Lecture au CP : un effet-manuel considérable
Sous la
responsabilité scientifique de Jérôme Deauvieau
Avec la collaboration de :
Odile Espinoza
Anne-Marie Bruno
Cette étude, conduite par l’université
de Versailles, porte sur l’efficacité des manuels de lecture en CP. Soulignons
le côté innovant pour la recherche française de vouloir évaluer l’efficacité des
manuels et par-delà, des méthodes qu’ils illustrent. Ce rapport mérite vraiment
une lecture car d’une part, il montre toute l’importance du choix d’un manuel
et par ailleurs il confirme ce que la recherche, essentiellement anglo-saxonne,
dit depuis longtemps, à savoir l’efficacité d’un apprentissage systématique du
code phono alphabétique.
Quelques observations de
départ me semblent intéressantes à souligner : la méthode globale a
disparu des salles de classe au profit d’un large éventail de méthodes mixtes
dans lesquelles la place du décodage varie. Les méthodes syllabiques (ou
alphabétiques) sont très minoritairement utilisées et ont toujours mauvaise
réputation. Beaucoup d’enseignants ont tendance à vouloir bricoler eux-mêmes
leur méthode. Mais ceci n’est pas spécifique à la lecture et s’inscrit dans un mouvement général de
dénigrement des manuels. Enfin, les chercheurs ont constaté la persistance de
cette croyance selon laquelle l’efficacité tiendrait plus aux qualités
personnelles et pédagogiques de l’enseignant qu’à la méthode utilisée.
Au
passage, on notera la définition qui est donnée de la méthode syllabique ou
« apprentissage du code
graphophonologique, qui procède par déchiffrage et non par « leçons de sons »,
qui est progressif, systématique, et bannit toute mémorisation globale de mots
(y compris les « mots-outils ») et toute lecture devinette, l’élève devant
pouvoir déchiffrer tout ce qu’on lui propose à lire sans l’aide du maître »
La
conclusion met l’accent sur les éléments suivants.
- La réussite est proportionnelle à la part laissée à l’étude du code. Encore faut-il que ce code soit enseigné de manière systématique et progressive.
- Le décodage n’est pas l’ennemi de l’accès au sens comme le soutient un mythe bien répandu. Le déchiffrage et la compréhension vont ensemble car avant d’avoir une chance de comprendre, il faut déchiffrer le mot ou la phrase. Mais cela n’est pas nouveau, Gough le disait déjà en 1986 dans un modèle qui faisait de la lecture le produit mathématique de la compréhension et du déchiffrage.
- Le manuel le plus efficace avec des enfants de milieux défavorisés est à la fois très exigeant sur l’enseignement du code mais aussi sur la qualité des contenus littéraires.
Voilà
donc un rapport qui, s’il était largement diffusé en formation initiale et continue,
pourrait sans doute aider les enseignants à exercer leur liberté pédagogique d’une
manière plus éclairée. Cette liberté, à laquelle nous sommes tous très attachés,
ne doit s’exercer que dans le cadre du rapport réel aux résultats et non pas
dans celui, plus subjectif, d’une attractivité peu argumentée. Les manuels
étudiés dans cette recherche sont certes énumérés ; il est à regretter
cependant qu’on ne présente pas un tableau détaillé de chacun d’eux, avec leurs
points positifs et leurs points négatifs ainsi que les résultats obtenus.
Les
chercheurs en enseignement efficace se plaisent à dire que l’enseignant
professionnel est celui qui est capable de faire ses choix pédagogiques guidé
par le filtre du rapport aux résultats
établi par la recherche. Espérons qu’un tel document puisse contribuer à re-professionnaliser
ce métier et à faire de l’efficacité le maître mot des pratiques individuelles, faisant ainsi tomber les nombreux mythes empêchant un enseignement
réussi de la lecture.
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