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mercredi 31 août 2016

Bonne R... aux enseignants



Alors que les médias peaufinent leurs marronniers de rentrée scolaire, que les publicités vantent les mérites d’un stylo magique ou autre cartable indispensable à l’avenir des écoliers, et que la ministre de l’Éducation Nationale promeut Collège 2016 au nom de « l’intérêt des enfants », je reste zen. Cette année, j’observe cela avec le recul de l’enseignante passée désormais en mode contemplatif. Et Dieu que cela est agréable, je ne vais pas bouder mon plaisir. 

Néanmoins, j’ai une pensée pour celles et ceux qui vont continuer à faire tourner la boutique envers et contre tous, en dépit des réformes en cours, à la fois ineptes, chronophages, et inefficaces. En dépit des obstacles, qu’ils émanent d’une administration tatillonne et bureaucratique, de collectivités locales non motivées ou de parents devenus conseillers en pédagogie.  Ceux que je connais personnellement et les autres. Ceux du secondaire également, qui devront mettre en place l’une des réformes les plus saugrenues qu’il nous a été donné de connaître. 

Si l’édifice Éducation Nationale ne s’est pas encore totalement écroulé, c’est bien grâce à eux, qui doivent quotidiennement franchir les embûches sans aucune reconnaissance. Reconnaissance, le mot est lâché. Les enseignants souffrent d’un manque notoire de reconnaissance, sociale, économique, professionnelle. La plus importante est la professionnelle, de laquelle devrait découler un salaire approprié et par suite une reconnaissance sociale. Or, il n’en est rien. L’enseignant n’est pas reconnu comme un véritable professionnel, ni par sa hiérarchie, ni par les parents d’élèves dont l’avis pédagogique est prépondérant.  La pénibilité du métier est soigneusement passée sous silence par les médias et pourtant les burn out sont courants dans ce métier qui bien souvent, en secondaire et dans certaines écoles primaires, ne consiste plus à enseigner mais à « gérer des comportements ».

L’école, qui revendique la bienveillance comme vertu cardinale, se contente de pompeux discours qui ne dupent plus grand monde aujourd’hui. Dans les actes, elle dessert l’intérêt des élèves et méprise complètement son personnel enseignant. 

Alors, aujourd’hui, j’ai une pensée pour tous ces enseignants qui, en dépit des circonstances, maintiennent un édifice chancelant, mais à quel prix et pour combien de temps encore ?


lundi 29 août 2016

Dogmatisme encore et toujours



Il est lassant et déprimant de constater sur les réseaux sociaux, toujours les mêmes types d’attaques à l’égard des pratiques pédagogiques basées sur les données probantes. Un éternel recommencement qui consiste à porter l’opprobre sur les pratiques transmissives ou directes comme par exemple l’Enseignement Explicite. 

Récemment, j’ai retenu 3 reproches adressés par des constructivistes militants. Vous constaterez qu’ils ne manquent pas de sel, émanant de praticiens d’une méthode dont l’inefficacité est maintenant patente, prouvée à la fois par les observations de terrain et par la recherche. 


  • ·        L’Enseignement Explicite n’est pas la panacée.

Autrement dit, on reproche à l’Enseignement Explicite, non pas son manque d’efficacité, mais de ne pas guérir tous les maux éducatifs. Sous-entendant ainsi qu’il ne mérite même pas un coup d’œil. Je rétorquerais volontiers que si toutes les méthodes imposées dans les écoles étaient autant efficaces que l’Enseignement Explicite, nous serions déjà dans la bonne voie. Jamais aucun praticien ni théoricien de l’Enseignement Explicite n’a jamais prétendu détenir la panacée. Et même si l’on se situait dans ce type de problématique farfelue il est clair que le constructivisme aurait encore moins l’oscar. Le raisonnement est infantile, il rappelle celui du petit enfant jaloux discréditant le jouet d’un autre, qu’il aurait tellement aimé posséder lui-même.


  • ·        L’Enseignement Explicite n’est qu’un relooking de pédagogie traditionnelle.

L’anathème est lancé. Il émane de personnes n’ayant jamais pris connaissance des différences entre pédagogie traditionnelle et Enseignement Explicite. C’est dire l’ouverture d’esprit et la profondeur argumentaire.  La critique ne porte pas sur des points précis et techniques de la pratique, preuves à l’appui ; non, il s’agit de discréditer en affirmant un lien, reconnu comme infâme, avec une pédagogie d’autrefois. Précisons que, depuis 1990, les canons du pédagogiquement correct ont déclaré infréquentable l’école de Jules Ferry. Depuis cette date, les textes officiels n’ont de cesse de le répéter. Il n’est pas surprenant par conséquent que les bons petits soldats de la pédagogie d’état répètent à l’envi ce mantra.  


  • ·        L’Enseignement Explicite n’est qu’une croyance, ses défenseurs sont des apôtres.

Cerise sur le gâteau : les mêmes qui basent leur pratique sur des croyances, reprochent aux autres d’en faire autant, alors que ces derniers s’inscrivent dans une démarche diamétralement opposée, construite sur les données probantes. Pour faire court, le constructivisme est une croyance car il pose comme vérité une hypothèse non vérifiée. L’Enseignement Explicite, lui, ne met en œuvre que des pratiques dont l’efficacité au niveau des apprentissages a été longuement étudiée, mesurée et jugée suffisamment importante. Si l’on joue au jeu des comparaisons, alors les mots croyance, dogme, canons, croyants, disciples, prêtres et autres grands prêtres s’appliquent au constructivisme lui-même qui n’hésite pas, avec des moyens rappelant les procès en inquisition, de déclarer hérétique quiconque s’écarte de la pensée autorisée.  

Comme je l’ai écrit à plusieurs reprises, l’Enseignement Explicite est vécu comme une menace et, par suite, le principe même des données probantes est rejeté. Les idéologues de l’éducation s’accrochent désespérément à leur foi comme un naufragé s’accroche à sa bouée. Ne pouvant argumenter sur des éléments tangibles, il leur est plus facile de lancer des anathèmes.   Quand on en arrive à ce niveau argumentaire pour éradiquer une pratique qui commence à être connue et qui apporte des résultats, on est en droit de se poser des questions sur ceux qui prétendent former les générations futures à l’esprit critique afin d’en faire des citoyens éclairés dans une école toute en tolérance et bienveillance …

"C’est la profonde ignorance qui inspire le ton dogmatique." (de La Bruyère)













lundi 27 juin 2016

Mon voyage en Enseignement Explicite



 Bernard Appy, sur son blog, faisait récemment le bilan sur les 10 ans que nous avons passés, lui et moi, à promouvoir l’Enseignement Explicite. Étant maintenant à quelques encablures de la cessation d’activité, moment tant attendu où je vais pouvoir enfin passer en « mode contemplatif », je propose ci-dessous de vous présenter ce que personnellement l’Enseignement Explicite m’a apporté, ce qu’il a changé dans le cours de ma propre carrière et pourquoi il doit absolument figurer dans la formation des enseignants si l’on veut une amélioration de notre école publique.

La connaissance que j’en ai acquise repose bien sûr sur l’auto-formation, les pédagogies efficaces n’ayant jamais été au programme dans la formation des enseignants, et ce, depuis fort longtemps. Cela m’a permis dans un premier temps de me professionnaliser, au sens où l’entend Clermont Gauthier, c’est-à-dire être capable de choisir les moyens d’enseignement  les plus efficaces, au regard des résultats de l’expertise. La formation que j’avais suivie du temps lointain des Écoles Normales n’était déjà pas professionnalisante et se contentait d’inculquer des pratiques inefficaces mais tellement séduisantes sur un plan idéologique. Comme quoi rien n’a changé sous le soleil. Cette auto-formation m’a permis d’avoir des actions pédagogiques spécifiques tout en étant capable de savoir pourquoi elles portaient leurs fruits. Mes premières années d’enseignement, faites de nombreux remplacements et postes difficiles furent, professionnellement, un chemin inconsistant que j’empruntais sans conviction aucune et avec ce sentiment de plus en plus pesant que j’allais dans le sens inverse de celui qu’il aurait fallu emprunter pour être utile aux élèves. Je me livrais à des activités fumeuses et autres projets échevelés que j’emballais dans le jargon en cours, et c’était très bien selon ma hiérarchie. De cela, je ne suis pas fière. Mais au fond de moi, je savais que ce n’était qu’une sombre mascarade.

 La découverte de l’Enseignement Explicite a été, égoïstement, une révolution dans ma pratique de classe et m’a donné une motivation professionnelle que je n’avais jamais connue auparavant. C’est d’ailleurs une réaction que l’on retrouve dans beaucoup de témoignages : redonner goût au métier et y prendre plaisir. Dans ses discours, l’Éducation Nationale, prône aujourd’hui la bienveillance, sauf pour son personnel ; à aucun moment elle ne s’interroge sur l’importance d’avoir des enseignants bien dans leur métier et profondément motivés. Pas plus qu’elle ne s’interroge sur les raisons de la désaffection du métier et des nombreux abandons en cours de route, dont elle tait soigneusement les chiffres. Dans les conditions actuelles du métier, avec la multiplication des contraintes administratives et paperassières, avec l’ingérence des parents d’élèves, des collectivités locales, avec des réformes qui accentuent les écarts entre les élèves et alourdissent inutilement la tâche des enseignants, si au moins l’enseignant pouvait jouir du plaisir d’utiliser des méthodes efficaces, ce serait déjà un bon point. Quand les résultats tangibles sont là, en classe, quotidiennement, alors l’enseignant connaît une satisfaction personnelle. Je souhaite à chacun d’eux de connaître un jour ce plaisir professionnel : aborder sa classe sans crainte, totalement sûr de ses actions  pédagogiques et par conséquent beaucoup plus disponible pour l’écoute et l’observation des réactions des élèves. Je ne suis pas en train de dire qu’il n’y a plus de difficulté, ni de challenge ; mais quand on utilise l’Enseignement Explicite, les difficultés prennent une autre dimension, elles ne sont pas insurmontables et l’enseignant est capable d’y faire face. Cela fait une sacrée différence.

Voilà qui constitue déjà un grand pas. Mais il ne faut pas oublier que l’Enseignement Explicite, même s’il est aujourd’hui sorti de la clandestinité, n’est toujours pas proposé en formation et, selon les circonstances, peut être mal vu par une hiérarchie souvent conservatrice, beaucoup plus encline à encourager les archaïques et inefficaces pratiques constructivistes. Il faut donc être sacrément motivé et capable d’argumenter pour persister. Personnellement, si je n’ai jamais eu de difficulté particulière, c’est je pense car les inspecteurs, dont beaucoup tout de même sont des personnes sensées, ont constaté que les élèves apprenaient, même si les moyens que j’utilisais n’étaient pas toujours à leur convenance. Comme celui-ci, dont je tairai le nom, qui rédigea un rapport très positif mais ne put s’empêcher de l’introduire par cette phrase, que j’ai longtemps ressassée : Le travail de Mme Appy, bien que de facture classique, donne entière ...  Que de non-dit lourd de sens dans cette simple conjonction de subordination. Mais je ne peux évoquer la hiérarchie sans mentionner une autre inspectrice, appelons-la Michèle, extrêmement professionnelle qui, non seulement a découvert de visu l’Enseignement Explicite dans ma classe, mais en a tout de suite évalué le potentiel et l’a fait connaître dans sa circonscription.  

Du côté des parents d’élèves, l’Enseignement Explicite est en général très bien accepté ; ils en apprécient la simplicité de mise en œuvre et surtout l’idée de savoir dans quelle direction vont les enfants, ce que l’on attend d’eux avec précision. Ils sont aussi sensibles à l’idée que c’est une méthode qui ne va laisser personne de côté. La clarté de cette méthode fait que les parents intéressés peuvent suivre sans problème la progression et le travail et peuvent accompagner plus efficacement. Même les plus réticents au départ, une fois l’année scolaire écoulée, en redemandent.

Les élèves quant à eux, sont bien sûr les premiers gagnants, car les apprentissages leur sont désormais plus clairs. Ils savent à chaque étape ce que l’on attend d’eux et comment y parvenir. Ils parviennent à progresser et cela les encourage à persévérer ; ils savent se comporter scolairement et acquièrent des comportements utiles. Même les plus en difficulté progressent et cela est une motivation interne essentielle. La motivation des élèves ne réside pas comme on nous le fait croire dans des artifices liés au vécu de l’enfant ou en les persuadant qu’ils jouent au lieu de travailler, non, la motivation pour les apprentissages repose sur la réussite, issue des efforts. Efforts bien réels mais adaptés au potentiel des élèves. Par conséquent, tout élève devient donc capable d’apprendre et de progresser.

Au bout de quelque temps que vous pratiquez et constatez les effets mentionnés ci-dessus, vous commencez à éprouver le besoin d’en parler et de faire connaître cette pratique à d’autres. C’est d’abord par Internet, qui peut aussi être un outil formidable, que nous avons commencé, Bernard et moi, puis par le canal associatif avec la 3ème Voie. L’enthousiasme était à son comble au début, et nous ne comptions ni notre temps ni notre argent pour expliquer et convaincre. Ce furent de belles années, riches en rencontres et en échanges. Les chercheurs canadiens Gauthier, Bissonnette et Richard nous ont accompagnés dans cette aventure et nous ont permis de toucher encore plus de collègues, chez nous en France. Mais toute vie associative est sujette à turbulence, c’est un principe universel. Nous avons décidé de quitter le groupe au moment où les divergences au sein du comité directeur sont devenues  un obstacle à un fonctionnement serein et efficace ; il n’était pas question pour nous de revenir sur deux  principes de base : d’abord s’adresser aux enseignants du public et du privé mais tout en gardant notre neutralité et sans se laisser inféoder à quiconque, de quelque manière que ce soit ; ensuite se cantonner à faire connaître l’Enseignement Explicite, celui de Rosenshine, ce qui était déjà en soi une tâche très complète.  Finalement, ce qui est surprenant n’est pas le clash de fin, mais plutôt la longévité de notre implication. En dépit de tout cela, le bilan de l’épisode est très positif : notre association a fait connaître l’Enseignement Explicite à de nombreux enseignants du primaire, qui l’ont utilisé, qui en ont témoigné, qui à leur tour l’ont fait connaître. Nous avons proposé nos idées au ministère Darcos, qui à l’époque nous a soutenus et en a même imprégné les programmes de 2008.  

Mais pour nous, l’éloignement du milieu associatif ne sonnait pas le glas de notre engagement. Notre but initial était toujours le même : faire connaître l’Enseignement Explicite et mettre à disposition les outils de formation et d’auto-formation pendant que d’autres commençaient à explorer le filon lucratif de la chose. Ainsi le site Form@PEx est né et c’est un franc succès, il est devenu un lieu  incontournable pour quiconque s’intéresse à l’Enseignement Explicite et a envie de le mettre en place dans sa classe.
Mon cas particulier n’est qu’un exemple parmi tant d’autres : il montre que les choses peuvent changer dans les classes et l'utilisation de méthodes inefficaces n'est pas une fatalité.  L’intérêt grandissant pour les pédagogies efficaces se manifeste de plus en plus chaque jour ; il est fort possible que les mesures ministérielles, aggravant jour après jour l’état de l’École primaire obtiennent, à leur corps défendant, cet effet, et poussent les personnes de terrain vers la quête de méthodes efficaces. En conséquence, il se pourrait bien que l’avenir soit définitivement explicite …