«
Plusieurs ténors de l’enseignement
explicite parlent de modelage comme si les élèves/apprenants étaient de la pâte
à modeler. Ils ne voient plus ces derniers comme les anciens qui, eux,
croyaient que leurs disciples n’étaient que des vases à remplir mais ils les
voient, ce qui est ma foi plus terrifiant, comme des vases à sculpter. Les
élèves/apprenants ne sont pas plus à remplir, puisqu’il ont déjà un contenu
expérienciel (décuplé lorsqu’on les place en situation de réseautage) qu’ils ne
sont à sculpter, puisqu’ils ont déjà une forme en chacun d’eux. Toute
abstraction de ces faits mène à l’affrontement entre « celui-qui-sait » et
celui qui « sent-qu’on-ne-tient-pas-compte-de-ce-qu’il-sait/est ».
Comment
peut-on honnêtement débattre de pédagogie quand la partie qui critique n’a
absolument rien compris aux propos de ses adversaires, et se cantonne à une
lecture superficielle et orientée des arguments proposés. Le côté répétitif est
un peu lassant.
En
voici encore un bel exemple, trouvé sur un blog canadien. Il est affligeant de
constater que ceux qui pratiquent de tels procès d’intention se disent
spécialistes de la question et du haut de leur suffisance n’hésitent pas à dire
le vrai et le faux en pédagogie.
Car,
affirmer que les défenseurs de l’Enseignement Explicite parlent de modelage car
ils considèrent les élèves comme de la pâte à modeler, révèle une ignorance
crasse ou alors une mauvaise foi toute aussi inquiétante.
Le
terme modelage, utilisé à l’origine par les Canadiens est une traduction de
l’anglais modeling. To model : verbe transitif,
synonyme de to demonstrate signifiant montrer, présenter. Exemple : The teacher
modeled the words on the white board. Cette
phrase n’a aucune connotation pédagogique, le verbe indique que le professeur a
présenté les mots au tableau. En bref, il signifie expliquer. Par exemple,
lorsque j’explique comment trouver un verbe conjugué dans une phrase, en
donnant des exemples, des contre-exemples, en vérifiant la compréhension de
tous, je fais du modelage. Pour autant, je ne m’érige pas en modèle personnel,
pour autant, je ne façonne pas l’esprit sans défense de l’élève.
Mais,
une fois de plus, résumons ce qu’est le modelage. Chacun pourra ainsi juger de
la pertinence de la comparaison avec la pâte à modeler, sauf à penser que toute
forme d’apprentissage est un formatage de l’esprit. Dans une leçon explicite,
le modelage est le moment où l’on présente et explique la leçon, on donne des
exemples, des contre-exemples, on raisonne à haute voix pour expliquer le
cheminement, on vérifie la compréhension. Cette dernière est au centre de la
démarche. Par conséquent, il ne s’agit en aucune manière de faire entrer
l’esprit de l’élève dans un moule ni le sculpter mais au contraire de lui
donner tous les éléments qui vont permettre la compréhension et le rendre ainsi
plus autonome dans ses apprentissages et dans sa vie future. Le modelage n’est
rien d’autre qu’une démonstration explicite. Pas de quoi être terrifié !
Ceux
qui ont à cœur de critiquer l’Enseignement Explicite devraient d’abord le
connaître parfaitement (on combat toujours mieux ce que l’on connaît bien) et
savoir précisément ce que recouvre la terminologie qui pourtant a été décrite
abondamment.
Mais,
puisqu’il est question de modelage/formatage, voyons un peu ce qu’il en est du
côté constructiviste. Quand on s’évertue, comme c’est une pratique courante
dans cette mouvance pédagogique, à inculquer « l’esprit critique », sans
fournir aux élèves les contenus leur permettant de le faire, là, on peut
véritablement parler de formatage et de façonnage des esprits. Sur ce sujet on
lira avec profit : Pourquoi la pensée critique est-elle si difficile à
enseigner ? de D. Willingham, ainsi que le point de vue d'E.D. Hirsch.
Inévitablement,
la diatribe se termine sur la sempiternelle conclusion d’une pédagogie
frontale, autrement dit l’inévitable affrontement entre l’enseignant et ses
élèves apprenants : en effet un tel enseignant ne peut que mépriser les savoirs
déjà acquis de ses élèves. Par quelle néfaste alchimie ? Mystère. Mais que
celui qui a des oreilles entende. Pour une mise au point terminologique,
comprenant l’expression Pédagogie frontale, voir cet article.
Le
billet de ce blog est certes anecdotique, mais tout de même révélateur de
l’impossibilité renouvelée d’un débat pédagogique autre que celui qui se tient
dans le registre du procès d’intention et de la mauvaise foi.
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