Je fais de la Pédagogie Explicite sans le savoir.
« Par ma foi ! Il y a plus de quarante ans que je fais de l’Enseignement Explicite sans que j'en susse rien ... »
Que Molière me pardonne cette
transposition facile. Imparfait du subjonctif mis à part, voici une réflexion
assez fréquente.
Bien évidemment, il est
encourageant de constater que certaines personnes se reconnaissent dans la
pratique explicite. Mais, au fil des ans, j’ai remarqué plusieurs façons de
faire cette observation. Il y a ceux qui insistent sur le côté non innovant de la
chose au prétexte qu’ils la pratiquent depuis longtemps et que, par conséquent,
il n’y a pas de quoi crier au génie. Sur le coup, vous restez interdit car
jusqu’alors, vous n’aviez pas eu l’impression de réinventer l’eau tiède.
En creusant un peu, on s’aperçoit bien vite que ces messieurs Jourdain de la
pédagogie explicite ne sont absolument pas demandeurs, même si par ailleurs,
ils n’ont jamais entendu parler de Rosenshine ni de Gauthier et ignorent
comment se déroule une leçon explicite. De fait, beaucoup de ces personnes ont
une pratique traditionnelle et magistrale et aucun désir de passer à autre
chose. Étant donné que l’Enseignement Explicite est une pratique transmissive,
grande est la tentation d’utiliser ce terme pour redorer le blason d’une
pratique magistrale et traditionnelle à l’image bien écornée aujourd’hui. On
remarque aussi ce phénomène chez certains petits éditeurs traditionalistes, qui depuis quelques temps, abondent en épithètes explicites.
Mais, heureusement, j’ai rencontré
aussi beaucoup de personnes se reconnaissant véritablement dans
l’enseignement explicite : celles qui travaillent déjà dans ce sens en partant
du simple pour aller vers le complexe, en expliquant le plus de choses
possibles, etc. Celles qui ont abandonné les pratiques de découverte car non
efficaces et qui tentent une transmission directe et plus structurée. Celles
qui sont désireuses d’aller plus loin dans ce type de procédure pour gagner
encore en efficacité sans pour autant retomber dans le modèle traditionnel du
cours magistral suivi d’une heure d’exercices. Par leur expérience, ces
personnes sont déjà convaincues de l’efficacité de ce genre d’approche. Quand
on leur explique qu’elles sont dans la bonne voie mais pourraient aller encore
plus loin, bien entendu, elles sont preneuses. Je me suis trouvée de celles-ci
quand j’ai découvert l’Enseignement Explicite. À la différence qu’à l’époque,
aucun site francophone n’était encore consacré à cette forme pédagogique et
qu’il a fallu aller chercher un à un les renseignements, les bibliographies,
les articles de synthèse, demander des témoignages, prendre des contacts avec
ceux qui savaient, etc. La pédagogie explicite repose sur un concept pédagogique
complet, s’appuyant sur des recherches, ses techniques de transmission ont été
passées au crible de l’expérience. De plus, elle n'est pas transmise par voie officielle. Par conséquent, il faut un peu de temps pour
en maîtriser la pratique ; il ne suffit pas d’annoncer les objectifs
d’apprentissage pour être explicite au sens où Rosenshine l’entend. Quand on se
situe dans ce cheminement, cela vaut vraiment la peine d’approfondir, d’en
apprendre plus et de parvenir à comprendre pourquoi cela fonctionne. Ce n’est
pas une perte de temps et cela permet aux enseignants d’avoir une pratique
satisfaisante pour eux, pour leurs élèves. Je sais, pour l’avoir vécu, à quel
point on est satisfait, voire soulagé, de trouver une méthode pédagogique nous
correspondant et allant dans la direction que l’on essaie de prendre. C’est
pourquoi je me permets de suggérer à toutes celles et ceux qui disent « J’en
fais déjà » de continuer à creuser la question afin de maîtriser complètement
cette façon de faire. Ils en seront récompensés.
A bientôt ici même pour une autre
remarque.
Bonjour Françoise,
RépondreSupprimerlorsque j'ai adhéré à la 3ème voie, l'association que vous aviez fondé toi et Bernard pour faire connaître la pédagogie explicite en France, j'avoue que je n'avais pas saisi tout ce qu'impliquait cette pédagogie. J'avais bien compris qu'il n'y avait plus de phase découverte, qu'il y avait une phase où la notion abordée était directement présentée par l'enseignant, mais je ne touchais là que la surface.
Me voilà donc parti à expliquer à mes élèves, par exemple, comment reconnaître le sujet dans une phrase, mais sans forcément avoir correctement réactivé leurs connaissances antérieures (ici, tout ce qui concerne le verbe); me voilà parti dans des explications magistrales souvent trop longues; me voilà à donner des exercices sans avoir suffisamment contrôlé la compréhension de la notion par mes élèves. Il aura fallu que je me plonge plus attentivement dans les nombreux textes mis en ligne sur votre site pour corriger et affiner ma pratique. D'ailleurs celle-ci continue à gagner en précision et en efficacité grâce aux lumières de vos articles et conseils de lecture.
Une dernière chose (last but not least), j'ai aussi compris que la pédagogie explicite avait un fondement scientifique. Pourquoi faire de telle ou telle manière : parce que des chercheurs y ont réellement étudié les tenants et aboutissants des pratiques de classe; on peut justifier ce que l'on met en oeuvre dans sa classe. Bref, je fais aujourd'hui de la pédagogie explicite en conscience, en sachant ce que je fais.
Yannick Fauchey.
Bonjour Yannick,
RépondreSupprimerMerci pour ce commentaire qui illustre bien mon propos et qui, je l’espère, donnera envie à d’autres de suivre ton cheminement. Le but de ce post, tu l’as bien compris, était de montrer que finalement, peu importe d’où l’on part (nous commettons tous des erreurs au début, ce qui est naturel) l’essentiel c’est d’avoir un esprit suffisamment dynamique pour persévérer et en apprendre toujours plus. Car comme tu le dis si bien, le but est de maîtriser une pratique en sachant pourquoi on l’a choisie, pourquoi elle fonctionne et non pas comme on adopterait la dernière recette à la mode.
Bonne continuation