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mercredi 25 mai 2011

Histoire drôle - Madame Larbine


Madame Larbine, professeur des écoles

Toute ressemblance avec des personnages réels ou ayant existé serait pure coïncidence. Les noms sont fictifs. Mais parmi ces trois histoires, il en est une qui est beaucoup plus invraisemblable que les autres. À vous de trouver laquelle… Bonne lecture.


Histoire 1
Peerle Miramar Boissy Jones est mère d’une petite Harmonie de 9 ans, scolarisée en classe de CM1.
Harmonie dit à la maîtresse : «  J’ai un mot pour vous ». Mme Larbine, la maîtresse, redoute cette phrase par-dessus tout ; elle sait par expérience qu’un mot de parent d’élèves est tout, sauf une lettre de courtoisie. C’est donc avec un pincement au cœur qu’elle le lit :

«  Madame,
Je découvre avec grand étonnement que vous avez sanctionné Harmonie lors de la correction de sa dernière dictée. En effet, vous lui avez retiré des points pour avoir omis quelques  accents, pour n’avoir pas accordé les verbes, ainsi que pour des mots supposés illisibles, selon vous. Harmonie a été profondément touchée par ce  fait,  qu’elle perçoit comme une injustice criante. Elle ne dort plus la nuit et le traumatisme est tel qu’elle est en train de développer une phobie de l’école. Les erreurs qu’elle est supposée avoir commises dans sa dictée sont vraiment insignifiantes et ne méritent pas un tel acharnement de votre part. D’autant plus que c’est une enfant brillante. Mais comme beaucoup d’enfants dans ce cas, elle fait preuve d’une grande sensibilité. J’ai bien peur que son estime de soi ne soit compromise.

J’aimerais donc vous rencontrer afin de savoir ce que vous comptez faire pour remédier à ce problème.

Peerle Miramar Boissy Jones »

Là, Mme Larbine sent son estomac se nouer, elle pâlit, partagée entre la colère et la peur ; en effet, comment pourra-t-elle défendre l’indéfendable ? Que peut-on répondre quand le mot magique est lancé, celui contre lequel l’enseignant se trouve désarmé : traumatisme ? D’un autre côté, elle n’en est pas à son coup d’essai et a appris au fil des ans à se défendre toute seule. Mais on n’est jamais à l’abri d’un imprévu par les temps qui courent ; et quand cela se produit, l’enseignant se trouve bien seul, sans aucun appui externe, ni même interne.

Entretien entre Peerle Miramar Boissy Jones, Harmonie Miramar Boissy Jones Armanelli et Mme Larbine.

La journée s’est écoulée et Mme Larbine n’a cessé de penser et repenser à ce qui l’attendait après la classe: l’entretien à propos de la dictée. Dure journée, des élèves peu attentifs, comme s’ils sentaient le malaise et profitaient de la situation, chaleur épouvantable. A 17 heures, Mme Larbine a très mal à la tête, elle est en sueur, un peu échevelée. Elle n’a même pas le temps de se rafraîchir, Peerle Miramar Boissy Jones l’attend. Elle les fait entrer dans la classe ; en effet, Harmonie assistera et participera à l’entretien, au même titre que sa maman.
« Comme je vous l’ai expliqué, nous venons pour vous exposer le désarroi d’Harmonie et sa profonde détresse, suite à l’incident de la dictée. Et pour que vous y mettiez un terme.
- Nous allons reprendre du début si vous le voulez bien. La dictée est un exercice dont le but est d’écrire sans faute les phrases que je dicte. Des accents oubliés ou inversés sont des fautes d’orthographe, tout comme l’accord des verbes. C’est pourquoi des points ont été retirés pour ces fautes.-  Mais ne pensez-vous pas que le retrait des points soit propre à traumatiser les élèves ?
- Non madame, dans la mesure où la note obtenue représente le travail fait par l’élève et non un  jugement sur ses qualités individuelles, comme je l’explique aux élèves dès le début de l’année. Et de ses erreurs, il y a toujours un enseignement à tirer et un progrès à accomplir.
- Oui, je connais le discours, sauf que les élèves ne peuvent pas comprendre ce genre de subtilité ;  de plus, je pense qu’il est injuste de sanctionner les fautes d’accent car, en soi, elles ne sont pas très graves.
- Et que pensez-vous des fautes d’accord de verbe ? répond Mme Larbine, lui brandissant les travaux d’Harmonie.
- Je pense que d’une part l’orthographe n’est qu’une convention élitiste non indispensable qui a pour conséquence de tuer dans l’œuf toute créativité. D’autre part, vous avez aussi une autre obsession : l’écriture. Et Harmonie ne comprend pas pourquoi vous dites que les mots qu’elle écrit sont illisibles. J’arrive personnellement à les lire sans difficulté. Harmonie, qu’en penses-tu ? »
La fillette prend la parole d’une voix tremblotante, n’osant regarder Mme Larbine mais lançant des coups d’œil inquiets vers sa mère, comme pour savoir si ce qu’elle disait avait son aval. S'adressant à la maîtresse :
- Tu me grondes toujours car tu dis que j’écris mal. Alors, j’ai très peur et je ne peux plus écrire… Jj’ai mal au ventre.
Mme Larbine exhibe alors les travaux écrits d’Harmonie. Sa grande expérience en la matière lui avait permis de se préparer :
- Et là,  vous trouvez que c’est lisible ? Et là, et là, et là ?
Devant la mauvaise foi de cette maman "doltophile", Mme Larbine se laisse emporter par l’énervement.
- Ce n’est pas la peine d’élever le ton et de monter sur vos grands chevaux. Il n’est pas surprenant que vous traumatisiez les élèves si vous vous comportez ainsi avec eux. Mais si vous n’arrivez pas à lire cela, alors vous avez un sérieux problème. J’exige réparation pour le tort que vous avez fait à ma fille.- Et moi j’exige réparation pour harcèlement, ingérence dans la façon de faire mon métier et accusations mensongères.
- Et bien puisqu’il en est ainsi, je vais m’adresser plus haut et vous aurez de mes nouvelles…
Sur ces paroles lourdes de menaces, Peerle Miramar Boissy Jones et Harmonie Miramar Boissy Jones Armanelli tournent les talons, ne laissant aucune chance à Mme Larbine d’aller plus avant dans son argumentaire et de dire haut et fort ce qu’elle aussi avait sur le cœur.

Elle regretta donc de ne pas avoir pu dire toute sa pensée à cette mère d’enfant roi. Lui dire à quel point elle nuisait à sa fille en se comportant ainsi, à quel point elle en ferait un adulte à l’ego surdimensionné, incapable de se frayer un chemin dans la dure société qui est la nôtre aujourd’hui. Il ne lui restait plus qu’à attendre une convocation de son IEN. Et là tout dépendait des qualités professionnelles et humaines de son supérieur ainsi que de son zèle à observer les consignes venues de plus haut.

Histoire 2
Claire Martin est mère du petit Pierre de 9 ans, scolarisé en classe de CM1.
Pierre dit à la maîtresse : « Maman a écrit un mot pour toi dans le cahier de liaison. ». Mme Larbine, la maîtresse, redoute cette phrase par-dessus tout ; elle sait par expérience qu’un mot de parent d’élèves est tout, sauf une lettre de courtoisie. C’est donc avec un pincement au cœur qu’elle le lit :
«  Madame,
Je souhaiterais prendre rendez-vous pour discuter du travail et du comportement de Pierre car je constate qu’il y a en ce moment une baisse des résultats. Dites-moi quel moment vous conviendra le mieux.
Recevez mes sincères salutations.
Claire Martin »



A ces mots, Mme Larbine ressent une sensation maintenant habituelle dans son estomac. Certes la lettre est courtoise, mais on ne sait jamais quelles intentions peuvent se cacher sous une apparence aussi policée. En quelques secondes, elle fait le tour de ce qui aurait pu se passer en classe, impliquant Pierre : problèmes de comportement, bavardages, manque d’assiduité, manque d’attention… Mais rien ne lui vient à l’esprit. Pierre est un élève agréable qui ne pose pas problème.  Elle est tout de même mal à l’aise.

Entretien entre Claire Martin et Mme Larbine

La journée s’est écoulée et Mme Larbine a pensé à plusieurs reprises à l’entretien qui l’attendait après la classe. A 17 heures, Mme Larbine a très mal à la tête, elle est en sueur, un peu échevelée. Elle profite des 15 minutes de battement pour se rafraîchir et préparer son dossier. Puis quelqu’un frappe à la porte et attend qu'on lui dise d'entrer. Mme Larbine l’accueille. Voilà qui est étonnant, Claire Martin est seule. L’entretien se passera donc sans l’enfant, entre adultes, comme l’avait suggéré Mme Larbine lors de la réunion des parents d’élèves en début d’année. Elle fait cette recommandation chaque année, ce qui n’a absolument aucune incidence sur le comportement des parents.
« Bonjour, comme je vous l’ai  brièvement expliqué, je viens vous voir pour vous parler du travail de Pierre. En effet, ses résultats ont baissé récemment, en particulier en orthographe et vous l’avez, à juste titre, réprimandé pour cela. J’ai entrepris de l’aider à la maison mais j’aimerais avoir votre avis et savoir si je vais dans le bon sens ou bien s’il est nécessaire de faire différemment.
- Tout d’abord, je vous rassure, il n’y a pas péril en la demeure mais néanmoins, il faut se préoccuper de cette baisse.
- J’ai prévenu Pierre qu’il devait travailler davantage y compris à la maison et lorsqu’il ne réussit pas un exercice je lui donne une pratique supplémentaire. Je ne le lâche pas une seconde, jusqu’à ce que les résultats remontent. Quant aux questions de comportement et de bavardages, je ne le tolère pas.
- Vous avez raison, c’est exactement cela qu’il faut faire. Il a besoin d’un peu plus de pratique afin d’être plus assuré dans ses connaissances. Il faut également lui montrer que lorsque l’on s’entraîne suffisamment, on réussit mieux. Et n’oubliez pas pour l’orthographe de lui demander chaque fois de justifier sa réponse ; cela permet de faire une petite révision et de mieux ancrer la connaissance.
- Vous avez eu entièrement raison. De toutes façons, il est prévenu : une sanction à l’école = une autre à la maison.  Que pensez-vous de son niveau en mathématiques ?
- Il est très bon, il n’y a rien à redire, soyez rassurée.
- Bien je vous remercie pour votre avis éclairé. Et surtout n’hésitez pas s’il y a quelque chose, prévenez-moi, vous savez que je vous fais entièrement confiance.
C’est très gentil de votre part », balbutie Mme Larbine, surprise par cette confiance avouée.

C’était beaucoup plus qu’elle n’en avait espéré.
Ce soir-là Mme Larbine se dit que de temps en temps il y avait de bons côtés dans ce métier. Elle s’endormit de bonne heure, un sourire béat au coin des lèvres.

Histoire 3
Sabrina Marcouret est mère du petit Kevin Assoulin de 9 ans, scolarisé en classe de CM1.
Kevin dit à la maîtresse : «  Ma mère, elle a marqué un mot dans le cahier rouge ». Mme Larbine, la maîtresse, redoute cette phrase par-dessus tout ; elle sait par expérience qu’un mot de parent d’élèves est tout, sauf une lettre de courtoisie. C’est donc avec un pincement au cœur qu’elle le lit :
«  Chère madame,
Je viens vous signalé quil faut que vous arrêtez de tromatiser Kevin pour les faute parce que c’est pas de sa faute et vous êtes méchante avec lui. Vous arrêtez pas de lui enlever des point parce que soidisant il fait des fautes,  et maintenant il veut plus aller à l’école. vous le detester et il est toujours puni. Vous navez pas le droit et je veux un rendez-vous pour régler le problème.
Je vous envoie mes salutation très distingées. »


Là, Mme Larbine sent son estomac se nouer, elle pâlit, partagée entre la colère et la peur ; en effet, comment pourra-t-elle défendre l’indéfendable ? Que peut-on répondre quand le mot magique est lancé, celui contre lequel l’enseignant se trouve désarmé : traumatisme et ce, même s’il est mal orthographié ? D’un autre côté, elle n’en est pas à son coup d’essai et a appris au fil des ans à se défendre toute seule. Mais on n’est jamais à l’abri d’un imprévu par les temps qui courent qu’il soit verbal ou physique ; et quand cela se produit, l’enseignant se trouve bien seul, sans aucun appui externe, ni même interne.

Entretien entre Sabrina Marcouret et Mme Larbine

La journée s’est écoulée et Mme Larbine n’a cessé de penser et repenser à ce qui l’attendait après la classe: l’entretien à propos de la dictée. Dure journée, des élèves peu attentifs, comme s’ils sentaient le malaise et profitaient de la situation, chaleur épouvantable. A 17 heures, Mme Larbine a très mal à la tête, elle est en sueur, un peu échevelée. Elle n’a même pas le temps de se rafraîchir, Sabrina Marcouret l’attend, apparemment très pressée.  Elle la fait entrer; Kevin suit en traînant la patte. «  Grouille, lui dit la mère, ramène-toi ! ». Il marmonne quelque chose puis obtempère.
« Je viens vous voir parce que vraiment j’en ai ras-le-bol, ça peut plus durer, vous en avez toujours après lui, le petit il est traumatisé et il me passe toutes les nuits. Alors, je le mets pas à l’école pour le traumatiser. Il veut plus venir. Alors je vous préviens, si ça change pas, je vais à l’académie. Et je vous préviens, je connais du monde.
- Nous allons reprendre sereinement du début si vous le voulez bien. Votre enfant a les notes que son travail mérite. Quand il a une mauvaise note, ce n’est pas par méchanceté que je la lui donne, c’est parce qu’il n’a pas fait ce qui était demandé. Et pourquoi n’a-t-il pas fait ce qui était demandé ? Car il ne fournit aucun travail personnel, n’apprend pas ses leçons et a un comportement très agité, même insolent, comme je vous l’ai déjà signalé à plusieurs reprises. »
Mme Larbine montre alors les divers travaux de l’enfant. Pendant ce temps, le petit Kevin fait le tour de la classe, touche à tout, dérange les livres de la bibliothèque sans rien replacer. Bref rien d’anormal. La mère reprend :
« Moi je trouve que c’est injuste et il est toujours puni. Quand il était petit il a été malade, il a eu la mort subite du nourrisson. Je vous jure c’est pas sa faute.  Alors quand je vois ça, ça me fend le cœur. Vraiment ça peut plus durer. Je te préviens, mon gamin tu le laisses tranquille, sinon je reviens avec qui il faut et je te casse la gueule. »
Hors d’elle, Sabrina Marcouret sort en hurlant après Kevin et en continuant de proférer des menaces. On dirait une folle.

Une fois cette furie sortie, Mme Larbine s’assit un peu secouée, et regretta profondément de ne pas avoir été assistée d’un témoin lors de cet entretien. Elle regretta aussi de lui avoir consacré autant de temps, rien ne sert de tenter de discuter avec ce genre d’individu. Il ne lui restait plus qu’à contacter son syndicat, à rédiger un rapport pour son IEN, un autre à la Solidarité Laïque, en espérant que la situation ne se retournerait pas contre elle. Une belle soirée en perspective pour avoir voulu à tout prix donner un enseignement à un enfant contre sa volonté et contre celle de sa mère.

Conclusion
École

Depuis toutes ces années, Mme Larbine croyait que l’école devait instruire les élèves afin de les préparer à leur vie d’adulte. Elle voulait leur apprendre des choses, elle voulait en faire des citoyens éclairés, prêts à faire des efforts et à prendre du plaisir à l’acquisition de nouvelles connaissances, seule voie pour une bonne  estime de soi. Elle ne savait pas que tout avait changé. L’école désormais est là pour assouvir les besoins des élèves, les rendre heureux dans l’instant présent, participer à leur épanouissement en leur répétant qu’ils sont les meilleurs. Qui a parlé d’instruction, de travail et d’efforts ?