Les ministres de l’Éducation se succèdent et, avec eux, les
programmes. Les programmes sont devenus des « marronniers » à chaque changement
de ministère. Le ministre actuel ne fait pas exception et bien entendu sa
grande « révolution » éducative comprendra un remaniement des programmes. Nous
n’y échapperons pas. Cette note a simplement pour but de s’interroger sur
l’efficacité réelle de ces passages obligés.
À quoi est censé servir un programme ? Il devrait être la
garantie pour tous les élèves français d’apprendre
les mêmes choses. Comme il devrait être un guide pour les enseignants, leur
permettant de savoir quels contenus doivent être enseignés et en quelles
quantités. C’est la moindre des choses : pour enseigner, encore faut-il avoir
quelque chose à enseigner et il serait injuste que cela soit laissé à la
discrétion des enseignants, des directeurs ou des inspecteurs. On parle de
programmes nationaux. Idée qui n’existe pas dans tous les pays. Par exemple,
aux États-Unis, il n’y en a pas. Pour pallier ce manque, des associations
ont créé des programmes, (on appelle
cela curriculum, le terme program en anglais ayant d’autres sens, en
particulier celui de méthode). Voir par exemple les programmes du Core Knowledge détaillant l’ensemble des sujets que les
élèves doivent maîtriser à la fin de telle classe.
De fait, chez nous, les programmes ne se limitent pas à une grille des compétences et connaissances que les élèves doivent
acquérir. Ces grilles ont même été terriblement floues dans certaines éditions.
Les programmes regorgent d’orientations pédagogiques et préconisent souvent des
méthodes pédagogiques particulières, alors qu'en vertu de la liberté
pédagogique, chaque enseignant est libre du choix de sa méthode. Par exemple,
les programmes 2008 conseillaient fortement l’usage de la Main à la pâte pour
l’enseignement des sciences.
À cette limite près, les programmes sont tout de même
utiles. Et le propos ici n’est pas d’en montrer leur inutilité. Néanmoins, force
est de constater que malgré la valse des programmes, le niveau continue
irrémédiablement de baisser. Et si les programmes n’étaient pas en cause ? En
effet, les experts peuvent bien décider qu'à tel niveau d’âge on doit être
capable de connaître telles choses, cela ne donne pas à l’enseignant la clé
pour l’enseigner efficacement. Et on pourrait bien retourner les programmes
dans tous les sens, s’interroger pendant des heures sur le moment propice pour
introduire la règle de trois, les
alléger, les étoffer, cela ne changera rien si l’enseignant ne sait pas
enseigner la règle de trois efficacement.
Il est tout de même étrange qu'après toutes ces années de
refontes, et autres refondations ou revalorisations, les velléités de changer les
choses ne se déclinent qu'en termes de vieilles recettes, parmi lesquelles
changer les programmes ; auxquelles on pourrait aussi ajouter innover,
travailler par projet etc. Et toujours rien sur les méthodes pédagogiques. Rien
sur le rapport à l’efficacité en enseignement.
On me rétorquera qu'au nom de la liberté pédagogique, on ne peut rien
faire. Mais cette liberté pédagogique n’empêche pas les ministères de faire de
lourdes suggestions quand ils préconisent les méthodes de découverte dans leurs
instructions officielles.
Remanier les programmes restera un emplâtre sur une jambe de
bois si on ne met pas en route une véritable réflexion sur l’efficacité des
méthodes pédagogiques. Sans pour autant empiéter sur la liberté pédagogique. En
effet, s’il est naturel que les enseignants soient libres de leurs choix, il
l’est tout autant que cette liberté s’exprime dans le rapport aux résultats
obtenus, c’est-à-dire dans les limites de l’efficacité. Toutes les méthodes ne
se valent pas, mais plusieurs sont beaucoup plus efficaces que d’autres. On
pourra refaire les programmes, changer les mots, changer les répartitions, il
n’en reste pas moins que si l’enseignant dans sa classe ne sait pas comment
faire pour les enseigner, rien ne changera jamais. Cela exigerait une réflexion
profonde sur les méthodes couramment utilisées, sur leur efficacité réelle.
Cela exigerait d’ouvrir les yeux sur la réalité, et d’accepter dans un premier
temps l’existence d’autres méthodes, efficaces. Bien sûr, on ne peut se passer
de grilles de programmes mais tant que
l’on ne donnera pas aux enseignants les moyens de les mettre en œuvre, ils
resteront, une fois de plus, inutiles.
C’est sur cette question que le ministère devrait plancher
et non sur un éventuel recyclage des programmes actuels. Alors là, oui, on pourrait
véritablement parler de révolution.
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