Voilà le titre d’un article
récent de Daniel Willingham, dans lequel il s’appuie sur une expérience
récemment menée pour répondre oui.
Par-delà cette étude, la question mérite d’être posée plus
largement dans la perspective de ce qui se passe dans les écoles et au regard
de la méthode pédagogique dominante, le constructivisme.
Oui, le constructivisme sous-estime les élèves en considérant
systématiquement que les programmes sont trop ardus et en allégeant tout ce qui
exige un travail et une pratique assidus. Lorsqu’un élève ne réussit pas, il
médicalise immédiatement le problème : d’où l’apparition de toute une
palette de troubles dys. Une fois que les élèves sont étiquetés dys, ils
intègrent l’idée qu’ils sont différents (ils ont d’ailleurs des traitements à
part au sein de la classe) et ne font que ce que l’on attend d’eux, c’est-à-dire
moins que les autres. Je ne suis pas en train de dire que les troubles dys n’existent
pas, je dis simplement que certains élèves sont abusivement reconnus comme
tels.
Mais il faut aussi considérer la méthode pédagogique : nous
savons maintenant que toutes les méthodes ne se valent pas en termes
d’efficacité et de réussite dans les apprentissages. Le constructivisme, bien
qu’il soit encore officiellement encouragé, ne fait pas partie des méthodes
efficaces : l’expérience le montre (il est utilisé dans la majorité des classes
depuis des décennies avec le succès que l’on connaît - voir dernier classement
PISA), l’a montré, et la recherche l’a prouvé (voir les travaux en sciences
cognitives). Le constructivisme n’est qu’une méthode pédagogique c’est-à-dire
qu’il se centre sur le « comment faire ». Or, il se trouve obligé de
se positionner sur les contenus car quels que soient les programmes, il ne
parvient pas à les faire maîtriser par les élèves. C’est pourquoi dans le
milieu constructiviste, on accuse les programmes de tous les maux : trop
chargés, trop arides ou inutiles. Mais à aucun moment ne survient un
questionnement du type : si nous n’arrivons pas à enseigner tel ou tel
programme, c’est peut-être car nous nous y prenons mal. Non, on persiste à
soutenir que les programmes sont trop difficiles pour les élèves, ce faisant on
sous-estime les élèves. Par contre à aucun moment on ne remet en cause par
exemple, le principe selon lequel il faut entrer dans les apprentissages par la
complexité. Ou que l’enfant apprend
mieux en tâtonnant, grâce aux autres etc… Le constructivisme sous-estime les
élèves, n’a pas pour eux de hautes ambitions préférant les laisser tâtonner
dans leur univers, ne leur donnant pas les moyens ni les attitudes pour comprendre
le monde qui les entoure et faisant d’eux des êtres démunis des connaissances
nécessaires à la constitution d’une pensée et d’un raisonnement.
À côté de cela et plus
largement, il y a dans la société une mentalité éducative qui considère l’enfant
comme un petit prince à qui doivent être épargnés tous les efforts et dont les
besoins et désirs immédiats doivent être assouvis immédiatement, y compris à l’école.
Non, je n’exagère pas. Tout enseignant a connu ce parent d’élève qui vous
reproche de lui en demander trop, d’être trop exigeant, d’exiger des efforts que
l’enfant n’est pas supposé fournir. Ce parent d’élève qui prend sa plume pour
vous demander d’excuser l’élève qui n’a pas appris sa leçon, ou pour vous
demander pourquoi il n’a pas su sa leçon en classe alors qu’à la maison il la
connaissait…Tout cela contribue à empêcher l’enfant d’aller plus loin, de fournir
des efforts, de se surpasser et le
maintient dans ce que Carol
Dweck appelle un état d’esprit statique.
On serait surpris de constater ce à quoi les élèves (tous les
élèves) peuvent parvenir quand ils sont enseignés via des méthodes pédagogiques
efficaces. Pour n’en citer qu’une, l’enseignement explicite, qui a cette
particularité d’avoir de hautes ambitions pour tous les élèves. Qu’est-ce que
cela veut dire ? Non, cela ne veut pas dire enseigner le programme de 6ème
à des élèves de CP. Avoir de hautes ambitions c’est d’abord considérer que tous
les élèves peuvent apprendre, et ce quel que soit leur niveau de départ. C’est
ensuite effectivement partir du niveau où ils se trouvent et non pas d’un
hypothétique niveau où ils seraient censés se trouver. C’est utiliser tous les
moyens pédagogiques efficaces que la recherche met à notre disposition pour
favoriser la compréhension, la mémorisation. C’est prouver aux élèves qu’ils
sont capables de réussir s’ils ont les stratégies (fournies par l’enseignant)
et s’ils fournissent les efforts nécessaires. L’élève qui réussit (et la
plupart le font en enseignement explicite) acquiert une meilleure estime de
soi, a envie d’aller plus loin. Avoir de hautes ambitions, c’est permettre à l’élève
d’aller plus loin vers un but que l’enseignant sait atteignable.
Sous-estimer les élèves part peut-être d’une bonne intention
mais au total, cela obtient un effet pervers. Car l’enfant comprend très vite
ce que l’adulte attend de lui et y répond. Si l’on dit à un enfant : ceci
est trop difficile pour toi, tu n’y parviendras pas, l’enfant intègre
immédiatement la donnée et se comportera de manière adéquate à cette attente.
Il n’apprendra jamais à persévérer, à aller plus loin et s’imaginera au fond,
que ses moyens d’agir sur le monde sont limités.
Il est donc urgent que les adultes, qu’ils soient parents ou
enseignants considèrent les enfants comme potentiellement capables de réussir
des tâches à leur niveau. Il faut bien entendu, en tout cas pour les
enseignants, qu’ils utilisent les bons outils pour enseigner, à savoir des
méthodes dont l’efficacité est avérée et
qu’ils introduisent dans leurs pratiques le mot effort, sans lequel tout
progrès est impossible.
Accuser le constructivisme de l'allégement des programmes, c'est pas mal. Mais bizarrement, il y a aussi des chercheurs instructionnistes qui se sont élevés contre la surcharge des programmes.
RépondreSupprimerOn pourrait notamment citer Alain Lieury, spécialiste français du fonctionnement de la mémoire, qui a notamment travaillé sur l'influence de la mémoire dans les apprentissages scolaire, et notamment sur la structuration de la mémoire sémantique, l'influence des supports pédagogiques, l'usage efficace des indices de récupérations (via son apprentissage multi-épisodique), et d'autres choses encore.