Toutes les pratiques pédagogiques se valent.
Voilà
une remarque qui s’inscrit dans un modèle pédagogiquement correct, selon lequel
toutes les pratiques se vaudraient et aucune ne devrait prévaloir sur une
autre. Une fois de plus, il n’est pas question ici de remettre en cause les
pratiques des enseignants sur le terrain, qui sont maîtres de leurs pratiques
et jouissent du principe de liberté pédagogique permettant à chacun de mener sa
classe librement dans la mesure où les Instructions Officielles sont
respectées.
Pour
pouvoir ainsi affirmer que tout se vaut en pédagogie, la moindre des choses
serait d’en donner la preuve. Quelle étude nous le dit ? Imaginons un
instant une assertion similaire dans le monde médical. Pourrait-on dire que
toutes les thérapies se valent ? Non, parce que chacune s’appuie sur un
certain nombre d’études et des expérimentations leur donnant ou non une
validation.
L’introduction
des données probantes en enseignement a montré que les méthodes ne se valaient
pas toutes en termes d’efficacité. Ce qui par ailleurs a été confirmé par des enseignants
en ayant utilisé certaines.
C’est
le projet FollowThrough qui, dans les années 60/70, a lancé un pavé dans la mare en ouvrant
la voie aux données probantes en enseignement. Cette étude longitudinale
réalisée sur quelques 352 000 élèves et 180 écoles voulait savoir quelles
méthodes pédagogiques étaient plus efficaces ; 9 furent retenues pour
participer à l’étude, divisées en deux courants : les méthodes centrées
sur l’enseignement et celles centrées sur l’élève. En fin de CE2 on mesurait trois
types d’habiletés : les habiletés de base (lecture, écriture, mathématiques), les
habiletés intellectuelles (raisonnement, résolution de problèmes), les
habiletés affectives (image et estime de soi). Les
conclusions mirent en exergue plusieurs remarques. Les
trois modèles centrés sur les apprentissages étaient les plus performants. Pour
cinq des six modèles centrés sur l’élève, les résultats étaient plus faibles
qu’avec le groupe témoin de l’enseignement traditionnel. Le Direct Instruction
(modèle de transmission directe et explicite) est le seul à obtenir des
résultats positifs dans les trois habiletés mesurées : de base,
intellectuelles, affectives.
Ce
n’est rien de dire que le Direct Instruction, cet outsider de l’enseignement, créa la surprise. Cette méthode qui avait pour objectif principal les
apprentissages réussissait même dans les habiletés qui n’étaient pas sa
préoccupation principale. Alors que des méthodes spécifiquement centrées sur
l’épanouissement de l’enfant et son estime de soi, n’y parvenaient pas aussi
bien.
Cette
vaste entreprise, que peu de gens en France connaissent, nous dit clairement
que nous ne devons pas préjuger de l’efficacité d’une méthode pédagogique tant
qu’elle n’a pas été passée au crible de l’expérimentation et de l’étude. Elle
nous dit aussi que toutes les méthodes ne se valent pas. Et que ce n’est pas
parce qu’une méthode pédagogique est « populaire » ou se présente
sous un aspect attirant (voir par exemple la popularité des méthodes supposées
rechercher l’épanouissement de l’enfant) que c’est la garantie des résultats.
Nous
voilà donc au cœur du problème : la question du statut des données probantes. Elles n’ont pas
encore un droit de cité dans le monde éducatif français, surtout si elles vont
à l’encontre des idées reçues. Il reste donc un travail énorme à accomplir afin
qu’elles puissent faire partie des outils mis à disposition des enseignants
pour qu’ils puissent exercer leur métier en véritables professionnels,
c’est-à-dire en ayant toujours le souci du rapport à l’efficacité.
En
2002 Slavin écrivait : «La
révolution scientifique qui a profondément transformé la médecine,
l'agriculture, les transports, la technologie et d'autres champs au cours du
XXe siècle a laissé complètement intact le champ de l'éducation ». À quoi
Clermont Gauthier rajoutait en 2006 : « Cette
absence de perspective scientifique nuit à l'amélioration de la qualité de
l'éducation et à la professionnalisation de l'enseignement ».
A bientôt ici même pour une autre remarque.
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