Décidément, il y a beaucoup de mythes relatifs au métier d'enseignant et la pédagogie n'en a pas l'exclusivité. L’actualité nous
renvoie au mythe concernant le statut des fonctionnaires, à savoir
le supposé devoir de réserve des enseignants.
Beaucoup d’enseignants connaissent Jacques Risso, pour son talent de dessinateur et son humour, mais aussi comme directeur de l’école de
Rustrel, connue par beaucoup d’entre nous pour son site de
ressources gratuites fort bien achalandé.
Ce directeur vient d’être suspendu sans vraiment savoir
pourquoi. Officiellement, le motif serait de n’avoir pas su gérer une situation
de harcèlement entre élèves. Ce serait bien le seul directeur au monde à avoir
été suspendu pour une telle raison, un jour de rentrée, qui plus est. Cela
pousse à considérer la raison officieuse de cette mise à l’écart, à savoir les dessins qu’il publie sur son blog et qui
témoignent d’un certain esprit critique à l’égard de l’Education Nationale.
http://jacques.risso.free.fr/allegro/manontroppo.htm |
Qu’est-ce à dire ? La liberté d’expression aurait-elle
été subrepticement abolie pour les enseignants ? La hiérarchie ne serait-elle
pas au courant que le devoir de réserve des fonctionnaires n’a plus cours, comme
l’a bien expliqué Anicet Le Pors dans un article de 2008, toujours d’actualité. Le fonctionnaire a seulement un
devoir de discrétion, relatif à tout ce qui dont il prend connaissance dans son
exercice, que cela émane de particuliers ou concerne des sujets reconnus comme confidentiels par la hiérarchie.
En 1983, la loi a fait du fonctionnaire un citoyen comme les
autres alors qu’il était jusqu’alors un "fonctionnaire sujet". [1]
L’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 le rappelle : « La liberté
d’opinion est garantie aux fonctionnaires. »
Les dessins de Jacques Risso n’outrepassent en rien le devoir
de discrétion : ils s’appuient sur des réalités connues de tous et en
montrent les travers. Ainsi, nous suivons depuis 2004 la bureaucratisation
maladive de l’Education Nationale, la détérioration des conditions d’exercice
du métier de directeur et d’enseignant, l’usine à gaz des projets d’école, le
jargonnage "Ed Nat", les conditions salariales, les réformes diverses,
l’évaluation des enseignants, la formation, et bien sûr la refondation de
l’Ecole.
Il ne reste plus qu’à espérer que les rumeurs circulant sur les véritables causes de cette suspension soient infondées car ce serait le symptôme d’une démocratie en péril et le signe que les fonctionnaires de l’Etat auraient perdu leur statut de citoyen à part entière.
[1] Dans les années 1950, Michel Debré
en donnait cette définition : " Le fonctionnaire est un homme de silence,
il sert, il travaille et il se tait ",
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