Existe-t-il des manuels en Pédagogie Explicite ?
Selon
le sens commun, un manuel est un ouvrage maniable présentant les connaissances
exigées par les programmes scolaires. Les enseignants regroupent sous
l’appellation générique de manuel tout un ensemble d’outils papier, divers et
complémentaires. Les textes officiels à propos des manuels soulignent que
ceux-ci doivent laisser aux enseignants leur liberté pédagogique quant au choix
des méthodes. Dans les faits, il n’en est pas vraiment ainsi. La plupart des
manuels actuellement sur le marché sont d’essence constructiviste à des degrés
divers. Cela se traduit par des mises en situations problèmes et un contact
direct avec la complexité. Ils sont donc difficilement utilisables en PEx qui
consacre le principe de progressivité et l’alignement curriculaire.
Au
passage, je dois mettre en garde qu’à l’heure actuelle, certains éditeurs
utilisent le mot explicite pour recycler des manuels traditionnels et se donner
une image de modernité, ou pour coller à la terminologie des programmes 2008,
qui mentionnaient abondamment un enseignement explicite et structuré. L’usage
général du terme explicite n’est pas forcément synonyme de PEx et les manuels
traditionnels ne relèvent pas de la pédagogie explicite.
L’une
des spécificités de la PEx est la place importante accordée à la pratique
(juste après le modelage), qu’elle soit guidée ou autonome. L’enseignant a donc
besoin d’avoir à sa disposition des exercices de difficultés variées.
Pourquoi
une telle absence sur le marché ?
Il
y a d’abord le fait que l’enseignement explicite en France n’en est qu’à ses
débuts, et il n’est pas soutenu par l’institution ; les éditeurs, qui sont
des marchands, ne vont pas prendre le risque de publier des manuels relevant
d’une pédagogie non officielle. Par ailleurs, depuis plusieurs années, les
manuels en général ont mauvaise presse auprès des enseignants que l’on a
persuadés d’être eux-mêmes leurs propres ressources. Il est courant de revendiquer un détachement par rapport à l’équipement en manuels. Enfin,
autre problème, les manuels coûtent cher (entre 14 et 15€) et les budgets des
classes, laissés à la discrétion des communes, peuvent varier du simple au double
d’une école à une autre. Dans l’ensemble, investir dans une série de manuels
pour sa classe est une dépense considérable qui fait hésiter. Hésitation
d’autant plus justifiée que l’on n’est jamais vraiment sûr du résultat. Pour
juger d’un manuel, il faut l’utiliser une année au moins. Personnellement, je
n’ai jamais rencontré d’enseignant utilisant un manuel d’un bout à l’autre, en
suivant à la lettre tout ce qui est recommandé ; on détourne, on emprunte,
on mixe.
Mais
en PEx, il y a un autre facteur et non des moindres : le praticien qui
maîtrise bien la PEx (qui en a compris les tenants et les aboutissants, qui a
connaissance des raisons cognitives de son action pédagogique et possède une
certaine fluidité dans sa pratique) est capable de mener ses leçons grâce à
certains outils du marché qui sont les banques d’exercices (qu’elles soient en
ligne ou éditées sur papier). La mise en situation et le modelage lui incombent
personnellement et sont faits sur mesure pour sa classe, en fonction du niveau
de celle-ci et des connaissances préalables des élèves ; la pratique guidée et
la pratique autonome sont constituées de questions qu’il aura établies lui-même
et d’exercices qu’il peut choisir dans des collections comme CLR chez Hachette par exemple.
Ces collections contiennent de très nombreux exercices progressifs et l’enseignant
a un large choix à sa disposition pour constituer une série de difficultés
étalonnées en rapport direct avec son objectif d’apprentissage et sa classe.
Certains exercices peuvent être également pris dans d’autres manuels, mais
c’est un peu plus hasardeux et sans doute beaucoup plus chronophage.
Il
y a néanmoins un espoir du côté des nouvelles technologies, je pense en
particulier à l’usage grandissant du TNI. Cet outil me semble de nature à
contourner la difficulté éditoriale par la constitution personnelle de banques
d’exercices personnelles modifiables d’une année sur l’autre. L’avenir du
manuel papier, d’une manière générale, est sans doute bien compromis.
On
rétorque souvent à cela que cette carence éditoriale rend difficile la
diffusion de la PEx, les manuels étant considérés comme une
voie d’accès à une méthode pédagogique. Je l’ai cru moi aussi mais aujourd’hui,
je n’en suis plus persuadée. En effet, la PEx est très éloignée des habitudes
pédagogiques courantes. Imaginons donc
un manuel de l’élève explicite : résumé de la procédure, exercices de pratique
guidée, exercices de pratique autonome, révisions. Et un enseignant non formé à
cette méthode, tentant de l’utiliser dans sa classe. Comment va-t-il faire ?
Quel type d’action pédagogique va-t-il avoir, selon quels critères ? Au mieux, il risque de faire un cours
magistral suivi d’une vingtaine d’exercices…. ce qui est une pratique
traditionnelle. En d'autres termes, le manuel n'est que la partie émergée de l'affaire. Pour se lancer dans la PEx, le meilleur chemin reste une formation
à cette pratique, la lecture des ouvrages de référence, la maîtrise de la
structure des leçons. Ce sera toujours le passage obligé même quand les manuels
existeront.
A bientôt ici même pour une autre remarque.
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