Entretien avec John Sweller, suite. Ci-dessous le billet 6.
Billets précédents
6 / L'échec productif
OL: Maintenant, la
prochaine chose que je veux vous demander concerne le travail
de Kapur, Andrew y fait allusion
dans son article également. Certains soutiennent que les résultats de Kapur
disant que dans certains cas, il vaut mieux permettre aux gens de s’engager
dans des approches coûteuses en charge cognitive pour la mémoire de travail,
menant à un échec, si juste après, vous fournissez un enseignement pour combler
les lacunes ; où vous situez-vous par rapport à cela ? (Vous pouvez
écouter Andrew Martin sur cette question de l’échec productif ici)
JS: Okay, voici mon problème. Il y a des moyens de tester l’hypothèse
de l’échec productif légitimement. Mais là, je dois parler de la structure expérimentale.
Nous parlons d’essais randomisés contrôlés. La plupart des gens dans le monde
éducatif, quand ils font un essai randomisé contrôlé, font la randomisation
correctement. La partie contrôle, en général, n’est pas faite. Tout l’intérêt de
la structure de l’essai est de déterminer la causalité parce que vous ne
changez qu’une seule variable à la fois. Si vous changez plusieurs variables
simultanément, vous ne pouvez pas déterminer la causalité et c’est alors une
réelle perte de temps de faire ce genre d’expérience. Donc, il y a certaines
choses que l’on ne peut pas faire. Par exemple, vous ne pouvez pas faire ceci :
donner à un groupe d’étudiants, disons, un cours comprenant une partie de guidage
; à un autre groupe, une résolution de problèmes dans laquelle le guidage est
diminué ; puis les tester et découvrir quel groupe a le mieux réussi. La raison
pour laquelle vous ne pouvez pas faire cela, c’est parce que vous modifiez
plusieurs variables simultanément et par conséquent vous ne pouvez pas savoir
pourquoi vous avez obtenu un effet. Concentrons-nous sur le cours pour
commencer. Supposons que ce soit un cours vraiment brillant, très clair, les
étudiants comprennent bien. Ils sont très motivés. Est-ce que cela va être
meilleur que la résolution de problèmes ? De manière quasiment certaine,
ce sera le cas. Si c’est un cours médiocre, peu organisé, les étudiants ne
comprendront pas, ils s’ennuieront, et en conséquence, l’étude d’un problème,
peu importe ses faiblesses, sera toujours plus intéressante. On ne devrait pas
faire ce genre d’expériences.
Il y a des expériences que l’on peut faire, on les a faites
dans un contexte différent, sans même tenter de tester l’hypothèse de l’échec
productif. La plus évidente est celle qui compare les exemples résolus suivis
par des problèmes, avec les problèmes suivis par des exemples résolus. Bien,
sur l’hypothèse de l’échec productif, il vaut mieux donner aux gens les
problèmes en premier, suivi par les exemples résolus. Alors, vous avez
exactement les mêmes conditions pour les deux, à une variable près ; soit
vous commencez avec les problèmes, ou vous terminez avec les problèmes. Donc,
vous comparez les exemples résolus suivis par les problèmes avec les problèmes
suivis par les exemples résolus. Si vous faites cela, et que vous travaillez
avec des novices qui ont vraiment besoin des exemples résolus, les résultats
sont uniformes. Les exemples résolus suivis des problèmes, c’est toujours
mieux.
Si vous travaillez avec quelqu’un qui n’a plus besoin des
exemples résolus, vous constatez l’effet de renversement dû à l’expertise. Quand
l’expertise augmente, l’intérêt de l’exemple résolu diminue, et quand l’expertise
augmente encore, éventuellement, l’efficacité relative des exemples résolus et
des problèmes s’inverse et les problèmes deviennent plus utiles que les
exemples résolus. Comme vous le savez, quand vous savez comment résoudre
quelque chose, vous avez besoin de l’automatiser, vous devez pratiquer, vous
devez être capable de le faire sans y penser. C’est à ce moment-là qu’il vaut
mieux pour vous résoudre des problèmes plutôt qu’étudier des exemples résolus.
Si vous travaillez avec des personnes suffisamment
savantes, vous avez un résultat différent, elles sont plus à l’aise avec les
problèmes en premier. Mais quoiqu’il arrive, vous devez mener des expériences
qui modifient une seule variable à la fois. Et cette variable doit être celle
qui présente un intérêt pour vous. C’est intéressant, autrefois, il y a
plusieurs décennies, quand les ordinateurs en étaient à leurs débuts dans le
monde éducatif, les gens posaient systématiquement la question : « Est-il
préférable de donner un cours ou de fournir un enseignement assisté par
ordinateur ? » C’est une question absurde ! Vous ne pouvez pas
tester ceci. Un bon cours est toujours préférable à un mauvais enseignement
assisté par ordinateur, et vice-versa. D’ailleurs, vous pouvez tester l’hypothèse
de l’échec productif, mais quand vous le faites correctement, et que vous changez
une seule variable à la fois, vous obtenez des résultats différents de ceux
mentionnés plus haut. Voilà où se trouve mon problème avec l’échec productif.
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