Je viens de découvrir le blog d’Oliver Lovell professeur de
mathématiques à Melbourne, Australie, Better
Learning for Better Living (Mieux
apprendre pour mieux vivre) Il parle d’enseignement et d’apprentissage,
avec un intérêt particulier pour les sciences cognitives. Il a rencontré
récemment John Sweller et l’a interrogé sur divers aspects relatifs à la
théorie de la charge cognitive. Cet entretien, qu’il a
livré sous forme de plusieurs billets est très intéressant. Lui et John Sweller
m’ont permis d’en faire la traduction en français. Je vous la livre telle qu’elle
est présentée par Oliver Lovell, sous forme de 9 billets qui feront chacun l’objet
d’un post.
En voici l’introduction, suivie du premier billet.
En voici l’introduction, suivie du premier billet.
Au cours de l’année 2017, j’ai rencontré John Sweller pour
lui poser quelques questions sur la charge cognitive et plus généralement sur
son travail. John a eu la gentillesse de me laisser enregistrer notre
conversation et de la transformer en une série de plusieurs billets pour mon
blog. Au total, cela représente environ 9 000 mots de texte, c’est pourquoi
j’ai séparé la discussion en neuf sous-sujets pour la commodité des lecteurs.
Cela étant, il s’agit de la transcription d’une conversation, chaque section
s’écoule logiquement en faisant référence à des éléments mentionnés au
préalable.
- Les exemples résolus – Pourquoi les étudiants doivent-ils se souvenir du cheminement de leur pensée ?
- Pouvons-nous enseigner la résolution de problèmes?
- Quelle est la différence entre l’effet d’absence de but et un enseignement faiblement guidé ?
- Les connaissances biologiquement primaires et les connaissances biologiquement secondaires.
- La motivation, quel rapport avec la Théorie de la Charge Cognitive ?
- L’échec productif – Kapur (Qu’en pense John Sweller ?)
- Comment mesure-t-on la charge cognitive ?
- Pouvons-nous enseigner la collaboration ?
- La Théorie de la Charge Cognitive : conceptions erronées et pistes.
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Entretien avec John Sweller
1 Les exemples résolus : pourquoi les
élèves doivent-ils se souvenir du cheminement de leur pensée ?
OL : Commençons par évoquer
cette expérience originale que vous avez réalisée en 1982, dans laquelle vous
demandiez aux étudiants d’atteindre un nombre cible à partir d’un nombre
source, en utilisant seulement les opérations multiplier par 3 ou soustraire
29. Je veux vous proposer d’imaginer une autre expérience basée sur
l’expérience originale. Donc, imaginons que nous prenions votre expérience et
la conduisions en tandem avec une autre, exactement la même, sauf pour la
seconde condition. Vous posez aux étudiants de premier cycle une question
différente. Au lieu de dire : « Essayez d’obtenir ce nombre à partir
de celui-ci en utilisant ces opérations-là, dans l’ordre que vous voulez »,
vous donnez la même consigne, mais accompagnée de ceci : « Souvenez-vous
de chaque étape clairement, montrez ce que vous avez fait, et après la
résolution de chaque problème, je veux que vous retourniez en arrière et
tentiez de trouver une généralisation du principe. » à votre avis, quel serait le résultat
d’une telle expérience ?
JS : C’est exactement ainsi
que l’on apprend, lors de la résolution de problème. En d’autres termes, vous
n’apprenez pas grand-chose en résolvant un problème, mais vous apprenez
beaucoup plus en observant ce qui vous a conduit à la solution, parce qu’alors,
il s’agit essentiellement d’un exemple résolu. Vous avez créé un exemple résolu.
à
l’époque de ces expériences, il m’est venu à l’idée qu’au lieu de
demander aux étudiants d’observer leurs propres solutions, pourquoi ne pas leur
fournir directement la solution ? C’est plus facile, plus rapide. C’est
ainsi que nous avons commencé à travailler sur l’effet de l’exemple résolu,
pour cette raison précise, ce fut une idée utile. Cela devait être plus efficace.
OL : Considérons
l’environnement politique en matière éducative, à l’époque où vous étiez en
train de travailler sur l’exemple résolu. Il était lourdement favorable à la pédagogie
par résolution de problèmes. Donc, vous étiez à contre-courant. Je me demandais…Si
vous aviez ajusté votre propos et si par exemple, vous aviez présenté l’effet
de l’exemple résolu comme je l’ai mentionné précédemment, (en demandant aux
étudiants, après avoir trouvé la solution, de réfléchir à leurs propres
solutions) pensez-vous que cela aurait pu influencer la manière dont les gens
ont réagi à votre travail ?
JS: écoutez,
je vais être pessimiste sur la question. Pessimiste parce qu’à l’époque, tout
le monde de la recherche était engagé dans la voie de la résolution de
problèmes. Tous soutenaient qu’on apprenait en résolvant des problèmes. Vous pouvez
observer la résolution du problème par la suite mais cela n’a pas d’importance,
disait-on, la première chose que vous apprenez est comment résoudre des
problèmes en général. La seconde, que vous apprenez mieux le contenu. Par conséquent,
cette méthode présente deux avantages. Vous apprendrez à résoudre des problèmes
et vous apprendrez mieux les faits qu’ils contiennent. Aucune de ces deux
affirmations n’est vraie. Les données le montrent clairement. Mais malgré cela,
les gens ont considéré comme vraies ces hypothèses et il n’était pas question
qu’ils changent d’avis.
OL: Okay. Mais si les gens veulent à tout prix que les
étudiants résolvent des problèmes, il semblerait que leur demander de se
souvenir de la pensée mise en place pour y parvenir, soit plus intéressant que
de simplement résoudre des problèmes ?
JS: Oh oui! Cela ne fait aucun doute. C’est une meilleure
façon et demander de réfléchir à propos de la solution est profitable pour un
large panel de points de vue. Cela serait très utile.
OL: Super. C’est intéressant parce que je ne l’ai pas
beaucoup vu dans vos travaux, peut-être l’ai-je manqué, beaucoup d’insistance
sur le souvenir de sa propre pensée et sur l’usage d’une sorte de moyen externe
pour se souvenir, comme une façon de réduire la charge cognitive.
JS: C’est vrai car mon but a toujours été : laissons
les enseignants le faire correctement dès le début. Il y a une hypothèse selon
laquelle quand quelqu’un examine un exemple résolu et l’étudie, il fait exactement
ce que vous venez de dire. La différence est qu’il n’a pas fourni lui-même l’exemple.
Quand nous demandons à un individu d’étudier l’exemple résolu, qui est toujours
la consigne donnée dans une expérience d’exemple résolu, mon hypothèse est toujours
: c’est ainsi qu’il fait, il pense au sujet de l’exemple résolu ; il l’étudie.
Il essaie de savoir pourquoi cela fonctionne ainsi et il le fait dans le sens voulu,
afin de ne pas perdre de temps dans des impasses.
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