Je
me propose de résumer une courte vidéo extrêmement limpide sur l’enseignement
basé sur les données probantes (ou preuves). Cela permettra je l’espère de
lever quelques ambiguïtés pour celles et ceux que cette approche effraie. Elle
est issue du site britannique
http://www.evidencebasedteaching.co.uk/ |
Pour
commencer, voyons ce qu’elle n’est pas. L’enseignement basé sur les données
probantes ne signifie pas que vous, enseignant, allez faire une
expérimentation, ni que vous devrez recueillir des données pour pouvoir ensuite
les utiliser dans votre enseignement.
En
dehors du champ éducatif, la notion de preuve nous est familière, dans la
police, dans l’ingénierie. Mais aussi en médecine, depuis une centaine
d’années ; personne ne souhaiterait consommer des médicaments n’ayant pas
été testés au préalable.
1. L’enseignement
dispensé dans les classes aujourd’hui est-il basé sur les données probantes ?
Dans
les classes conduites par des enseignants efficaces, beaucoup d’actions sont en
accord avec les données probantes. Même si les enseignants n’en ont pas
conscience. Le problème se présente quand on demande aux enseignants d’utiliser
telle ou telle méthode. Beaucoup de décisions gouvernementales ne sont
soutenues par aucune preuve ou très peu. Il serait bien plus efficace de former
les enseignants à l’utilisation des données probantes dans leur enseignement.
2. Les
neuromythes
Une
étude de l’OCDE, intitulée Comprendre le
cerveau : la naissance d’une science de l’apprentissage a identifié des
neuromythes : ce sont des idées fausses relatives au fonctionnement du cerveau
et non soutenues par des preuves. En voici quelques-unes :
• Cerveau
droit /cerveau gauche avec des dominantes gauche ou droite selon les
individus. Bien sûr, le cerveau a deux hémisphères mais ils sont reliés entre
eux par des milliers de connexions. Dans chaque tâche, nous utilisons diverses
parties de notre cerveau dans les deux hémisphères.
• Les
styles d’apprentissage (ou styles cognitifs). Nous avons tous une
dominante : nous sommes plutôt visuels, ou auditifs ou kinesthésique.
Néanmoins, il a été montré qu’enseigner selon le style dominant n’améliore en
rien les apprentissages. C’est donc une contre-vérité.
• Nous
n’utilisons que 10 % de notre cerveau. Cela est entièrement faux ; les
preuves montrent pratiquement le contraire. Quand les gens maîtrisent une
habileté, ils utilisent moins leur
cerveau.
• La
gymnastique du cerveau : certains exercices stimuleraient des parties du
cerveau que les autres activités ne permettent pas. Les données montrent que
cela n’a aucun effet.
Dans
ce climat de flou et de contre-vérités, l’université de York a créé l’institut
pour un enseignement efficace (Institute for Effective Education). L’objectif
est que les enseignants et les décideurs puissent avoir un accès facilité à la
recherche et une entière confiance dans sa fiabilité. Utiliser les données
probantes devrait être aussi important dans l’enseignement que ça l’est en
médecine. Derrière cette initiative, se trouve Estelle Morris (ministre de l’Éducation
britannique, l’une des rares à ce poste à avoir été enseignante) ; elle
souhaite transformer la relation entre les chercheurs, les enseignants et les
décideurs afin que l’enseignement s’appuie sur des preuves et non plus sur des
opinions, ou des modes.
3.
National
Center for Evidence in Education
Un
institut nommé NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence)
assimile les données pour les rendre accessibles aux médecins. En effet,
ceux-ci n’ont pas le temps d’étudier toutes les recherches publiées dans le
monde. Il faudrait l’équivalent pour l’enseignement. Ce serait très utile
d’avoir une publication facile d’accès, que les enseignants pourraient consulter
pour connaître les données probantes, afin de pouvoir les appliquer directement
en classe. Ils n’ont pas le temps d’aller chercher toutes les recherches
publiées. L’Institut pour l’enseignement efficace explore cette idée d’un
National Evidence Center, c’est un travail en cours actuellement.
4. Les données
relatives aux expériences menées dans les classes.
- On peut tout d’abord voir comment s’y prennent les excellents enseignants.
- On peut mener des expériences en classe avec des groupes de contrôle.
- On étudie ce que nous disent les neurosciences.
Tout
cela propose un certain nombre de données fiables. Des milliers d’expériences sont menées à
travers le monde mais la plupart sont cachées dans des publications
universitaires. Une façon de rassembler toutes ces informations est de se
pencher sur les méta-études qui combinent les résultats de nombreuses études.
Comment fonctionne une méta-étude ? Imaginons 4 (mais ça pourrait aussi
bien être 40 ou 400) techniques pédagogiques à étudier. L’équipe va d’abord
étudier la structure de l’étude ; y avait-il un groupe de contrôle, y
avait-il assez d’élèves, le temps de l’étude était-il suffisant ? Si la
qualité de ces facteurs n’est pas bonne, l’étude en question sera éliminée de
la méta-étude. Ne seront conservées que les études de bonne qualité. Pour les
enseignants, cela signifie qu’ils auront beaucoup moins à lire et plus de
preuves fiables.
Voici
quelques chiffres pour se faire une idée. Prenons l’exemple de l’apprentissage
coopératif : plus de 300 études, plus de 24000 participants ont été
utilisés. Avec des études de cette ampleur nous pouvons avoir toute confiance
dans la fiabilité des résultats.
Où
trouver ces informations ? Des
ouvrages tels que : Geoff Petty, Evidence Based Teaching ; John
Hattie, Visible Learning ; Robert Marzano, Classroom Instruction that
Works et bien d’autres. Celui-ci suggère 10 éléments
fiables pour utiliser les données probantes en classe. Chacune de ces méthodes
a un impact effectif sur les résultats.
5. Que disent
les preuves tirées des neuro sciences ?
Ce
sont des connaissances nouvelles qui datent des années 90, époque où l’on a
inventé de nouveaux procédés pour explorer le cerveau. Avec ces machines
nouvelles on peut voir quelles zones du cerveau sont actives, ce que l’on ne
pouvait pas voir auparavant. À l’heure actuelle, les résultats sont plus
accessibles aux enseignants grâce à des publications telles que : David
Sousa, How the Brain Learns ; Sarah-Jayne Blakemore & Utah
Frith ; The Learning Brain,
lessons for education ; Patricia Wolfe, Brain Matters ; John
Geake The Brain at School …
Que
nous enseignent les neurosciences ? Le cerveau comprend des zones
spécialisées, il n’y a pas une zone de l’intelligence. Si nous améliorons les
habiletés du cerveau nous améliorons l’intelligence.
La
mémoire se forme quand des cellules sont liées entre elles ; par
conséquent on ne peut pas apprendre quelque chose sans la relier à une autre
que nous connaissons déjà.(sauf dans l’apprentissage par cœur) les liens sont
importants pour que la compréhension s’opère.
Les
conclusions des neurosciences vont-elles dans le même sens que les données
observées en classe ? Prenons un exemple dans les 10 éléments cités par
R.Marzano : en n°5 apparaissent les méthodes graphiques. Les expériences
en classe montrent que cela est très efficace. Si l’on questionne les neurosciences
sur le sujet, elles répondent que le cerveau possède un très grand cortex
visuel, spécialisé dans le traitement des images. Si nous l’utilisons, cela
permet d’améliorer les apprentissages.
Par
conséquent, nous sommes en présence de deux types de preuves (expérimentales et
neuroscientifiques) dans lesquelles nous pouvons avoir une totale confiance.
6. Comment
utiliser ces données en classe ?
L’avantage
dans les données probantes, c’est que l’enseignant garde le contrôle. C’est
l’accès aux preuves qui donne aux médecins leur pouvoir. C’est la base du professionnalisme.
Ce n’est pas une série d’injonctions. Comment faire ? Pour les enseignants, il
n’est pas nécessaire d’attendre la permission de qui que ce soit, chacun peut utiliser
ces méthodes immédiatement. Ils peuvent aussi demander des formations dans leurs
écoles ou collèges. Et surtout, ils peuvent mettre en doute des injonctions qui
ne sont pas soutenues par les preuves. Bien sûr, l’idéal serait d’être soutenu
par le ministère. Comment ? Les politiques éducatives devraient proposer
exclusivement des méthodes ayant été testées. Pour cela, il serait utile de mettre
en place un Centre National des données probantes auquel nous pourrions faire
appel pour des conseils. Cela signifierait que les enseignants seraient
désormais traités comme des professionnels. Il faudrait également créer une
qualification basée sur les données et créer des experts en la matière. La
formation devrait occuper une place importante. De la même manière que nous
n’utilisons pas des médicaments n’ayant pas été testés, nous ne devrions pas
utiliser de méthodes pédagogiques n’ayant pas été testées.
Voir aussi:
Sur les
mythes
Sur les
styles d’apprentissage
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