Explicite nuit à la créativité  ou encore qu’il rend les élèves passifs.  Le choix des éléments à mettre en exergue et la manière de les présenter est toujours négative : qui pourrait être favorable à une pratique qui nuit à la créativité ou empêche les élèves de comprendre ? Mais, nous le savons tous, les preuves ne sont pas nécessaires aux mythes ou aux rumeurs  pour se propager.

Tout cela a plusieurs conséquences : de nombreux enseignants sont eux-mêmes les victimes de cette propagande noire et contribuent à la répercuter. Sans peut-être en avoir l’intention, ils contribuent à discréditer un enseignement efficace mais qu’ils ne connaissent pas et à perpétuer des méthodes inefficaces mais conformes à un discours se parant de toutes les vertus humaines possibles. Mais cela empêche aussi tout débat pédagogique : en effet comment inventer un débat entre quelqu’un qui oppose des croyances à quelqu’un qui avance des preuves ? Ce ne  serait d’ailleurs pas à l’avantage du croyant.
De plus, cela écarte d’emblée les personnes susceptibles d’être intéressées par l’enseignement direct. Il faut avoir une bonne indépendance intellectuelle pour aller au-delà des rumeurs régulièrement entretenues et se former tout seul à une pratique conspuée par les "pédagogues"ayant pignon sur rue.

En conséquence de tout cela, il ne me reste plus qu’à conseiller à celles et ceux qui sont intéressés par l’Enseignement Explicite de suivre les conseils d’un sage. Et quand quelqu’un vous dira du mal de l’Enseignement Explicite, dans un premier temps, pensez aux trois passoires de Socrate avant de vous empresser de le répéter. Et ensuite filez immédiatement sur Form@PEx pour en savoir plus.

Voici ce que le dialogue pourrait donner. 

 
Quelqu'un vient un jour trouver le grand philosophe et lui dit :
« Sais-tu ce que je viens d'apprendre  ? L’Enseignement Explicite nuit à la compréhension et empêche la créativité des élèves.
- Un instant, répondit Socrate. Avant que tu me racontes, j'aimerais te faire passer un test, celui des 3 passoires :
- Les 3 passoires? »
« Mais oui,  reprit Socrate, avant de me raconter toutes sortes de choses, il est bon de prendre le temps de filtrer ce que l'on aimerait dire. C'est ce que j'appelle le test des 3 passoires.

La première passoire est celle de la vérité. As-tu vérifié si ce que tu veux me dire est vrai?
- Non. J'en ai simplement entendu parler...
- Très bien. Tu ne sais donc pas si c'est la vérité.

Essayons de filtrer autrement en utilisant une deuxième passoire.
La deuxième passoire est celle de la bonté. Ce que tu veux m'apprendre,
est-ce une bonne chose ?
- Ah non ! Au contraire.
- Donc, continua Socrate, tu veux me raconter de mauvaises choses et tu n'es même pas certain si elles sont vraies. Tu peux peut-être encore passer le test, car il reste une passoire.

La troisième passoire est celle de l'utilité. Est-il utile que tu m'apprennes cela ?
- Non. Pas vraiment.
Alors, conclut Socrate, si ce que tu as à me raconter n'est ni vrai, ni bien, ni utile...
Pourquoi vouloir me le dire ? »








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