L’introduction des données probantes inquiète toujours autant dans
les chaumières, ainsi que le montre un article paru ce jour sur le site Éduveille. L’auteur s’offusque de la persistance de l’expression « recherche scientifique
» dans l’enquête PIRLS. Cette inquiétude serait-elle le signe que les
données probantes représentent une menace pour ceux qui y sont
hostiles ?
Effectivement, il y a en éducation deux courants distincts : celui
qui s’appuie sur les données probantes et a pour but l’efficacité de
l’enseignement et celui qui s’appuie sur des choix idéologiques ou
philosophiques pour déterminer les méthodes pédagogiques à privilégier.
Il n’est nul besoin d’être amer pour faire ce constat, ce sont deux
démarches complètement différentes. On aimerait, qu’une fois pour
toutes, ceux qui refusent les données probantes assument leurs propres
choix haut et fort. Au contraire, ils se sentent terriblement vexés
quand on mentionne leurs choix idéologiques et n’hésitent pas, quand ça
les arrange, à utiliser la phrase « de nombreuses études montrent que… » Soyons honnêtes : on ne peut refuser l’utilisation de certaines données et en accepter d’autres.
Si nous allons plus loin, la différence entre les deux courants repose sur la place de l’efficacité en enseignement.
Doit-on faire en sorte que les apprentissages soient correctement
effectués ? Ou bien d’autres buts sont-ils assignés à l’enseignement et à
l’école en général ? Malheureusement, dès qu’on parle efficacité, on
se fait traiter de techniciste, d’utilitariste ou autre qualificatif
désobligeant.
Le mythe veut donc que l’utilisation des données probantes constitue une « dérive technicienne
» qui consisterait à faire appliquer mécaniquement des techniques, en
se moquant complètement du contenu, des publics, de l’affectif et des
contextes spécifiques. Autrement, au plus grand mépris des élèves et des
apprentissages. C’est une imposture que de laisser croire de telles
inepties.
Un exemple : le projet Follow Through, qui reste toujours d’actualité. Dans cette étude comparative de 9 méthodes pédagogiques, celle qui est arrivée en tête, le Direct Instruction,
s’appuie sur les données probantes. En tant qu’abominable dérive
technicienne, elle aurait dû arriver en dernier. Non seulement, elle a
eu les meilleurs résultats sur le plan des habiletés de base (lecture,
maths, langue), sur celui des habiletés intellectuelles (raisonnement,
résolution de problèmes) mais aussi sur celui des habiletés affectives
(estime de soi, confiance en soi…). De plus, cette méthode pédagogique
convenait très bien aux élèves en difficulté pour lesquels elle avait
été conçue à l’origine.
Une bien piètre argumentation avancée par les détracteurs des données
probantes consiste à dire qu’elles sont inutilisables en raison de la
nature du métier. Ce métier serait en grande partie construit sur
l’intuition, l’expérience et les valeurs. Certes ces trois éléments
interviennent dans l’enseignement comme dans n’importe quel autre
métier. Mais en moindre partie. Il est certain qu’en colportant de
telles croyances, on ne contribue pas à re-professionnaliser le métier
qui pourtant en aurait bien besoin.
Chercher la solution aux problèmes de l’École en refusant l’accès des
données probantes dans le champ éducatif, et ce, par principe, révèle
un manque patent d’ouverture d’esprit. Mieux vaut sans doute conserver
les vieilles recettes qui ont eu les résultats que l’on connaît.
L'autre dérive que je crois voir se pointer est de vouloir enseigner explicitement selon des soi-disant données probantes des stratégies conçues et pensées dans le paradigme de l'apprentissage ou socio-contructiviste, c'est-à-dire dans des situations complexes, trop complexes pour la capacité de gestion cognitive des apprenants, surtout chez les élèves en difficulté ou moyen. Je prépare pour bientôt un petit essai sur l'enseignement de la lecture au secondaire (Québec), domaine où l'on s'embrouille à mon sens en voulant trop tôt enseigner des habiletés du lecteur expert dès un jeune âge, là où il serait plus pertinent de travailler des sous-habiletés de base permettant d'éventuellement dans les degrés plus matures d'aborder ces hautes compétences.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJe partage votre point de vue. Parallèlement à votre remarque sur le secondaire, en primaire, certains constructivistes se sont récemment entichés de l’apprentissage explicite de la compréhension en lecture ; cela consiste à enseigner les habiletés telles que faire des inférences, questionner, trouver l’idée principale…. Je pense que ces sous-habiletés ne doivent pas être passées sous silence mais le risque est de négliger l’élément essentiel qui conduit à la compréhension : la maîtrise de la langue, du vocabulaire et les connaissances générales. Comment faire des inférences si on n’a pas la culture sous-jacente nécessaire ? Les Américains ont expérimenté cet enseignement à outrance, au détriment des bases culturelles et langagières, cela n’a amené aucun résultat. Par conséquent, je partage les conclusions de D.Willingham quand il affirme qu’un enseignement explicite des habiletés de compréhension est utile mais pas au point de réduire la lecture à cela.
Pensez-vous mettre en ligne votre essai ?
Bien à vous,
PS Voir aussi: http://explicitementvotre.blogspot.fr/2013/03/enseignement-explicite-des-strategies.html