Parmi elles, il en est une consistant à croire que
l’enseignement actuel est centré sur le professeur. Ce serait la raison des
mauvais résultats des élèves. Je ne connais pas l’histoire de cette expression “centré
sur l’enseignant” mais en tout cas son auteur peut se réjouir du succès de
sa création. Combien de fois ne nous a-t-on pas expliqué que l’enseignement
actuel avait de mauvais résultats car trop “centré sur l’enseignant”…
Que signifie “centré sur l’enseignant” ? S’agit-il
d’une façon de faire mettant en vedette le professeur, faisant de lui l’élément
indispensable de l’acte d’enseigner ? S’agit-il de vénérer un personnage
omnipotent inculquant « la » vérité du haut de ses
connaissances ? S’agit-il d’un gourou entouré d’adeptes plus ou moins
décérébrés le suivant aveuglément ? En fait, il y a un peu de tout cela.
L’expression a une forte connotation négative, sans que l’on sache vraiment
pourquoi. Chacun a maintenant intégré l’idée qu’un enseignement centré sur
l’enseignant était une mauvaise chose. Et l’on ne prend même plus la peine de
dire pourquoi ni comment.
Autant la discussion entre courants pédagogiques
pourrait être fructueuse, autant ce genre d’anathème dépourvu de toute
explication me semble dangereux. En corollaire de cette expression, il y a
l’expression symétrique “enseignement centré sur l’enfant” ou puéro-centré.
Tout autant dépourvue de sens précis. Vu que toute forme d’enseignement a pour
but d’instruire les enfants, comment pourraient-ils ne pas être au centre des
préoccupations du pédagogue ? De la même manière que tout enseignement
ayant besoin d’un professeur, il se trouve par conséquent au cœur de la
mission qui lui est confiée.
Cette maladroite, pour ne pas dire malhonnête,
antinomie n’a pas lieu d’être. En lieu et place on devrait plutôt opposer un
enseignement transmissif direct à un enseignement non transmissif. Car c’est
vraiment là que se situe la différence entre partisans et praticiens de
l’enseignement direct et transmissif et défenseurs du constructivisme. Les
premiers savent qu’un enseignement direct et explicite porte ses fruits et
revendiquent cette méthode pour plus d’efficacité ; ils s’appuient sur des
résultats avérés dans les classes ainsi que sur la recherche pédagogique et neuro-cognitive
et sur des expérimentations à large échelle. Les autres, partisans du
constructivisme, pensent que les méthodes de découverte basées sur des
situations problèmes sont le meilleur outil pour les apprentissages.
Malheureusement, ils ne s’appuient sur aucune étude de grande ampleur ni sur
aucune recherche neuro-cognitive pour confirmer leur hypothèse. Bien au
contraire, la recherche montre que les approches peu guidées sont dommageables
pour les élèves et en particulier pour les plus faibles d’entre eux.
Un autre poncif tout aussi erroné que le précédent
consiste à penser que le modèle transmissif direct forme des élèves passifs.
Pourquoi ? Tout simplement parce que dans cette approche pédagogique, à un
moment donné, les élèves doivent écouter les explications ; par
conséquent, ils doivent être attentifs. Dans l’esprit constructiviste, on croit
qu’un élève attentif est un élève passif. On confond classe agitée et classe
active. Prenons un exemple en enseignement explicite : lors du modelage
(phase dans laquelle l’enseignant explique, « met un haut-parleur sur sa
pensée », montre et questionne) l’élève est sollicité, non sur un plan
physique, mais sur un plan cognitif : il suit les explications et répond
aux nombreuses questions spécialement conçues pour vérifier sa compréhension. À
aucun moment, il ne peut se retirer cognitivement de la classe pour dormir ou
rêvasser à autre chose. En aucune manière, l’enseignement explicite n’est un
enseignement magistral comme on peut le voir dans les universités ou dans
l’enseignement traditionnel que certains voudraient aujourd’hui ressusciter en
primaire. Bien au contraire, la passivité des élèves est une conséquence du
constructivisme, qui, en les confrontant directement à la complexité sans
qu’ils n’aient les moyens de la résoudre, laisse énormément d’élèves sur le
côté et leur donne le dégoût des matières scolaires. Quand un élève se trouve
devant des situations trop difficiles pour lui, il baisse vite les bras,
s’enracine dans une paresse mentale et prend en grippe toute activité scolaire.
Ces deux exemples montrent à quel point la
réflexion sur l’enseignement manque de profondeur et préfère les anathèmes aux
argumentations. Cela dure depuis plusieurs décennies sans que rien ne change,
les ministères se succèdent inlassablement et aucune voix ne s’élève pour
redonner un peu de bon sens pour ne pas dire d’intelligence à la réflexion
éducative. L’avenir reste sombre.
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