Le système chiffré de notation
des élèves est accusé d’accentuer l’échec scolaire. Voilà une phrase qui fait
maintenant partie des poncifs. Elle suppose que donner des notes chiffrées
ferait diminuer le niveau scolaire des élèves, paralysés par la peur d’un
funeste zéro, laquelle les pousserait même à s’abstenir de répondre.
L’argument aurait pu faire illusion un siècle auparavant, quand les enseignants
conduisaient encore leurs classes à la férule, au sens propre. Mais quiconque
connaît les élèves aujourd’hui ne peut que douter.
Donc, on reproche à l’évaluation
chiffrée de décourager, d’être malveillante et de pointer les erreurs. Notre
ministre a même eu une phrase historique en voulant illustrer d’un exemple l’idée
que l’évaluation doit être bienveillante et stimuler au lieu de décourager :
« Un écolier qui éprouve des difficultés en grammaire et en syntaxe obtiendra
un zéro en dictée. S'il a progressé en syntaxe, mais qu'il fait trop de fautes
en grammaire, il aura toujours un zéro. » Pour la petite histoire, notre
ministre de l’éducation de toute évidence, ne sait pas ce qu’est la grammaire,
ni la syntaxe et encore moins l’orthographe !
Les notes chiffrées n’accentuent
en rien l’état des lieux mais révèlent une réalité, un niveau scolaire. Elles
pointent les lacunes des méthodes utilisées pour enseigner et plus largement
celles du système éducatif dans son ensemble, plus qu’elles n’humilient les
élèves. C’est exactement comme si, devant une radiographie montrant une
fracture, on accusait le cliché d’être à l’origine du mal. Les propositions
faites pour pallier ce soi-disant problème consistent, depuis plusieurs années,
à édulcorer les évaluations, à bannir les notes chiffrées au profit
d’appréciations supposées moins violentes du type Acquis, En cours
d’acquisition etc… C’est ainsi qu’on nous propose aujourd’hui de corriger les
dictées en passant les erreurs sous silence et en soulignant en vert les mots
correctement orthographiés. Comme si le fait de souligner en rouge les mots mal
orthographiés n’avait pour autre but que celui de stigmatiser l’élève. Si le
but de la dictée, entre autres, est de s’entraîner à l’orthographe, il doit
permettre à l’élève de travailler sur ses erreurs afin de ne plus les commettre
à l’avenir. Si on occulte les erreurs, où est l’intérêt de l’exercice ? Donnons
un exemple : que va faire un patineur qui réussit ses pirouettes mais n’est pas
assuré dans ses sauts ? Se contentera-t-il de pirouetter encore et encore en se
disant qu’il est bon ou bien travaillera-t-il ses sauts afin de s’améliorer ?
Le raisonnement que l’on tente de nous vendre pourrait être suspecté de vouloir
maintenir l’élève dans ses difficultés. En tout cas, il est bien éloigné de
l’esprit dynamique indispensable à toute forme éducative.
Faute d’avoir le courage de
reconnaître l’inefficacité du système éducatif, les donneurs de leçon usent
d’un argument spécieux paré de toutes les vertus humanistes. Quand, abondamment
relayés et appuyés par les médias, ils affirment d’un ton docte « les notes traumatisent les
élèves et sont à l’origine de l’échec » beaucoup de personnes, en
particulier parmi les parents d’élèves, applaudissent des deux mains, enfin
soulagés de pouvoir mettre un nom sur les difficultés de leurs enfants : le
système de notation. Ce faisant, les
décideurs, qui par ailleurs disent aussi être du côté des enseignants,
se comportent exactement comme si les enseignants persistaient à noter les
élèves par méchanceté, afin de stigmatiser leurs lacunes, afin de les humilier
et totalement incapables de faire la
différence entre la valeur d’un travail et la valeur personnelle de l’élève qui
l’a produit. À croire qu’ils ont recruté des brutes épaisses.
S’en prendre aux notes chiffrées
est simplement un premier pas vers la suppression de la notation en général et
montre un système qui veut définitivement casser le thermomètre pour mieux
ignorer l’ampleur des dégâts. Les appréciations que beaucoup d’enseignants se
sont résignés à utiliser ne sont qu’un moyen terme avant la suppression totale.
Le système rêvé du ministère serait un système sans évaluation (ni nationale et
surtout pas internationale), sans notation, sans aucune mesure sauf celle
consistant à dire que tous les élèves sont excellents, mais attention, de
manière différenciée tout de même ! Malheureusement dans cette perspective déjà
bien engagée, la vraie vie rattrape vite les élèves à la sortie de l’école; ce qui se parait des vertus d’un système égalitaire se révèle de fait être la
plus injuste et élitiste manière d’instruire les enfants. Seules les familles
culturellement favorisées pourront le contourner.
Pour en savoir plus sur les
arguments traditionnels contre les notes voir ici.
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