Entretien
avec John Sweller, suite. Ci-dessous les billets 2 et 3.
Pour relire le billet 1, voir ici.
2/Pouvons-nous
enseigner la résolution de problèmes ?
Voir ce billet dans le texte ici.
OL: L’autre
expérience que je désirais tester est basée sur ce que vous avez appelé l’effet
d’absence de but. Le travail initial autour de cet effet était relatif à des
problèmes de physique. Vous auriez pu par exemple explorer des choses comme le
mouvement parabolique et demander aux participants de déterminer la hauteur
maximale d’un projectile, à partir d’un angle de lancement et d’une vitesse de
départ donnés, ou quelque chose de semblable. Vous avez découvert que dans un
tel contexte, si vous dites à un groupe d’étudiants « Voici la vitesse de
lancement, voici l’angle de lancement, trouvez la hauteur maximale »,
alors qu’à l’autre groupe vous dites : « Trouvez tout ce que vous
pouvez trouver à partir de l’angle et de la vitesse de lancement », ce
dernier groupe a plus de chances de
trouver la hauteur maximale que le groupe auquel cela a été demandé
explicitement. Et, encore plus surprenant, si à ces deux mêmes groupes, vous
demandez ensuite de trouver la hauteur maximale, dans un contexte similaire, le
groupe qui n’avait pas reçu d’objectif particulier dans la première expérience
a plus de chance de répondre à la question. Pensez-vous qu’il soit possible
d’enseigner aux élèves de transformer eux-mêmes des problèmes à but spécifique
en problèmes sans but ? Par exemple, nous pourrions imaginer une stratégie de
résolution de problèmes en disant : « Si vous pensez que vous ne
pouvez pas résoudre le problème, vous devez simplement trouver tout ce que vous
pouvez. » Puis vous dites : « Toutes les 5 ou 10 minutes, si
vous avez trouvé quelque chose, réfléchissez à ce que vous avez fait depuis le
début pour y parvenir. Si vous savez comment vous y êtes parvenus, c’est très
bien. Sinon, cherchez encore et essayer de trouver autre chose. »
JS: C’est astucieux. Nous n’avons pas fait cela, mais on
devrait le faire. C’est une bonne idée. Nous devrions le faire. Oui, je ne vois
que des aspects positifs dans cette stratégie.
OL: Okay, super. Ce que
j’essayais de faire dans cette expérience était de proposer ce qu’apparemment
beaucoup de personnes souhaitent, à savoir aider les gens à devenir compétents
en résolution de problèmes, grâce à votre effet d’absence de but, qui est
confirmé par nombre de preuves expérimentales. Donc, oui, de toute évidence,
c’est quelque chose qui pourrait fonctionner.
JS: Oui, en fait, il
y aurait un groupe avec un problème à but spécifié et un autre groupe à
problème à but spécifié également , mais à ce second groupe on dirait
aussi : « Si vous ne parvenez pas à trouver, oubliez la question,
contentez-vous de calculer les valeurs du plus grand nombre de choses que l’on
puisse calculer à partir des données dont vous disposez, puis voyez ce qu’il en
ressort. » (pause) Hmm, Ouais. Essayez.
OL: Un sujet pour une
future recherche…
❃
Il est important de lire ce qui précède en relation avec le
billet suivant ; ne vous arrêtez pas ici, sinon l’explication sera
incomplète !
❃
Entretien
avec John Sweller
3/
Quelle est la différence entre l’effet d’absence de but spécifié et un
enseignement peu guidé ?
OL: Quelles sont les
différences fondamentales entre des activités sans but spécifique et un
enseignement peu guidé ?
JS: L’une des raisons pour lesquelles nous sommes passés
des problèmes sans but spécifié aux exemples résolus est que les premiers
fonctionnent très bien, mais dans un nombre très limité de domaines. Ils ne
fonctionnent pas dans toutes les circonstances. Les domaines dans lesquels ils
marchent bien, sont des situations dans lesquelles il
existe un nombre limité, (3, 4, 5), de variables possibles quand vous
dites : « Calculez les valeurs d’autant de variables que vous
pouvez ». En d’autres mots, si vous savez vraiment ce que vous faites,
vous pouvez calculez extrêmement rapidement. Les autres situations sont, comme
dans certains domaines des mathématiques ou d’autres disciplines, du type : « Calculez
autant de choses que vous pouvez ». Alors, les étudiants peuvent le faire
indéfiniment ! Il y a littéralement un nombre infini de choses faisables.
Par conséquent, cela n’est pas réalisable. Un exemple peut se trouver dans l’algèbre
simple. Donnez une équation et dites « Manipulez cette équation d’autant
de manières que vous le pouvez ». Il y a un nombre infini de façons.
OL: Vous finissez
avec x d’un côté, tout seul dans seulement un petit nombre de ces combinaisons.
JS: Exactement. Nous n’avons jamais mené un problème sans
but spécifié en utilisant ce type de problème. Dans la plupart des domaines de
la géométrie, les solutions ont tendance à être limitées. Cela fonctionne dans
certains domaines de la physique comme dans certains problèmes rédigés tels que
le calcul de la vitesse d’un objet, l’accélération, ou le temps. Si vous dites
à quelqu’un : « Calculez tout ce qui peut l’être », il sera vite
à court, et calculera très très vite. Il peut le faire et puis, soudainement il
trouve : « Oh ! d’accord, je viens de calculer ce qui était
demandé ». Je pense à l’expérience que vous avez proposée précédemment,
(voir le billet précédent). Dans d’autres domaines, vous ne pouvez pas
l’utiliser. D’un autre côté, les exemples résolus fonctionnent en toutes
circonstances. Partout, depuis les mathématiques limitées jusqu’à …
OL: Shakespeare?
JS: Shakespeare, oui.
C’est pourquoi nous insistons sur les exemples résolus plus que sur les
problèmes sans but spécifique.
OL: Y a-t-il une
différence majeure entre – je comprends ce que vous dites quand vous expliquez que
l’effet d’absence de but est limité dans sa portée- cela et l’enseignement peu
guidé ?
JS: Probablement pas. Il n’y a pas d’autre instruction que
« Calculez tout ce que vous pouvez » mais la raison pour laquelle
cela fonctionne est celle que j’ai soulignée précédemment. Il n’y a peut-être aucune instruction mais il
n’y a rien d’autre à faire.
OL: Oui okay. C’est comme une zone limitée
d’exploration.
JS: Elle est très très limitée et en général, si on utilise
des équations de mouvement, vous considérez vos 3 ou 4 équations, il y a une
inconnue dans chacune d’elles et vous dites : « Ok. J’essaie ceci, j’essaie
ceci. » Et à la fin de la journée, non seulement ce que vous avez trouvé,
mais aussi tout ce que vous avez tenté, tout cela vous a enseigné ce que vous
deviez apprendre. Pour n’importe laquelle de ces équations, vous devez être
excellent. Vous devez être capable de
calculer n’importe quelle inconnue à tout moment. On peut vous donner un
problème dans lequel vous devrez calculer cette inconnue et ensuite cette autre
inconnue etc…
OL: Je comprends. Ce
que j’en retiens : les approches sans but spécifié et les approches avec
un enseignement peu guidé peuvent être efficaces dans le cadre d’un panel d’exemples
limités et si les élèves se souviennent de ce qu’ils ont fait clairement et qu’ils
sont capables de réfléchir sur leur procédure.
JS: Les élèves doivent réfléchir sur la procédure et je souligne
avec insistance que la raison pour laquelle les exemples résolus fonctionnent
vient de cette réflexion. En effet, vous dites : « étudiez l’exemple résolu ». Ce qui
est une autre façon de dire : « Voici la solution d’un problème,
étudiez-la. Vous ne l’avez pas trouvée vous-même mais cela n’a pas d’importance »
OL: Peu importe qui l’a
trouvée, du moment qu’ils y réfléchissent ?
JS :Oui.
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