Les
travaux de Carol Dweck sur l’esprit dynamique et l’esprit statique sont
maintenant bien connus. Une
nouvelle étude a été menée récemment afin de déterminer l’impact des éloges
dans la constitution d’un esprit dynamique ; il en ressort que tous les éloges ne se valent pas et que
parfois, certains encouragements peuvent aboutir à l’effet inverse de celui souhaité.
L’expérience portait sur plus
de 400 élèves de CM2, d’horizons variés. On a donné à chacun divers exercices,
tirés de tests de quotient intellectuel. À la fin du test n°1, les élèves ont
été complimentés de deux manières. Le premier groupe, appelons-le I, a été félicité sur son intelligence : « Vous
avez bien répondu, vous êtes doués sur le sujet ». Le deuxième groupe,
appelons-le E, a été félicité sur les efforts produits : « Vous avez
bien répondu, vous avez travaillé dur pour parvenir à ce résultat. »
L’impact de ces deux manières de féliciter est très important.
Puis, pour l’épreuve
suivante, chaque élève a eu un choix à faire : choisir entre un test plus
difficile, mais qui serait pour eux l’occasion d’apprendre plus et de
progresser, ou alors un test semblable au précédent, qu’ils réussiraient sans
aucun doute. Dans le groupe I (groupe
félicité sur son intelligence), 67% ont choisi la version facile. Dans l’autre groupe,
92% ont choisi le test plus difficile.
Voici, en substance
l’explication de Carol Dweck. Selon elle, l’enfant, comme l’adulte, se dit :
« Vous pensez que je suis brillant, c’est pourquoi vous m’admirez et
que j’ai, à vos yeux, une certaine valeur. Par conséquent, je n’ai pas intérêt
à faire quoi que ce soit qui puisse briser cette appréciation positive ». C’est ainsi que les enfants construisent
un esprit statique et qu’ils limitent le développement de leurs talents. Par
contre, si l’on insiste sur les stratégies mises en œuvre, sur les manières d’aller
plus loin, de faire face à des tâches difficiles, alors on est dans un
processus de développement et de progrès. Les enfants comprendront qu’une
erreur de leur part ne sera pas imputée à un manque de talent ou d’intelligence.
Ils auront compris que s’ils ne relèvent pas des défis en se frottant à des
tâches de plus en plus difficiles, ils ne progresseront pas, ils ne grandiront
pas. »
Dans la 3ème
étape de l’expérience, on a donné aux élèves un test vraiment très difficile,
pratiquement infaisable. On voulait connaître la façon de réagir des deux
groupes face à une importante difficulté. Le groupe E (ayant été félicité sur
ses efforts) a été capable de travailler plus dur et plus longtemps sur la question
et a pris plaisir à l’expérience. L’autre groupe, ayant été félicité sur son
intelligence, a été frustré par l’exercice et a abandonné beaucoup plus vite.
Le 4ème test
était du même niveau que le premier, à savoir très facile. Les élèves du groupe I ont eu de moins bons résultats qu’au
premier test, marquant une baisse de 20%. Le groupe E, au contraire, s’est
amélioré d’environ 30%, soit un écart entre les deux groupes de 50%.
Voilà une expérience
montrant comment l’éloge peut encourager ou limiter le développement d’un
enfant sur le plan des apprentissages. Tous les adultes qu’ils soient
enseignants, parents, éducateurs ont compris l’importance des éloges mais tous
ne savent pas que certains types d’éloges peuvent se révéler contre-productifs.
Il me paraît urgent que ce
genre de conclusions soient connues du plus grand nombre, et en particulier des
enseignants. Malheureusement, l’idéologie constructiviste, dominante dans les
classes, constitue une grande force de résistance à des idées telles que les
efforts et une pratique abondante. Elle laisse croire aux enfants par exemple,
qu’ils apprendront mieux en jouant, ou que tous peuvent sans effort parvenir à
des résultats, ou encore qu’avant même de posséder les bases, tous peuvent
devenir des experts etc… Elle n’a pas de mal à persuader les élèves en
édulcorant les évaluations, ou en les supprimant. Dans cette forme pédagogique,
pas de défi véritable, mais une mise en contact immédiate avec la complexité
sans que l’élève ne possède les moyens de l’affronter. Voilà qui laisse de côté
bien des élèves et les conforte dans la piètre opinion qu’ils ont d’eux-mêmes. Tous
les ingrédients sont là pour que les élèves acquièrent un esprit statique.
Phénomène encore aggravé dans les familles où l’éducation consiste à
surprotéger les enfants, à aplanir pour eux toute éventuelle difficulté et à
faire en sorte qu’ils ne connaissent aucune frustration.
À l’école, l’Enseignement
Explicite sort du lot commun car sa démarche intègre l’acquisition de l’esprit
dynamique. Il complimente systématiquement et abondamment sur les efforts
fournis et sur les stratégies utilisées. Il donne à tous les élèves l’envie et les
moyens de faire les efforts ; il leur permet de maîtriser les stratégies
par un enseignement explicite, progressif qui ne laisse rien dans l’ombre. Les
élèves réalisent alors que les résultats sont à la portée de tous, car les
efforts le sont aussi ; il n’y a pas d’un côté les élèves nantis par la
nature d’une intelligence supérieure et de l’autre les autres.
L’esprit dynamique est l’une
des clés, et non des moindres, des apprentissages réussis, et au-delà, d’un parcours de vie réussi. L’école est le
lieu rêvé pour qu’il s’y développe. Mais encore faudrait-il que les moyens
soient mis en œuvre pour cela, à commencer par des méthodes pédagogiques
propres à le susciter. De toute évidence, les réformes qui se préparent, une
fois de plus, vont dans une direction opposée.
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