Le neuro-scientifique Stanislas
Dehaene propose, d’après ses recherches et celles de confrères, 4 piliers
fondamentaux pour l’apprentissage. Il considère que tout enseignant devrait les
connaître afin de les intégrer dans sa pratique pédagogique. On pourra se
référer à cette vidéo pour en connaître les détails. Il
explique dans sa conclusion toute la nécessité d’un enseignement structuré et
cohérent. Cela me semble une excellente chose qu’un scientifique français, dont
la notoriété est acquise, ose se prononcer, si ce n’est en faveur d’une méthode
complète (il expose qu’il n’y a pas une seule méthode efficace), au moins en
faveur de principes incontournables. On pourra constater à leur lecture qu’ils
sont incompatibles avec toute méthode qui par exemple, prônerait l’accès par la
complexité, ou la découverte intuitive, qui négligerait l’automatisation de
certains éléments, ou la pratique.En revanche, l’observateur avisé aura
remarqué que l’Enseignement Explicite est en phase complète avec les
incontournables du fonctionnement cérébral. Voyons cela de plus près.
Pilier 1 : L’attention
L’attention est un moyen de
filtrage pour « sélectionner l’information et en moduler le
traitement ». Elle facilite l’apprentissage. Par conséquent, il faut tout
faire pour la mettre en œuvre. Néanmoins, elle a des limites à connaître,
elle peut nous empêcher de voir certains éléments et nous ignorons l’étendue de
la non conscience du traitement de l’information dans notre cerveau. Le
contrôle exécutif est l’un des systèmes attentionnels, c’est un levier de
l’attention qui va éliminer tout comportement pouvant nuire à la concentration
sur la tâche. Ex : ne pas se laisser distraire, ne pas se mettre à parler
pendant la tâche …
En quoi l’Enseignement Explicite respecte ce principe.
En Enseignement Explicite, avant
de commencer l’enseignement à proprement parler, l’enseignant installe les conditions
optimales d’apprentissage. L’une d’elle, très importante, consiste à capter l’attention de tous. L’enseignant, tout au long de la séance, va veiller à
ne pas perdre cette attention et à la canaliser selon ses intentions
pédagogiques. Cela exige auparavant qu’il ait en tête un objectif
d’apprentissage clair, et qu’il soit capable dans sa présentation, d’éviter
tous les écueils qui obligeraient l’attention de l’élève à se multiplier. Il ne
donne jamais de double tâche, il propose des difficultés progressives, part
toujours du simple pour aller vers le complexe et ne passe jamais à l’étape
suivante tant que la précédente n’est pas acquise. Les tâches multiples sont
mauvaises car elles détournent l’élève de la tâche primaire et le cerveau
humain, contrairement au neuromythe très répandu, n’est pas multi-tâche. Les
tâches multiples nuisent tout particulièrement aux élèves en difficultés.
Stanislas Dehaene évoque l’importance des matériaux d’étude qui doivent être « attrayants
mais sans écarter l’élève de la tâche principale ». Ainsi, en Enseignement
Explicite, les présentations faites par l’enseignant sur TBI par exemple,
veillent à ne pas multiplier les images, et ne choisissent que celles qui sont
pertinentes pour la compréhension. Il en est de même pour les exemples et les
contre-exemples. Enfin, le contrôle exécutif, selon la recherche, peut
s’améliorer par la pratique. En Enseignement Explicite, on considère que même
les comportements (attitudes propices à mieux recevoir les apprentissages)
peuvent s’acquérir de manière explicite et par l’entraînement. Comme par
exemple, les attitudes lors du travail de groupe, lors des transitions, lors
des explications de l’enseignant, lors de la pratique …
Pilier 2 : L’engagement
actif
Les études ont montré que
l’apprentissage est optimal quand l’enfant alterne apprentissage et test
immédiat et répété des connaissances. Les tests, par ailleurs, entrent dans un
cadre méta-cognitif en permettant à l’élève de « savoir quand il ne sait
pas ». De la même manière, la durée de la mémoire est liée au fait de la
re-tester régulièrement. Enfin, l’engagement actif contient aussi l’idée de
rendre les conditions d’apprentissages plus difficiles, à savoir, demander à
l’enfant un effort soutenu et prolongé.
En quoi l’Enseignement Explicite respecte ce principe.
L’Enseignement Explicite teste
souvent les élèves, à la fois immédiatement, au cours de la leçon, juste après,
ou de manière plus différée. Cela permet à l’enseignant d’avoir une vision fine
de ce qui a été acquis. Les tests sont l’occasion de révisions fréquentes, qui
elles aussi concourent à la mémorisation. Les acquisitions d’automatismes sont testées
très régulièrement (ex : tables de multiplications). On ne se contente
jamais d’une évaluation qui permettrait de conclure "notion acquise". Cette familiarité avec les tests permet
d’installer les connaissances plus durablement, en conjugaison avec les
révisions et une pratique soutenue.
La méta-cognition est aussi à
l’ordre du jour en Enseignement Explicite. L’enseignant a toujours à cœur de
faire prendre conscience à l’élève de ce qui se passe dans son cerveau durant
les apprentissages. Y compris quand l’élève ne sait pas ; ce qui lui
permet par la suite d’observer ce qui s’est passé quand il a compris, pourquoi
il a compris, de déterminer ce qui l’empêchait d’atteindre son but. Connaître
l’erreur permet de mieux y remédier et de ne plus la refaire. Enfin
« rendre les conditions d’apprentissage plus difficiles » est ce que
l’on appelle en Enseignement Explicite « avoir de hautes ambitions pour
ses élèves ». Et pour tous ses élèves. C’est un incontournable.
L’Enseignement Explicite a les moyens d’être ambitieux pour les élèves car il
part de leur véritable niveau et possède des outils éprouvés pour les faire
avancer.
Pilier 3 : Retour
d’information
Le cerveau possède un modèle
permettant des prédictions. Quand un signal d’erreur vient indiquer que la
prédiction n’était pas parfaite, alors se réalise l’apprentissage. Par
conséquent, l’apprentissage nécessite un signal d’erreur. Il peut être le fruit
de la différence entre la prédiction et l’observation. Dans le cadre scolaire,
il vient de l’enseignant par le biais d’une explication.
En quoi l’Enseignement Explicite respecte ce principe.
Voilà qui nous renvoie au statut
de l’erreur en Enseignement Explicite : elle n’est pas une faute et fait
partie intégrante des apprentissages. L’enseignant apprend à ses élèves à ne
pas la redouter mais à savoir l’utiliser pour aller plus loin. C’est un passage normal. L’Enseignement
Explicite ne sanctionne pas les élèves qui commettent des erreurs. Mais l’enseignant
sait aussi qu’il doit éviter absolument que des informations erronées s’incrustent
dans la mémoire, par conséquent, il s’applique à les débusquer aussi tôt que
possible et à les corriger. C’est une attention de chaque instant car plus une
erreur persiste en mémoire, plus elle aura du mal à s’effacer. C’est aussi
pourquoi la rétroaction occupe une place si importante en Enseignement
Explicite. Elle est immédiate et s’accompagne d’explications : l’enseignant
pointe l’erreur, indique pourquoi et montre et explique la bonne information. L’enseignant
explicite privilégie les encouragements positifs et les
récompenses tangibles ou verbales. Ainsi, il met l’accent sur ce qui est réussi
ce qui crée une forte motivation auprès des élèves.
Pilier 4 : Consolidation
L’enjeu de l’apprentissage sera
acquis lorsqu’il y aura transfert de l’implicite vers l’explicite. Or, ce
transfert ne se fait pas naturellement et sans effort, en particulier pour les
apprentissages scolaires. Il doit être provoqué et entraîné. Au début de tout
apprentissage, le traitement se fait de manière explicite, conscient, des
efforts sont nécessaires (ex : le déchiffrage en lecture). Puis vient le
temps de l’automatisation. Elle permettra une pratique fluide, donc réussie.
Stanislas Dehaene ajoute un point important à cette
consolidation, qui malheureusement, n’entre pas dans le cadre scolaire :
le sommeil. Il explique que le sommeil est partie intégrante du phénomène
d’apprentissage, il en permet la consolidation et améliore la mémoire, la
généralisation, la découverte de régularités. Selon lui, l’amélioration du
sommeil peut être une intervention efficace, notamment sur les troubles de
l’attention.
En quoi l’Enseignement Explicite respecte ce principe.
En Enseignement Explicite, une
fois passé le stade des explications de l’enseignant et de la compréhension des
élèves, vient le moment de la consolidation ; elle passe par une pratique,
d’abord guidée puis de plus en plus autonome, par des révisions fréquentes, tout
cela aboutit à la mémorisation. Il est évident que certaines connaissances
(déchiffrage pour la lecture, tables de calcul …) ont besoin d’être automatisées
afin de libérer la mémoire de travail et de pouvoir se concentrer sur le
raisonnement ou le sens. Sans quoi aucun apprentissage n’a lieu.
Relativement au sommeil, ce
serait méconnaître la réalité que de s’imaginer que l’école est capable de
former les parents à l’éducation de leurs enfants ! Sur cette question,
comme sur beaucoup d’autres, l’école n’a aucun levier d’action. Les seuls
parents qui seraient réceptifs à ce genre de propos sont ceux qui déjà, savent
éduquer correctement leurs enfants. C’est un fait que la plupart des élèves
dans une classe arrivent le matin déjà très fatigués, voire excités, et ont
énormément de mal à se concentrer. L’enseignant doit s’en accommoder.
***
Pour terminer, je souhaite que la
notoriété de Stanislas Dehaene contribue à diffuser ces éléments fondamentaux
au plus grand nombre, à la fois dans le milieu enseignant et dans celui des
décideurs institutionnels. N’oublions pas néanmoins que les recherches sur l’efficacité
de l’enseignement ont commencé il y a déjà plusieurs décennies et que les
travaux de Rosenshine, dès 1976, posaient les jalons de principes pédagogiques
en complète adéquation avec ceux évoqués ci-dessus. Ainsi naissait l’Enseignement Explicite. Le
débat pédagogique en France est obéré par le refus d’utiliser ces données,
surtout quand leurs conclusions remettent en question les politiques
pédagogiques engagées depuis des années et ce, même si leurs piètres résultats
sont maintenant connus de tous. Espérons que la multiplication et la diffusion
d’exposés tels que celui-ci éveillent un peu les consciences.
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