À première vue, la démission du pape Benoît XVI a volé la vedette aux mouvements de résistance à la réforme de l’enseignement et à l’épineuse question des rythmes scolaires. Les journalistes, tendance Dan Brown, toujours à l’affût de quelque sulfureuse nouvelle dès qu’elle émane du Vatican, étaient dans tous leurs états en ce lundi 11 février. C’est sans aucun doute plus porteur auprès de l’opinion.
Néanmoins, un
lien existe bel et bien entre les deux sujets. Ce matin-même sur les ondes,
tous s’étaient mis d’accord pour citer l’encyclique de Benoît XVI Caritas in Veritate ans laquelle il exhortait
au don et à la gratuité dans les domaines marchand et politique.
Le voilà, le
lien, servi sur un plateau : le don
de gratuité dans l’enseignement primaire. Don pratiqué sans relâche depuis
plusieurs décennies, dans un anonymat qui, s’il n’est pas volontaire, n’en
reste pas moins respectable alors que l’opinion n’a de cesse de détester ses
enseignants et de les déconsidérer.
J’en veux pour
preuves le travail non rémunéré (car non compris dans le temps de service) mais
tout de même obligatoire. Non, nous ne sommes pas dans un roman de Kafka mais
dans l’Éducation Nationale.
Ainsi, tout
enseignant a pour obligation d’être sur son lieu de travail dès l’ouverture de
l’école, soit 20 minutes par jour. Ce temps n’est pas décompté dans le temps de
service. Au total, pour une année de 36 semaines et une semaine de 4 jours,
cela représente 8 journées effectuées gratuitement. Avec la nouvelle
configuration de 4 journées et demie, ce service gratuit augmentera d’environ
une journée sur l’année. Les enseignants de maternelle doivent ajouter à ce
temps gratuit, l’obligation de rester sur place tant que les parents ne sont
pas venus en personnes récupérer leur enfant. Or, il est de plus en plus
fréquent qu’ils ne respectent pas les horaires. Si l’on compte en moyenne et au
bas mot, sur une année, 15 minutes par jour, cela fait 6 journées sur une
semaine de 4 jours et un peu plus de 7 jours pour une semaine de 4 jours et
demi. Autrement dit, au total, l’enseignant de maternelle accomplit 14 journées
de travail gratuitement dans l’année dans la configuration actuelle de la
semaine. Cela sera augmenté avec la nouvelle semaine qui se pointe à l’horizon.
Temps de service obligatoire
mais effectué gratuitement dans l’enseignement primaire (sur une année de 36
semaines pour 1 semaine de 4 jours)
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École élémentaire
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École maternelle
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Présence à l’entrée : matin
& après-midi
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20 min par jour =
8 journées par an
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20 min par jour =
8 journées par an
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Présence à la sortie lors de la
remise des enfants aux parents
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15 min par jour en moyenne =
6 journées par an
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Nombre de journées travaillées
gratuitement
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8 journées
/an
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14
journées/an
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Ce temps-là est
quantifiable. On devrait bien sûr lui ajouter le temps externe (hors temps de
service) de préparation de la classe et de correction qui lui, n’est répertorié
nulle part.
Dans le don
gratuit, on pourrait également considérer un certain nombre d’actions
effectuées par les enseignants du primaire alors qu’elles n’ont rien à voir
avec leur tâche d’enseignement. La revalorisation du métier (loi Jospin) fut
supposée aligner les enseignants du primaire sur ceux du secondaire ; mais
elle a oublié par exemple de les dispenser de la surveillance des récréations, de
l’accueil des élèves des autres classes lors d’une absence non remplacée, de la
participation à des réunions de formation dites obligatoires (ou à des stages)
sans remboursement des frais occasionnées par les déplacements. On pourrait
aussi citer l’ISOE (Indemnité de Suivi et d’Orientation des Élèves octroyée
pour la participation aux réunions d’équipe) accordée aux enseignants du
Secondaire et pas à ceux du Primaire
Nombre d’enseignants
du primaire sont las de voir leurs conditions de travail se détériorer de jour
en jour ; il n’est pour s’en persuader qu’à voir les mouvements de
résistance à cette réforme de refondation. Résistance d’autant plus ingrate
qu’elle a contre elle l’opinion. Pourquoi, quand les ouvriers de l’industrie en
déroute mènent des actions chocs pour défendre leur emploi, ils sont parés de
toutes les vertus, et quand ce sont les enseignants qui se battent pour la
qualité de leur métier, ce ne sont que de vils corporatistes, hostiles par
principe à toute idée de réforme ?
Pour revenir sur
l’actualité papale, les enseignants du primaire peuvent bien être croyants,
athées ou agnostiques, il n’en reste pas moins qu’en matière de don gratuit,
ils pourraient en remontrer à bien d’autres professions et en particulier à
tous ceux qui les critiquent.
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