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samedi 16 mars 2013

Du miracle en pédagogie

Sans aucun rapport avec l’actualité toute papale, je vais vous parler de miracle, car au fond, ce terme est très usité en pédagogie. Non comme objet de réjouissance mais comme moyen de dénigrement. Quand quelqu’un veut dénigrer une méthode, une façon de faire, il les qualifie souvent de « recettes miracle ». Alors, sans jeu de mot, « la messe est dite ». Le procédé permet de disqualifier d’emblée un argument au prétexte qu’il ne tient sur aucune preuve tangible. Cela évite les frais de l’argumentation.

Comme chacun sait, un miracle est défini comme un fait extraordinaire, hors du cours naturel des choses, non explicable scientifiquement.

L’Enseignement Explicite ne fait pas exception à la règle et l’on reproche parfois à ses partisans de proposer des recettes miracle. Cela est le signe qu’il y a une large méconnaissance de cette forme pédagogique. Mais l’ignorance n’empêche pas les opinions…

Alors, au risque de décevoir les croyants, j’affirme que :
Non, l’Enseignement Explicite ne tient pas du miracle, l’Enseignement Explicite ne relève pas du merveilleux, l’Enseignement Explicite n’est pas un prodige.

C’est tout le contraire car il repose sur des données tangibles et il milite pour que la recherche entre dans le domaine éducatif.

Oui, l’Enseignement Explicite est efficace mais ce n’est pas parce que les dieux de la pédagogie se sont penchés sur son berceau. L’enseignement Explicite est efficace car il fait tout pour cela. Pour commencer, il a été mis en forme à partir d’une question très pragmatique : comment procèdent les enseignants efficaces dans leurs classes, y compris ceux qui réussissent dans des milieux défavorisés. Ensuite,  il a été expérimenté dans de très nombreuses écoles ; de plus, il s’appuie sur la structure cognitive et ses procédures respectent scrupuleusement l’architecture cognitive. De très nombreuses études continuent de nous dire que c’est un mode d’enseignement plus efficace pour tous les élèves, y compris ceux issus de milieux défavorisés. Bien sûr, il y a eu le projet Follow Through dans les années 70. Mais la recherche a continué après lui, elle a corroboré ses conclusions. Pour ne citer qu’un exemple (pour les autres voir sur Formapex) les chercheurs Bissonnette, Richard, Gauthier et Bouchard ont en 2010 recensé les publications dont le but était d’identifier les stratégies d’enseignement efficace ; cette méga-analyse montre, une fois de plus, que l’Enseignement Explicite est celui qui a les meilleurs résultats en termes de réussite des apprentissages. L’Enseignement Explicite fait partie d’un courant qui revendique l’utilisation des données probantes dans l’enseignement. Et qui soutient que ne devraient être proposées que des pratiques pédagogiques dont l’efficacité a été démontrée.

Voilà pourquoi l’Enseignement Explicite est bien dans le siècle, dans le réel, les résultats qu’il affiche n’ont rien de miraculeux.  Ce sont le fruit de réflexions, d’observations, d’études, d’expérimentations dans lesquelles rien n’est laissé au hasard. Quand un élève réussit en enseignement explicite, ce n’est pas un miracle, ni le fruit du hasard mais une issue prévisible.

En écrivant ces mots, je ne suis pas en train de dire que l’enseignement explicite est la seule méthode efficace, il y en a d’autres. Je ne suis pas non plus en train de dire qu’elle peut résoudre tous les problèmes d’apprentissage. Simplement, je dis que toutes les méthodes ne se valent pas et que l’enseignement explicite fait partie des méthodes efficaces.

Enfin, je terminerai par cette observation. Les personnes qui utilisent cet argument pour discréditer l’Enseignement Explicite sont celles-là mêmes qui, dans leurs pratiques respectives (qu’elles se revendiquent de Vygotsky ou de Buisson), refusent toute donnée probante, leur préférant des arguments bien plus immatériels, tels que l’intuition, la tradition, l’épanouissement, l’instinct du savoir, les procédés naturels. Qui a recours à la pensée miraculeuse ? Je vous laisse y réfléchir...


3 commentaires:

  1. Le terme "méthode-miracle" est une expression commune, qui se veut humoristique (mais pas forcément ironique) et qui n'a pas grand-chose à voir avec la religion...

    Dans tous les cas, les méthodes-miracles sont censées apporter un résultat rapide. Parfois ça marche, souvent ça ne marche pas.

    Les méthodes-miracle qui fonctionnent - il y en a - ont souvent une caractéristique commune : elles se fondent sur un élément précis qui, introduit dans le processus, vient apporter une amélioration radicale de la situation.

    Par exemple, une cuillerée de vinagre additionné de sucre vient à bout instantanément d'un hoquet persistant.
    Autre exemple : la méthode "Pomodoro" qui permet de gagner en focalisation et en efficacité, tout en éliminant la procrastination, en utilisant d'une manière précise un simple petit minuteur de cuisine.

    Les enseignants SONT à la recherche d'efficacité, de systèmes qui fonctionnent, de progrès. De "méthodes-miracles".

    La forme de pédagogie que vous préconisez contient des éléments précis, identifiables, qui, mis en oeuvre d'une certaine manière, donne selon vous des résultats rapides et quantifiables.

    Alors, méthode-miracle ou pas ?
    Par-delà l'humour ou l'ironie, cette appellation pourrait très bien être également perçue comme un hommage, déguisé ou pas, volontaire ou pas...

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  2. Instituteur depuis la fin des années 1970, j’ai eu tout le temps de comprendre que cette expression de “méthode miracle” est toujours utilisée péjorativement.

    Comme les partisans de l’enseignement explicite s’appuient sur l’efficacité reconnue de leurs pratiques d’enseignement, leurs détracteurs parlent volontiers de “méthode miracle”. Faute d’arguments, ils tentent de discréditer la démarche explicite par une expression sous-entendant que les résultats obtenus tiennent plus du miracle irrationnel que des données probantes.

    Le dernier en date à avoir parler de l’enseignement explicite comme d’une “méthode miracle” est le secrétaire du fan-club de la pédagogie intuitive. Pas de quoi s’y attarder…

    En revanche, je tiens à revenir sur cette quête de “méthodes miracles” par les enseignants en recherche d’efficacité, dont parle Tilékol (que je salue au passage) dans le commentaire précédent. Cela me paraît révélateur du manque de professionnalisation de notre métier. Cette carence n’est certainement pas à mettre au compte des collègues instituteurs, qu’on culpabilise déjà bien assez comme cela par ailleurs. C’est leur formation professionnelle particulièrement déficiente depuis une quarantaine d’années qui en est la cause. Cette formation recommande de mettre en œuvre en classe des pratiques constructivistes, qui se révèlent très vite forcément inefficaces. D’où le désarroi des enseignants et cette recherche de “méthodes miracles” sensée remédier rapidement à leurs difficultés. Alors on va sur Internet, on pique des idées à droite et à gauche ou des recettes qui semblent marcher avec les autres. On bricole…

    Le problème, c’est qu’en agissant ainsi, on arrive très vite à un syncrétisme pédagogique incohérent. Les IEN le sentent, les élèves le ressentent et leurs parents le pressentent. Avec un effet généralement désastreux.

    Reprenons les choses dans l’ordre. Avant toute chose – c’est-à-dire logiquement lors de la formation initiale – le professionnel doit d’abord se poser la question fondamentale du rôle que, selon lui, doit jouer l’école. La réponse à cette question déterminera tout le reste. Car deux voies sont possibles : le constructivisme (qui est le modèle dominant depuis les années 1970) ou l’instructionnisme (qui est le modèle émergeant depuis les années 2000).

    Après quoi, il s’agit d’être le plus performant dans le modèle choisi, quel qu’il soit. Les constructivistes ont quantité de mouvements pédagogiques (IFÉ, CRAP, ICEM, GFEN pour ne citer que les plus importants). Pour l’instructionnisme, la boussole doit être la recherche d’efficacité. Grâce à de nombreuses études sur le terrain, les pratiques des maîtres chevronnés ont été recensées, modélisées et passées au crible de la recherche. On les connaît maintenant : ce sont pratiques de la Pédagogie Explicite.

    Quel que soit le choix qu’on a fait, on devient alors un enseignant cohérent pouvant argumenter sérieusement sur ses pratiques, et sachant parfaitement les fondements sur lesquels on s’appuie, les objectifs qu’on se fixe et les moyens qu’on se donne pour y parvenir.

    Dans ces conditions, il devient clair qu’adopter les pratiques efficaces de l’Enseignement Explicite tient plus de la démarche professionnelle appuyée sur les sciences de l’éducation et les sciences cognitives… que du miracle !

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  3. Je passe sur la question de la formation déficiente qui conduit nombre d’enseignants, surtout débutants, à se débrouiller seuls, avec les moyens du bord. Au passage, heureusement que nos médecins n’en sont pas réduits à aller glaner eux aussi quelques recettes sur Internet,fussent-elles réputées miraculeuses,pour nous soigner!

    Pour améliorer son efficacité en classe, il y a deux voies : celle du tâtonnement et des recettes qui, par la force des choses, est très répandue, et celle consistant à comprendre pourquoi certaines actions pédagogiques fonctionnent et d’autres non. La première est chronophage et sans garantie de réussite ; la deuxième est beaucoup efficace car elle donne une unité à toute l’action pédagogique, elle libère de l’application quasi-rituelle de recettes ; elle permet, quand quelque chose ne fonctionne pas, d’établir un diagnostic des causes et d’y remédier. C’est pourquoi les enseignants explicites dont je suis, ont à cœur de tenter de diffuser le pourquoi et le comment de ce courant pédagogique qui ne fait pas partie de la doxa. Plutôt que de le présenter comme un ensemble d’astuces réputées efficaces.

    Quelques exemples pour illustrer mon propos. L’Enseignement Explicite me propose de faire mémoriser un certain nombre de choses aux élèves. Pourquoi ? Il me propose d’aborder un nombre réduit d’éléments nouveaux à la fois. Pourquoi ? Il me dit qu’il ne faut pas faire de digression dans mes explications. Pourquoi ? Il me dit que les règles de classe doivent être établies par le maître. Pourquoi ? Il me dit que les réponses chorales sont utiles. Pourquoi ? Etc.(Pour en savoir plus rendez-vous sur les pages de FormaPEx http://www.formapex.com/)

    Les réponses à ces questions permettent de gagner en liberté et de mieux maîtriser toutes les interactions avec les élèves. Si je sais que la mémoire de travail est limitée en contenu et en temps, alors j’en tiendrai compte dans les exercices proposés, je ne présenterai pas trop d’informations nouvelles en même temps, afin d’éviter la surcharge cognitive. Quand on connaît les raisons cognitives qui motivent certaines actions, on se sent beaucoup plus à l’aise, beaucoup plus libre et de fait, on est encore plus efficace. Quand on connaît avec précision les principes fondateurs d’une méthode, et je rappelle ici toute l’importance de l’architecture cognitive dont on ne parle pratiquement pas dans les discussions pédagogiques, alors, on peut conduire sa classe sans tâtonner, avec conviction, en toute liberté et avec un rapport aux résultats inconnu jusqu’alors.

    Cela étant, je ne doute absolument pas de la volonté des enseignants d'être efficaces et je salue leurs efforts de recherche de solution; nous sommes obligés de pallier nous-mêmes les défaillances de notre formation, qu'elle soit initiale ou continue.J'ai dû tâtonner et m'auto-former pendant longtemps avant de me rendre compte qu'il existait une forme pédagogique qui me convenait complètement et qui me donnait les moyens d'aller beaucoup plus loin que les quelques astuces que j'avais grapillées par-ci par-là et que j'utilisais sans véritablement savoir pourquoi. Mes élèves et moi aurions perdu moins de temps si j’avais été formée correctement.

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