Mon attention a
récemment été attirée par cette phrase, lue dans le rapport de l’IGEN des
inspecteurs généraux Bouysse et Pétreault, relatif à l’arrêt des
expérimentations PARLER et ROLL.
« Les outils ne font pas une pratique, à
eux seuls »
La place des outils en
pédagogie est une question très importante, à laquelle j’ai eu l’occasion de
réfléchir, en partie en m’appuyant sur mes propres expériences et sur celles
d’autres enseignants par la voie associative.
L’outil, y compris en
pédagogie, est un instrument au service d’une pratique. Ce principe est d’une
grande logique et d’une imparable simplicité. Pour utiliser l’outil
convenablement, on doit savoir quel est son usage, ce à quoi il est le mieux
adapté, puis on doit en apprendre le maniement.
Pour utiliser au mieux
une pratique pédagogique, il faut en connaître les tenants et les aboutissants.
Ainsi, les outils qui lui sont associés seront optimisés, l’enseignant gagnera
en autonomie et pourra consacrer son énergie à inter réagir au mieux avec les
élèves. Par exemple, si je sais que la mémoire de travail est limitée en temps
et en contenu, je saurai pourquoi, en enseignement explicite par exemple, on
veille à ne pas introduire beaucoup de notions nouvelles en même temps. De la
même manière, on évitera de proposer des activités à forte charge cognitive
inutile (surcharge produite lorsque l’on utilise des ressources cognitives sans
rapport direct avec l’objectif d’apprentissage). Les exemples sont légion.
L’outil, c’est-à-dire
dans le cas qui nous occupe, la procédure, ne doit pas être un carcan, quelque
chose que l’on utiliserait à la lettre sans trop savoir pourquoi, mais le moyen
d’aboutir à une pratique plus fluide et entièrement raisonnée. L’outil doit
libérer l’enseignant et non l’enchaîner.
Cela étant, la question
de l’outil en pédagogie, au sens d’une procédure décrite avec précision, pose
un problème à la fois de crédibilité mais aussi d’attentes excessives.
La culture pédagogique
française, de nature constructiviste, croit que l’enfant doit construire
lui-même ses propres savoirs par le biais de situations de découverte ;
néanmoins elle ne donne à l’enseignant aucun outil pour ce faire. J’ai encore
ces paroles en tête lors d’une animation pédagogique : « Posez toutes
les questions que vous voulez, mais nous ne sommes pas là pour apporter des
réponses ». Tout ce qui relève de
procédures pédagogiques structurées, décrites avec précision est censé abêtir
les élèves, en faire des automates serviles, contribuant ainsi à la fameuse mécanisation
des savoirs. Croyance qui vaut aussi pour la critique de la pratique(le drill and kill des anglo-saxons), de la
mémorisation etc. Par conséquent on comprendra mieux que lorsque l’on propose
des outils, et des procédures précises, cela soit discrédité. Les
constructivistes appliquent à l’enseignement leur théorie : l’enseignant
doit lui-même élaborer ses propres savoirs pédagogiques et ses propres outils.
Preuve en est le discrédit porté à l’utilisation des manuels pour ne donner
qu’un exemple.
D’un autre côté, dans
la réalité du terrain, il y a la masse des enseignants dont les plus jeunes (et
les moins jeunes également) se retrouvent complètement démunis. Eux sont
demandeurs de procédures. Il n’est pour s’en persuader qu’à se promener sur
Internet qui regorge de sites d’enseignants en recherche de solutions et de
recettes. Il y a là un véritable et profond
besoin d’information. Et il est regrettable que toutes ces personnes en soient
réduites à chercher par leurs propres moyens, à échanger des recettes et autres
astuces plus ou moins expérimentées dans les classes. Tout cela car la
formation aussi bien initiale que continue ne leur a pas fourni les
outils. C’est alors que se pose
véritablement la question : peut-on entrer dans une méthode par la
pratique ?
Ayant en mémoire l’enseignement
explicite que je connais bien, je ne suis pas sûre que l’enseignant qui le choisit
sans connaître le pourquoi et le comment de la méthode, soit capable de
l’appliquer au mieux. Pourra-t-il inter agir avec les élèves de manière
appropriée ? [1]L’expérience
m’a montré que nombre d’enseignants sont dans l’urgence et veulent des
procédures qui marchent tout de suite et se soucient peu de la raison de leur
efficacité. A leur décharge, ils ont été saturés de discours théoriques sans
aucune prise avec la réalité lors de leur formation initiale et font une
allergie à tout type de discours un peu abstrait. La plupart des enseignants
sont rétifs à cette approche.
[1] Par exemple, quelle sorte de pratique sera celle
de cette enseignante qui voulait adapter les situations de découverte à l’enseignement
explicite ? Ou de telle autre qui considérait que la Main à la pâte relevait de l’enseignement
explicite ?
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