Isak Skogstad m’a
permis de traduire la conversation qu’il a eue récemment avec le
psychologue cognitiviste Paul A. Kirschner ; c’est la version longue d’un
article paru dans le journal suédois Skolvärlden.
✽
Un vieillard
grincheux. C’est ainsi qu’il se définit lui-même. Mais vous le connaissez sous
le nom de Paul Kirschner. C’est l’un des chercheurs les plus influents dans le
domaine de la psychologie de l’apprentissage. Aujourd’hui, il enseigne à l’Open
University of the Netherlands. Bien que pratiquement inconnu de la plupart de
mes lecteurs suédois, le livre qu’il a co-signé, Urban Myths about Learning and Education a été récemment traduit en suédois.
Les mythes
et légendes urbaines récurrents dans le domaine éducatif font partie des
chevaux de bataille de Kirschner. C’est aussi pour cela que j’ai eu la chance
de le rencontrer, lors de sa venue en Suède pour une communication
sur les
compétences du 21ème siècle, dans le cadre de la Conférence
ResearchEd.
Je l’ai
rencontré dans la bibliothèque du Royal Institute of Technology pour un
entretien. Celui-ci fut publié d’abord dans le journal suédois Skolvärden, mais
dans une version courte en suédois. Vous pouvez le trouver ici : Our brains have not changed for ten thousand years.
Depuis, il y
a au moins une personne aussi intéressée que moi pour en savoir plus sur
Kirschner et ses idées sur l’éducation, la psychologie et l’enseignement et
j’ai décidé de traduite la version longue de l’entretien et de la publier ici.
Bonne lecture !
✽
Professeur Kirschner, pourquoi vous
présentez-vous comme un « vieux grincheux » ?
Je ne crois
pas la plupart de ce que je lis et je suis très sceptique quant aux modes et à
l’hyper médiatisation. La seule chose que j’accepte comme ‘vraie’ est ce qui
est confirmé par une recherche de haute qualité. Cela signifie par exemple,
qu’à propos des compétences du 21ème siècle, je suis celui qui dit
« Arrêtons là et apportons des
preuves ! ». Alors, je suis catalogué comme un vieux grincheux.
Mais c’est un titre que je porte avec fierté.
En tant que vieux grincheux, l’été
dernier vous avez twitté : « De quelle quantité supplémentaire de
données probantes avons-nous besoin pour que cesse la folie de l’apprentissage
par découverte constructiviste et que nous revenions à un enseignement conduit
par le professeur, qui lui, est réellement efficace ? » Qu’est-ce qui
est mauvais dans le fait de laisser les élèves découvrir leurs savoirs ?
C’est de la
folie, à partir du moment où il n’existe aucune preuve montrant que laisser les
élèves découvrir eux-mêmes ce dont ils ont besoin, fonctionne. Les seules
études montrant un effet positif de telles pratiques, sont quand les élèves,
paradoxalement, reçoivent beaucoup d’instruction pendant ou, encore mieux, avant
la recherche. C’est ce que j’appelle des méthodes traditionnelles conduites par
l’enseignant.
Il est
stupéfiant que les méthodes qui ont à maintes reprises prouvé leur inefficacité
soient toujours utilisées. La pédagogie constructiviste, malheureusement, est
comme un zombie qui refuse de mourir. Elle ressuscite encore et encore sous
différentes formes, comme « l’apprentissage innovant » ou
« l’apprentissage basé sur l’expérience ».
Dans l’un de vos articles les plus cités, vous soutenez que
les méthodes d’enseignement dans lesquelles l’enseignant s’efface et laisse les
élèves chercher et construire leurs savoirs, sont vouées à l’échec, car elles
ignorent les connaissances sur la manière de fonctionner du cerveau. Même si
cela est raisonnable, est-ce que l’on pourrait penser que l’importance du
guidage de l’enseignant doit faiblir quand les élèves grandissent et deviennent
plus instruits ?
Dans mon
domaine, nous distinguons la manière dont apprennent les novices et celle dont
apprennent les experts. Les méthodes efficaces pour les uns souvent, ne
fonctionnent pas pour les autres. Les élèves novices, indépendamment de leur
âge, ont besoin de beaucoup de consignes, alors que les experts peuvent s’en
passer. Devenir expert nécessite des connaissances et beaucoup de pratique,
afin qu’il y ait automatisation et installation dans la mémoire à long terme.
Prenons mon
cas par exemple. Je suis un expert dans un domaine particulier, celui de la
psychologie de l’éducation. Dans les autres domaines, mes opinions valent celles
de n’importe qui. Dans domaine autre que le mien, je profiterai plus d’un bon
enseignement que d’une découverte faite par moi-même.
En Suède, nous avons constaté un
déclin de l’enseignement traditionnel pendant les dernières décennies. Beaucoup
disent qu’une pédagogie plus moderne est bonne, quand l’éducation se développe.
Pensez-vous qu’un enseignement conduit par l’enseignant transmettant des
consignes, serait approprié en 2019 ?
Oui.
Pourquoi ? Parce que les élèves apprennent plus par ce biais. Le but de
l’école est d’enseigner aux élèves. S’il y a des méthodes ou des stratégies
d’enseignement dont nous savons qu’elles conduisent à de meilleurs résultats et
qu’elles renforcent l’estime de soi des élèves (Oui, je sais faire cela !),
alors les écoles devraient les utiliser.
Encore plus
de constructivisme pédagogique signifie que les élèves auront besoin de plus de
temps pour résoudre les problèmes, et apprendre à les résoudre ; ils commettront
plus d’erreurs et se sentiront beaucoup plus frustrés. A la fin, ils apprendront
moins. Alors, pourquoi les utiliser ?
On critique parfois l’enseignement
transmissif et on le traite avec mépris d’enseignement magistral.
C’est un
argument spécieux. Enseigner magistralement depuis une chaire est une méthode. Ce
matin, j’ai fait une communication par cette méthode. Pourquoi ? J’ai
communiqué sur un sujet inconnu de mon auditoire. Cela fonctionne très bien.
C’est la manière la plus efficace d’utiliser les 40 minutes qui me sont
imparties. C’est aussi simple que cela.
Mais quand
je parle d’enseignement clair conduit par l’enseignant, je me réfère à un
enseignement direct, et il ne s’agit pas juste de se trouver face à une classe
et à répéter. C’est beaucoup plus que cela. Lisez ce que dit Barak Rosenshine
sur les principes les plus importants de l’enseignement. Par exemple, commencer chaque leçon avec une
petite révision, introduire les nouveautés pas à pas, faire pratiquer avec un
fort guidage au début, puis tout seuls, tester souvent les acquisitions afin de
savoir ce que les élèves ont retenu et non uniquement pour les évaluer.
Mais nous vivons dans une ère
digitale, nous pouvons rechercher des informations, faire des traductions grâce
aux téléphones que nous avons dans nos poches, est-ce que les écoles ne
devraient pas se concentrer sur autre chose que des connaissances
traditionnelles ?
Oui, nous
sommes dans une ère digitale, mais nos cerveaux n’ont pas changé en 10 000
ans. Nous le savons d’après les études anthropologiques de crânes anciens.
Parce que nos fonctions cognitives sont les mêmes ; honnêtement, je ne
comprends pas pourquoi nous devrions faire différemment, au prétexte que nous
vivons dans une « époque nouvelle ».
Nous savons
aussi qu’il y a des connaissances évolutives primaires et des connaissances
évolutives secondaires. Les premières sont ce dont nous avons besoin pour
survivre en tant qu’espèce. Sur le plan de l’évolution, cela se traduit par la
façon dont nous pensons et nous développons. Nous apprenons cela pratiquement
automatiquement sans enseignement, ce sont des choses comme par exemple notre
capacité à reconnaître notre mère, à communiquer entre nous et ainsi à acquérir
notre langue. Les connaissances secondaires sont culturelles, comme apprendre à
lire et à écrire ou à utiliser les mathématiques. C’est pourquoi, pour
celles-ci, nous avons besoin d’enseignement et d’école.
Le seul
problème est que beaucoup semblent croire que puisque nous avons appris à
parler (ce qui est une connaissance évolutive primaire), en jouant, alors nous
pouvons apprendre à écrire, à compter et à parler d’autres langues de la même
manière. Mais ce sont là des connaissances évolutives secondaires qui
nécessitent un enseignement et des écoles afin d’être apprises.
Le reste de la société a changé à
vive allure. Regardons simplement les soins médicaux, il n’est pas possible de
comparer les hôpitaux du 19ème siècle à ceux d’aujourd’hui. En même
temps, de nombreuses classes et manières d’enseigner ressemblent à celles de
cette époque. Est-ce que les écoles ne devraient pas changer davantage ?
Pourquoi ?
Beaucoup exagèrent le changement de la société, en particulier aujourd’hui. En
fait, la société a plus changé entre 1900 et 1930, les gens sont passés des
bougies pour s’éclairer aux ampoules électriques, du télégraphe au téléphone,
des instruments de musique réels au phonographe et à la radio, des chevaux aux
voitures. Nous avons aussi appris à voler dans des avions, ceci dans ces 30
années.
Comparons
cela aux développements entre 1990 et 2020. Qu’avons-nous vu de nouveau ?
Bien, les ordinateurs sont plus petits. Aucun changement radical ne s’est
opéré, même des économistes qualifiés l’ont remarqué. Nous allons toujours à
l’hôpital pour y être opéré, même si les instruments utilisés par les
chirurgiens ont été améliorés.
Cependant, avons-nous vraiment besoin
d’envoyer les enfants dans une école située à plusieurs kilomètres tous les
jours, s’ils ont accès à Internet sur leurs téléphones mobiles ?
Alors,
permettez-moi de vous poser une question. Si vous lisez quelque chose sur
Internet, sur un sujet que vous ne connaissez pas, comment allez-vous l’interpréter
et évaluer si la source est crédible ou pas ? Pensez-vous que vous serez
capable de résoudre un problème en physique quantique avec une heure et demie
de téléphone ? Bonne chance, les réponses sont ici ! Allez-y !
Merci pour la proposition ! Je
comprends que j’aurai besoin de plus d’enseignement pour y parvenir, mais est-ce
que j’ai vraiment besoin d’un professeur pour cela, alors qu’il y a en ligne, de
nombreux cours et leçons ?
Oui, et
alors ? Si vous pensez qu’il suffit de mettre quelque chose dans un bocal,
vous sous-estimez l’importance d’un bon enseignant, qui est capable de
transmettre à ses élèves.
Regardez ce
que John Hattie a montré, c’est unique chez les enseignants experts. Ils ont
une connaissance conceptuelle profonde du sujet et en même temps ils ont une
connaissance conceptuelle approfondie et des habiletés didactiques et d’enseignement.
Un bon apprentissage nécessite de bons enseignants qui savent s’adapter à leurs
élèves. Vous ne pouvez pas faire cela en envoyant des cours sur You Tube.
Les questions relatives aux devoirs à
la maison dans l’école suédoise sont un débat qui est parfois très intense.
Beaucoup s’interrogent sur leur utilité. Y a-t-il une raison à l’utilisation
des devoirs ?
Oui, bien
sûr. Il existe une chose appelée la pratique de récupération. Il s’agit de revisiter
ce que nous avons appris précédemment, ce qui renforce le maintien en mémoire ;
cela nous aide à lutter contre l’oubli. Les devoirs à la maison et les
interrogations sont des outils incroyables pour cela.
Par des
tests réguliers, nous pouvons inverser la courbe de l’oubli. C’est une théorie
montrant que nous oublions ce que nous avons appris rapidement si nous ne
revisitons pas la connaissance rapidement et de manière répétée.
Hattie déclare que les devoirs à la
maison fonctionnent, mais que l’effet positif n’est pas particulièrement
important pour les jeunes élèves. Beaucoup aussi disent que les devoirs à la
maison contribuent à accentuer les inégalités scolaires.
C’est
probablement parce que les élèves ont trop de devoirs à faire ou parce que les
enseignants ne tirent rien des devoirs faits par les élèves. Les devoirs ne
sont pas efficaces si vous, en tant que professeur, n’en faites rien. Ils ne devraient pas simplement être validés.
Si on utilise les devoirs pour fournir une rétroaction ou si on les teste avec
un quiz, alors les devoirs sont efficaces.
L’inégalité
peut être accentuée si l’on n’utilise pas les devoirs correctement. Si vous
donnez des devoirs et ne les regardez même pas quand ils vous retournent, il
est clair que les enfants ayant des parents impliqués dans leur éducation
auront de meilleurs résultats. Mais il n’y a aucune raison pour ne pas donner
de devoirs. Si vous n’en donnez pas, les élèves issus de milieux
socio-économiquement favorisés sont légèrement, si ce n’est complètement,
désavantagés, alors que les élèves désavantagés ont alors de réels
problèmes !
Qu’est-ce qui caractérise un
enseignant expert ?
Il est
important de remarquer que vous pouvez être un enseignant expérimenté et ne pas
être un expert de l’enseignement. Un enseignant expert a une connaissance
conceptuelle profonde de son sujet comme de son aptitude pédagogique à
atteindre ses élèves.
Pour
atteindre l’expertise pédagogique, il est crucial d’avoir une bonne
connaissance de la psychologie éducative et d’apprentissage et de savoir
comment se font les apprentissages dans le cerveau humain. La connaissance de
notre cognition devrait être la partie la plus importante dans la formation à
l’enseignement.
La formation à l’enseignement est
parfois critiquée en raison d’un focus trop important sur les théories
pédagogiques et peu de chose sur la psychologie. Est-ce un problème ?
Si à la fin
de votre formation d’enseignant, vous connaissez comme seuls principes ceux de
Vygotsky et de Piaget, alors vous n’avez aucune idée de ce que signifie
enseigner. Vous êtes un pédagogue et non un enseignant. Malheureusement, la qualité de la formation
aux Pays-Bas est très basse. La formation est trop courte, le niveau des
étudiants est très bas et le contenu trop limité.
Les élèves
enseignants n’ont jamais entendu parler des théories cognitives ou des
stratégies pour un apprentissage efficace. Par exemple, ils ignorent la théorie
de la charge cognitive, ou tout ce qui relatif au fonctionnement des processus
de la mémoire et la manière dont l’apprentissage opère, choses extrêmement
importantes. Très souvent aussi, ils n’ont pas de connaissance approfondie des
sujets qu’ils vont enseigner.
La théorie de la charge cognitive peut
être rapidement résumée par le fait que nous les humains, avons deux processus
de mémoire : la mémoire de travail et la mémoire à long terme. C’est dans
la première que la pensée opère mais en même temps, elle est étroitement
limitée. Dans la mémoire à long terme, nous stockons tout ce que nous savons,
et ce que nous en retirons ne vient pas encombrer la mémoire de travail. Ainsi,
il est important de posséder beaucoup de connaissances en mémoire à long terme
car cela économise une place précieuse dans la mémoire de travail. Si la
mémoire de travail est surchargée, l’apprentissage est bloqué. Les critiques
déclarent que c’est juste une théorie parmi d’autres. Est-ce que la théorie de
la charge cognitive est vraiment une base importante comme vous le dites ?
Les seuls
qui pensent que la théorie de la charge cognitive est controversée sont les
constructivistes. Mais bien sûr, c’est juste une théorie, tout comme l’était la
théorie de la gravité de Newton. La théorie de la charge cognitive nous dit
comment notre architecture cognitive affecte notre façon d’apprendre et comment
cela interagit avec l’enseignement. Il y a peut-être deux mille articles
scientifiques montrant comment la théorie se tient. Peu importe le moyen, nous
pouvons dire qu’elle n’a pas été réfutée. Bien sûr, il y a d’autres théories.
La théorie
de la charge cognitive peut nous conduire à prendre des décisions plus sages
relativement aux méthodes d’enseignement, afin d’éviter la surcharge de la
mémoire de travail des élèves. C’est le véritable intérêt. Cette théorie est
considérée comme la seule plus importante que les enseignants devraient
connaître.
La théorie des constructivistes d’un autre
côté, est un oxymore, car le contructivisme est une philosophie et non une
théorie d’apprentissage ou d’eneignement ! Le constructivisme est une
philosophie parlant de la manière dont nous interprétons et voyons le monde qui
nous entoure. Cela signifie que vous et moi interprétons le monde différemment
car nous avons des points de vue différents selon ce que nous savons et nos
expériences précédentes. Bien sûr, c’est une chose que nous ne pouvons pas
réfuter. Mais ce n’est pas une théorie d’apprentissage et encore moins d’enseignement !
En Suède, le débat autour du
curriculum est très intense depuis quelques années. Le curriculum a des
demandes élevées sur les élèves relativement jeunes dans des habiletés comme le
raisonnement, l’analyse et l’étude de sujets complexes. Quel est votre point de
vue sur la question ?
C’est
absurde ! On ne peut rien faire sans sujet d’étude. On ne peut pas
raisonner sans connaître le sujet parfaitement. Il n’y a rien de pire que les
« habiletés générales », il n’est pas possible d’analyser quoi que ce
soit sans connaître un tant soi peu le sujet. C’est impossible, de la même
manière qu’il serait impossible à un footballeur d’être un professionnel s’il
était incapable d’avoir le contrôle de base du ballon.
Les
enseignants devraient toujours, à tous les niveaux, se concentrer sur les
connaissances factuelles et procédurales (savoir quoi faire et dans quel
ordre). Les enfants ne sont pas de petits adultes, ils pensent différemment. Au
fur et à mesure qu’ils acquièrent des connaissances, ils peuvent alors
éventuellement comprendre et gérer la pensée abstraite. La construction d’une
maison commence par les fondations.
En même temps, certains soutiennent
qu’il est important pour l’école d’enseigner la créativité et le leadership ?
Vous ne
pouvez pas enseigner à être créatif. C’est un trait de caractère. Ces traits
peuvent être stimulés ou inhibés en fonction de l’environnement. Vous pouvez
créer un environnement facilitant la créativité ou la flexibilité ou le
leadership mais vous ne pouvez pas l’enseigner. La connaissance du sujet
stimule la créativité dans la recherche de solutions utiles. Vous ne pouvez pas
faire cela si vous n’avez pas une bonne connaissance du sujet.
On dit que les élèves d’aujourd’hui
sont des digital natives (natifs
numériques) – ils ont grandi avec des smartphones et sont en conséquence doués
en technologie.
La recherche
a montré que les digital natives
n’existent pas. On peut penser que les jeunes d’aujourd’hui sont bons en
communication et en collaboration parce qu’ils utilisent tout le temps Snapchat
ou Instagram ou Whatsapp, mais le fait est que le domaine dans lequel ils sont
bons est de copier les réponses des autres, et non d’acquérir ou de partager
des connaissances.
L’école suédoise est l’une des plus
connectées parmi les pays de l’OCDE. Actuellement, le gouvernement a mis en
œuvre une stratégie pour accélérer la digitalisation des écoles, par exemple en
imposant à toutes les écoles d’acheter des ordinateurs pour tous les élèves.
Cela coûtera plusieurs billions de couronnes. Est-ce une bonne idée ?
Un
ordinateur est un outil. Utilisé correctement il peut aider, mais utilisé
incorrectement il peut causer des problèmes. Ce qui est mauvais, c’est de
croire que vous enseignerez mieux avec un ordinateur.
La recherche
a montré que 50-70% des élèves qui ont leur tablette en fonctionnement pendant
la classe, font autre chose qu’étudier ou écouter. Et même si votre tablette est
éteinte, 40% des élèves disent qu’ils sont partiellement ou grandement
distraits si d’autres élèves utilisent des écrans à proximité. Les élèves,
apprennent nettement mieux s’ils prennent des notes à la main, plutôt que sur
ordinateur parce qu’ils écrivent plus lentement qu’ils ne tapent ; ils ont
alors le temps pour digérer ce qu’ils entendent (paraphraser, résumer,
souligner …). Aussi, tout ce qui les distrait signifie moins d’attention
consacrée à ce qui est enseigné et la plupart des enfants ont aussi des
applications ouvertes quand ils travaillent sur ordinateur, ce qui les
distrait.
Si j’avais
plusieurs billions à dépenser et si je pouvais choisir soit d’acheter des
ordinateurs ou former des enseignants en psychologie cognitive et à la façon
dont nous apprenons, je sais quel choix je ferais. C’est parce que je sais que
de meilleurs enseignants conduisent à plus d’apprentissages réussis et je sais
que plus d’ordinateurs n’y conduisent pas.
Les études internationales ont montré
que les écoles suédoises ont des problèmes majeurs avec l’absentéisme et des
éléments perturbateurs pendant les leçons. Beaucoup d’élèves se disent
perturbés une fois sur deux. D’autres disent que ce n’est pas un problème car
un environnement animé promeut la créativité. Avez-vous un commentaire sur
cela ?
Non,
l’attention est très importante. C’est si simple. Cela ne veut pas dire que tout
le monde doit être silencieux comme une souris, mais la première priorité de
tous les enseignants devrait être de s’assurer que tous les élèves concentrent
leur attention sur ce qui est enseigné. Tout ce qui amenuise l’attention
affecte négativement l’apprentissage. Si vous restez et regardez les nouvelles
et que quelqu’un entre et vous pose une question, et que cela dure 30 secondes,
alors vous avez manqué 30 secondes des nouvelles. Alors vous avez moins appris
de ce qui est arrivé. C’est aussi simple que cela.