L’IFÉ
publie un dossier sur les pratiques efficaces. Cela mérite d’être annoncé à
grand son de trompe. Pour mémoire, les recherches sur la question ont commencé
dans les années 60 et elles sont légion. Mais il n’est jamais trop tard pour
bien faire. À la lecture du dossier constitué par Annie Feyfant, il semblerait
que la véritable question qui se pose, l’introduction (ou non) des données
probantes dans le champ éducatif, soit de fait sous-tendue par celle qui est
livrée en conclusion : « L’efficacité est-elle une finalité légitime en
éducation ? » (Marie Verhoeven). À elle seule, cette question est tout un
programme.
Faut-il
à nouveau rappeler que, pour le commun des mortels, l’efficacité est le rapport
entre les buts que l’on s’est fixés et les résultats obtenus. Pourquoi donc
la notion d’efficacité devrait-elle être écartée du champ éducatif, sauf
à penser que l’école est une espèce d’entité sans but ni objectif spécifique.
Quels que soient les buts qui lui sont assignés – et c’est là la pierre d’achoppement des divers courants
éducatifs – il y a toujours un rapport d’efficacité entre ce à quoi l’on tend
(pour les uns des apprentissages scolaires réussis, pour les autres une bonne
estime de soi, pour d’autres le bien-être personnel, ou la justice sociale, ou encore la création
de liens sociaux…) et les résultats obtenus par les moyens que l’on a choisis.
Alors, avant de contester les conclusions sur les pratiques efficaces et de
nier l’idée que toutes les pratiques ne se valent pas, peut-être faudrait-il
honnêtement réfléchir sur les buts et les missions de l’école ainsi que sur les
moyens les plus appropriés pour les atteindre.
Prenons
un exemple. Une grande majorité de personnes s’accordent pour confier à l’école
la mission de former le citoyen éclairé de demain. Mais les moyens pour ce
faire varient fortement d’un courant à un autre. Ainsi aux États-Unis, dans
les années 70, on s’est imaginé qu’une
bonne estime de soi était suffisante ; on a alors vu apparaître un grand nombre
de méthodes supposées l’inculquer. Avec une efficacité toute relative, comme l’ont
bien montré les travaux de Jean Twenge (Generation Me: Why Today’s Young
Americans Are More Confident, Assertive, Entitled – and More Miserable Than
Ever Before, 2007).
À
l’heure actuelle, ce dossier de l’IFE en est la preuve, les recherches sur les
pratiques efficaces sont de plus en plus connues. Au même moment, apparaît un
discours partagé à la fois par les “pédagogistes” et les “anti-pédagogistes”,
consistant à diaboliser l’efficacité à l’école au prétexte que cela réveille de
vieux démons comme productivité, technicité, bref tout ce que le capitalisme a
de plus horrible, inhumain et abêtissant. Il est facile de brandir de tels
épouvantails en prédisant une abominable école destinée à former des
techniciens serviles et incapables de penser par eux-mêmes. Mais on comprend
aussi que ceux-là redoutent les conclusions des données probantes en matière
d’efficacité : en effet, elles montrent que l’efficacité est liée à des
méthodes bien éloignées des méthodes par découverte comme des méthodes
traditionnelles.
En
résumé, le rapport à l’efficacité des méthodes pédagogiques, mis en exergue par
les données probantes, dérange trop de personnes dans le paysage éducatif
français pour qu’il ait la place qu’il mérite dans les « sciences dites de
l’éducation ». Alors plutôt que de les étudier attentivement et d’essayer d’en
retirer quelque amélioration, on fait ce que l’on fait toujours dans cette
situation, on jette l’anathème, on polémique sur les données statistiques, sur
les indicateurs et autres détails techniques. Et quand, à bout d’arguments fallacieux,
on n’a plus rien à dire, alors on brandit à la population le spectre d’une
école utilitaire… avant de remettre en cause la notion même d’efficacité à
l’école. La pirouette est éculée : plus d’efficacité, plus de thermomètre, plus
de maladie. Malheureusement, combien se sont déjà laissés berner par ce type de
discours, et combien le seront encore ?
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