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samedi 24 janvier 2015

Précision terminologique: Direct Instruction, direct instruction

Une fois de plus en me promenant sur la toile, je constate la grande confusion qui règne à propos de l’Enseignement Explicite et de sa famille pédagogique. Loin de moi l’idée de jeter la pierre à ces enseignants autodidactes qui tentent avec plus ou moins de bonheur d’informer leurs collègues. Bien que validée largement et depuis longtemps par la recherche, cette famille pédagogique ne fait toujours pas partie du programme officiel d’enseignement dans les instituts de formation des professeurs. Ceci explique sans doute cela.

Je lisais donc les propos d’une enseignante affirmant qu’enseignement explicite, direct instruction et Direct Instruction étaient exactement la même chose. Je renvoie ceux que cela intéressent à cette mise au point toujours d’actualité. Pour faire court, s’il ne fallait retenir que deux éléments historiques ce serait les personnes de Siegfried Engelmann et Barak Rosenshine.

Tout commence dans les années 60 avec Siegfried Engelmann qui met au point une méthode pédagogique complète (clés en mains) ; elle est explicite, structurée, transmissive ; il invente le script pour l’enseignant qui détaille toutes les composantes de la leçon, y compris ce qu’il doit dire ; la méthode contient les évaluations formatives, sommatives, les indications pour la constitution des groupes de niveaux… Les écoles qui s’engagent dans le D.I. sont suivies par des formateurs qui les visitent régulièrement. S.Engelmann raconte en détail cette passionnante aventure dans son ouvrage Teaching Needy Kids in our Backward System. Sa méthode s’appuie sur les études menées pendant les 30 années précédentes,  relatives aux comportements pédagogiques efficaces. Comme on le sait, la méthode de Siegfried Engelmann sera sélectionnée pour participer à l’impressionnante étude Follow Through et en sortira, à la grande surprise de beaucoup, gagnante sur bien des plans. Cela s’appelle Direct Instruction ou D.I. Aucune version française n’existe. Aucun enseignant français ne la pratique.

En 1976, Barak Rosenshine, un autre Américain, faisait une étude sur l’efficacité de l’enseignement, il s’intéressa bien sûr aux résultats du Follow Through et découvrit un certain nombre de principes directement liés à la réussite des élèves. Comme par exemple, l’importance des connaissances préalables, la nécessité de procéder par étapes progressives, d’expliquer clairement, de poser des questions, de  fournir du feedback, une pratique abondante … Cette approche a largement été développée par la suite, notamment par les chercheurs canadiens francophones Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard. En français, on l’a nommée Enseignement Explicite. Les Américains disent direct instruction, explicit teaching, explicit instruction et parfois même small di.  Cette méthode pédagogique est très structurée et  fait partie, tout comme son frère  D.I.,  des méthodes basées sur les données probantes, qu’il s’agisse de recherche pédagogique empirique ou de sciences cognitives, psychologiques ou neuro-sciences. Les leçons suivent un plan particulier. On y retrouve largement les fondements théoriques du D.I. Néanmoins, l’Enseignement Explicite n’est pas labellisé comme l’est le D.I. et l’enseignant peut le mettre en œuvre tout seul, en utilisant le matériel qui lui convient. Ce courant pédagogique, bien que ne faisant pas partie des méthodes encouragées et encore moins enseignées par notre ministère, est malgré tout utilisée par des enseignants français. Form@PEx en est le site référent en langue française.


Cette précision n’a pas pour but de pinailler sur les mots ni d’entrer dans une sorte de concurrence entre courants du même type. L’imprécision est révélatrice d’une incompréhension, laquelle peut mener à des actions pédagogiques contre-productives ou à des croyances fausses. Si l’on veut que les méthodes pédagogiques issues des données probantes aient leur place dans l’enseignement, il faut que les choses soient claires et limpides, sans quoi on a vite fait de propager des contre-vérités. Certes, c’est un travail de longue haleine, répétitif, comme l’est l’enseignement, mais j’ose espérer qu’à force de dire et redire ce qu’est l’Enseignement Explicite, et surtout ce qu’il n’est pas, les choses avanceront un peu. Nous entraînons nos élèves à la précision des mots, alors c’est une moindre chose que d’en faire de même avec nos approches pédagogiques. 


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