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samedi 17 septembre 2011

L'efficacité en enseignement: tare ou vertu ?



Pour beaucoup [1], l’efficacité en enseignement est devenu un gros mot, au prétexte puéril qu’il évoque des notions comme rentabilité, productivité, technicité et autres abominations liées à ce que le monde capitaliste a de plus horrible et de plus inhumain. Le raccourci est assez inquiétant surtout quand il émane de personnes supposées réfléchir plus intensément que le commun des mortels. Ce qui, dans les autres domaines, est une vertu devient une tare dans l’enseignement. Qui aurait l’idée par exemple, de reprocher son efficacité au chirurgien qui vous a opéré avec succès ? Et pourtant, son geste n’est autre que pure technique. Ou bien de reprocher à l’écrivain l’efficacité de son style et de son imagination, qui pourtant vous ont transporté.

Qu’est-ce que l’efficacité ? C’est le fait d’atteindre les objectifs que l’on s’est fixés. Par exemple, pour revenir dans le domaine éducatif, le courant d’enseignement explicite se donne pour but de transmettre un certain nombre de connaissances et habiletés aux élèves ; il est appelé aussi enseignement efficace car les procédures de transmission qu’il utilise permettent aux élèves, y compris aux élèves en difficultés, de parvenir à ces apprentissages. Et cela n’est pas un effet d’annonce, les études expérimentales à grande échelle l’ayant montré amplement, n’en déplaise à beaucoup.

L’efficacité est donc à mettre en rapport avec l’objectif à atteindre. Pour y parvenir, il faut être capable d’imaginer des moyens adéquats. Or, dans les débats actuels, on constate  une joyeuse  confusion entre fins et moyens, comme l’avait justement analysé Clermont Gauthier il y a déjà de cela plusieurs années. Mais on persiste. C’est peut-être une spécificité française que de faire semblant d’être d’accord sur les fins et de se disputer sur les moyens. Il n’est pas étonnant que le débat n’aboutisse pas et dure depuis si longtemps.

Par exemple, si l’on considère que le but de l’école est de développer le bien-être immédiat des élèves, leur estime de soi  et l’inculcation de valeurs spécifiques,  il est normal que les moyens envisagés ne soient pas identiques à ceux proposés pour transmettre des connaissances. Dans ce contexte-là, oui aux activités ludiques à l’école, oui aux sorties scolaires, oui aux activités de découverte, oui au coaching sur l’estime de soi [2], oui à l’école comme lieu de délice et d’assouvissement des besoins immédiats.

Mais encore faudrait-il avoir le courage de ses opinions et dire les choses clairement, plutôt que de laisser croire que les enfants apprennent mieux en jouant ou en allant se promener. D’autant plus qu’à l’heure actuelle, les recherches en sciences cognitives ont montré de manière unanime que les apprentissages scolaires (que l’on nomme biologiquement secondaires) se font par des procédures explicites, structurées et directes, et non par des méthodes naturelles [3]. Il est curieux de remarquer que cette découverte a du mal à pénétrer la sphère éducative… Tant que l’on n’aura pas débattu honnêtement de cette question, les discussions ne feront que s’enliser sans jamais faire avancer les choses ; au mieux elles créent le trouble dans l’opinion et contribuent à décrédibiliser toute question éducative.

Aujourd’hui, si vous écoutez les uns et les autres [4], tous sont d’accord pour dire que l’école doit produire des citoyens éclairés ; tous s’emparent de la Culture comme moyen d’émancipation [5].

Oui, mais les moyens envisagés ne sont pas identiques. Les uns, dits “républicains”, bravant les anachronismes, chouinent sur la défunte école de Jules Ferry [6] et rêvent de la rétablir en l’état faisant fi des récentes découvertes pédagogiques et de leur rapport à l’efficacité. Les autres, qualifiés de “pédagogistes” [7] se revendiquant des “sciences de l’éducation” ont décrété – sans jamais le prouver – que les moyens pour devenir un citoyen éclairé se résumaient à une bonne estime de soi et à la découverte des savoirs par soi-même et par les autres.  Les “pédagogistes” ont confisqué l’idée de pédagogie en l’assimilant au constructivisme. Les “républicains” accordent peu d’intérêt, voire aucun, à la manière dont les connaissances seront transmises et méprisent l’idée même de pédagogie, préférant se concentrer sur les contenus. Néanmoins,  tous sont d’accord pour :

Refuser que les sciences cognitives pénètrent le champ éducatif, ce qui est assez extraordinaire quand on pense que le cerveau est tout de même un organe essentiel dans les apprentissages. Imaginerait-on d’exclure l’étude de l’atome dans l’industrie nucléaire ? Ou l’étude du code civil dans un tribunal ? La loi de la gravité pour la conquête spatiale ? Les exemples sont pléthore...

Dénigrer et donc redouter, la notion d’efficacité en enseignement, au prétexte que celle-ci exclut de son champ toute approche culturelle et humaine en s’inscrivant dans une conception techniciste et utilitaire mondiale de l’éducation.

Force est de constater que la recherche d’efficacité en enseignement fait peur. Elle serait la conséquence des standards d’évaluation internationaux qui n’ont d’autre objectif que le rendement des systèmes scolaires, du point de vue économique. Ce qui par suite jette le discrédit sur toute autre forme d’efficacité. Par contre, de plus en plus d’enseignants sur le terrain, formés à des méthodes inefficaces, qui elles aussi font fi de toute dimension culturelle et humaine, vont chercher à droite et à gauche des solutions pour enfin parvenir à mieux faire leur métier. La prolifération de sites Internet destinés à échanger des “recettes” en atteste.  La demande est bien là, même si les solutions ne sont que du raccommodage.

Être efficace en classe signifie atteindre les objectifs indiqués par les programmes du ministère. Être efficace passe par l’utilisation d’une méthode pédagogique d’enseignement ayant fait ses preuves. Les méthodes efficaces en classe permettent aux élèves d’avoir en mémoire les connaissances et habiletés indispensables, les stratégies cognitives nécessaires à ces acquisitions, toutes choses qui sont les fondements culturels sur lesquels pourront se développer aptitude au raisonnement et à l’esprit critique.

L’enseignement explicite, que je connais bien, peut revendiquer haut et fort  l’efficacité et peut prouver que celle-ci n’est pas incompatible avec la Culture ni avec l’Humanité. Pour mémoire, le projet FollowThrough, a montré avec brio que les méthodes pédagogiques de transmission directe et explicite (Direct Instruction en particulier) étaient beaucoup plus efficaces sur les résultats scolaires mais aussi dans la dimension affective, et en particulier sur l’estime de soi. Par conséquent, comment ne pas bondir quand on associe efficacité et inhumanité, efficacité et absence de culture ?

Les techniques pédagogiques efficaces peuvent tout enseigner y compris la Culture, depuis la maternelle jusqu’à l’université. Les détracteurs de l’efficacité devraient donc peut-être reporter leurs diatribes sur les programmes plutôt que sur les méthodes.
ö

[1] Toutes tendances pédagogiques confondues (aussi bien constructivistes que traditionalistes).

[2] À une  nuance près tout de même : la recherche a montré que l’estime de soi à l’école est le fruit de la réussite et des efforts récompensés et non pas d’un formatage des esprits consistant à inculquer à l’enfant qu’il est un être spécial. Voir les travaux de Jean Twenge.

[3] Voir les travaux de Sweller.

[4] Les deux courants pédagogiques ayant pignon sur rue : républicains et pédagogistes.


[6] Dits les “républicains”, en référence à l’École de la République (la IIIe).

[7] Expression péjorative désignant les partisans d’une pédagogie de découverte. Ce mot, malheureusement, discrédite complètement la pédagogie, la réduisant à sa forme constructiviste.


samedi 3 septembre 2011

Réinventer l'école avec les vieilles lunes. Meirieu/Gauchet


Meirieu / Gauchet : Réinventer l'école avec les vieilles lunes


Ce débat, faute d’être constructif, est assez démoralisant. Les personnes sollicitées pour donner leurs avis sur l’école mêlent la langue de bois à un certain nombre de poncifs éculés révélant leur méconnaissance profonde du sujet mais en même temps leur désir tout aussi profond d’être entendus en ces temps électoraux.

Comme souvent dans le débat éducatif, on excelle dans le constat, l’analyse, la critique, que cela prenne la forme de pamphlets, de récits satiriques ou même d’uchronies.

Marcel Gauchet évoque avec justesse la société actuelle, l’évolution de ses valeurs tout comme Philippe Meirieu décrit notre société de consommation et les bouleversements qu’elle a créés dans notre système scolaire.

La question de l’autorité de l’enseignant est elle aussi décrite avec justesse ;  mais faut-il être grand clerc pour remarquer que l’enseignant a pour seule autorité celle qui émane de sa propre personne, son autorité de statut lui ayant été retirée par l’institution et par la société qui ne fait plus confiance aux enseignants ?

Marcel Gauchet, tout comme Philippe Meirieu, donne pour but à l’école d’enseigner la pensée. Puis il définit en creux l’acte d’apprendre, en affirmant que nous ne savons pas grand-chose à son sujet ; néanmoins, il exclut de son champ de réflexion l’approche par compétences jugée trop utilitaire, mais aussi l’approche cognitive, pour des raisons inconnues. Ce rejet des sciences cognitives est un point commun au courant constructiviste (les conclusions en effet en décrédibilisent les résultats) et au courant traditionaliste qui privilégie une approche artisanale de l’enseignement.

Il n’est pas certain que Marcel Gauchet soit la personne la mieux placée pour analyser les causes de l’échec en lecture, en particulier lorsqu'il déclare que nous ne savons presque rien sur la façon dont s’opèrent les complexes opérations qu’elle implique. S’il avait lu Stanislas Dehaene, pour citer un chercheur français, il en saurait certainement un peu plus, mais apparemment les points de vue neuro-scientifiques ne l’intéressent guère. Non, nous ne sommes pas démunis sur tous ces sujets. Nous le serions si nous ignorions les mécanismes impliqués dans la lecture, si nous ignorions ce qu'il faut faire pour susciter un bon déchiffrage et une meilleure compréhension. Les études expérimentales et cognitives sur la question sont nombreuses et elles prônent toutes un apprentissage du code par méthode phono-alphabétique ainsi qu’un travail sur la langue et la culture pour une meilleure compréhension, laquelle peut aussi s’enrichir par l’enseignement explicite de stratégies spécifiques. Marcel Gauchet s’imagine donc que les difficultés de nos élèves en lecture renvoient à une méconnaissance de la question. Non, des solutions existent et ont prouvé leur efficacité mais elles ne sont absolument pas diffusées aux enseignants. Peut-être faudrait-il pousser plus avant l’analyse et se poser la véritable question : quels sont les freins qui empêchent les recherches sur l’efficacité dans l’enseignement de pénétrer les sciences de l’éducation ?

Concernant les solutions envisagées pour améliorer l’école, Marcel Gauchet rejoint la pensée dominante en affirmant qu’elle ne « pourra pas se réinventer toute seule » et qu’elle est une entité dépendante de la vie publique. Par la même occasion, il récuse le rôle que les experts pourraient y jouer au profit de tous les acteurs de la vie publique. Aucune piste concrète, aucun élément tangible nous permettant d’imaginer dans quelle direction pourrait aller cette refondation de l’école.

Quant à Philippe Meirieu, à la première lecture, il risque d’en déboussoler quelques-uns par sa critique de l’approche par compétences. Qui aurait cru qu’il puisse un jour dire à propos des livrets de compétence : « Que peut bien signifier alors "l'élève a 60 % des compétences requises" ? » ou, plus loin « Ces référentiels atomisent la notion même de culture », argument même de tous ceux qui se sont opposés à l’évaluation par compétence. Qui aurait cru qu’il ferait un jour l’apologie des lycées napoléoniens, « entre casernes et couvents » ? Ou qu’il puisse, en évoquant la place de l’enfant dans notre société et la façon dont il est élevé, expliquer  : « L’enfant est devenu notre maître ». Aldo Naouri n’aurait pas dit mieux ! Enfin, comment ne pas être d’accord sur la question de l’autorité défunte de l’enseignant, qui n’est plus garantie par l’institution. Une solution : ré-institutionnaliser l’école. Comment fait-on ? Mystère ! Comme disait l’un de mes formateurs constructivistes : « Nous ne sommes pas là pour vous apporter les réponses. C’est à vous de les trouver. »

Mais que les disciples se rassurent, Philippe Meirieu n’a pas viré sa cuti, il reste fidèle à ses idées. Simplement, il travaille sa communication et essaie de redorer le blason bien écorné du courant pédagogique qu’il représente.

S’il est vrai que le savoir ne se réduit pas à la somme des connaissances qui le composent, il n’en reste pas moins que les connaissances de base sont un passage obligé. Mais Philippe Meirieu n’en dit rien et quelques éléments de son discours permettent de comprendre qu'il n’a pas foncièrement changé ses positions.

Il semble très fier d’avoir récemment fait classe dans un CM2 ; les mauvaises langues diront que c’est une stratégie médiatique mais il faut tout de même reconnaître que rares sont les formateurs qui acceptent de se livrer à ce genre d’exercice. La description de la classe qu'il donne touchera sans doute beaucoup d’enseignants. En effet, il décrit exactement ce qui se passe, l’attitude des élèves et les défis que doit relever l’enseignant pour capter leur attention. Mais, honnêtement, lui a-t-il fallu cette expérience pour se rendre compte que « le professeur doit passer son temps à tenter de construire ou de rétablir un cadre structurant », qu’il « est souvent acculé à pratiquer une "pédagogie de garçon de café", courant de l'un à l'autre pour répéter individuellement une consigne pourtant donnée collectivement, calmant les uns, remettant les autres au travail » ?

À la question du réexamen critique des méthodes en place, il répond vaguement, rejetant la faute sur la société qui a créé des enfants ne voulant plus apprendre, préférant l’assouvissement immédiat de leurs désirs et besoins. Il rejette aussi la faute sur la culture française supposée osciller entre encyclopédisme classique et béhaviorisme. En tout cas, rien sur les méthodes pédagogiques responsables de cet échec massif. Rien de nouveau sous le soleil : c’est la faute de la société, changeons donc la société mais surtout conservons nos méthodes.

Tout au long de ce discours apparaît en filigrane une hostilité latente pour l’acquisition de connaissances. Quand il critique, à mots couverts, l'« accumulation de savoir-faire et la pratique d'exercices mécaniques », il confond la fin et les moyens, oubliant que ce ne sont que des moyens destinés à faire passer en mémoire à long terme un certain nombre de connaissances. Une fois ces savoirs installés, ils sont accessibles et utilisables pour faire face aux face aux « situations créatrices de sens », pour susciter créativité et esprit critique.

Selon lui, le travail pédagogique est la « capacité à inventer des situations créatrices de sens » : voilà Philippe Meirieu tel qu'on le connaît, le vrai, l’authentique, souvent imité jamais égalé ! Une fois de plus, il semble ignorer que ces situations ne permettront pas aux élèves d'avancer tant que les connaissances fondamentales ne seront pas acquises.

Quant à son explication relative au clivage politique en matière éducative, elle est assez simpliste : à droite on voudrait transmettre des savoirs techniques pour fabriquer des employés et à gauche on donnerait une vocation culturelle à l’école, on enseignerait la pensée, qui n’est pas la somme des diverses compétences. La culture et la pensée seraient donc le monopole de la gauche mais sans l’intégration de compétences. L’approche par compétences n’est-elle pas une invention de la gauche, sous le ministère Jospin ? N’a-t-il pas remarqué que les gouvernements successifs depuis 1989, de droite ou de gauche, n’y ont jamais renoncé ? Ici il reproche à la culture française son désir d’encyclopédisme classique et là il revendique une vocation culturelle. Comme si l’encyclopédisme classique ne faisait pas partie de la culture. Jusqu'alors on reprochait à la droite une éducation trop élitiste et trop centrée sur la culture au prétexte que cela ne « faisait pas sens » pour les élèves et ne correspondait en rien à leurs préoccupations. Maintenant il semblerait qu'une certaine gauche veuille s’approprier l’idée de culture. C’est à y perdre son latin ! À la même question, Marcel Gauchet répondait que ce clivage était maintenant dépassé, ce qui est tout aussi puéril.

Philippe Meirieu a l’habitude de s’appuyer sur des évidences et d’en tirer des conclusions complètement saugrenues. Exemple : les enfants n’ont plus le désir d'apprendre. En effet, tout le monde l’a constaté. Dans cette question importante, il n’évoque absolument pas les efforts nécessaires aux apprentissages, peut-être n’a-t-il pas observé dans sa classe de CM2 que les enfants rechignaient à tout effort. Rien sur la jouissance issue des efforts récompensés. Rien sur le rôle de l'enseignant dans cet apprentissage. Non, la solution réside dans l’idée de « leur faire comprendre la jouissance issue du plaisir d’apprendre », « reconquérir le plaisir de l’accès à l’œuvre ». Comment ? Par les fameuses situations créatrices de sens. Néanmoins, le plaisir à l’école n’est pas un assouvissement immédiat, il est le fruit de la réussite consécutive à l’effort. Pour beaucoup d’enfants, ce dernier ne vient pas naturellement, c’est donc à l’enseignant de l’y initier. La tâche est d’autant plus difficile que l’éducation des enfants a banni de son vocabulaire le mot "effort" pour le remplacer par "assouvissement immédiat des besoins et des envies". C’est justement car la tâche est difficile qu’il faudrait se concentrer davantage sur les méthodes utilisées et leur rapport à l’efficacité.

Au fond, Philippe Meirieu n’a pas changé ; il donne aujourd’hui dans l’irénisme pédagogique mais ne semble pas convaincu lui-même et ses déclarations laissent un goût de déjà-vu. Au total, un entretien qui ne fait guère avancer le débat et qui dévoile un autre type de consensus, celui de ne jamais aller au fond des choses en matière éducative.


vendredi 1 juillet 2011

Que disent les recherches sur "l'effet enseignant"?


Centre d'analyse stratégique
Auteur : Pierre-Yves Cusset
La note d'analyse - Questions sociales, n° 232
07.2011


Doc
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Vidéo


Que le Centre d’analyse stratégique consacre l’une de ses notes à l’effet-enseignant est en soi un événement. En effet, depuis que de nombreux chercheurs américains l’ont mis en exergue et exploité à partir des années 60, il était grand temps que cette instance d’expertise, supposée aider à la décision auprès du cabinet du Premier Ministre, fasse connaître les résultats de ces nombreux travaux. Mais comme le dit le proverbe, mieux vaut tard que jamais. La vidéo de présentation accompagnant cette note la présente comme le bilan des études existantes.

Ce texte, qui se veut donc une synthèse de la recherche, admet l’existence de l’effet-enseignant. Comment pourrait-il en être autrement, au vu des données probantes accumulées depuis presque 50 ans ? La note convient aussi que l’effet-enseignant est plus significatif que l’effet-classe, qu’il est très significatif, surtout à court terme, et que la majeure partie de l’effet-classe est attribuable à l’effet-enseignant. Néanmoins, il présente des zones d’ombre, des lacunes, comme s’il occultait un certain nombre de conséquences résultant des études sur cet effet. Par exemple, il n’est pas dit ouvertement qu’un enseignant efficace utilise une méthode pédagogique efficace. Cela laisse à penser que l’efficacité est une chose aléatoire, impalpable qui, au final, dépendrait plus de la personnalité du maître ou d’une inexplicable alchimie qui se produirait lorsque celui-ci se trouve au contact de sa classe.

L’historique des recherches laisse apparaître un grand nombre d’absents et non des moindres. Comment peut-on omettre d’évoquer Barak Rosenshine dans un sujet qui traite de l’effet-enseignant ? Et prétendre présenter le bilan des études existantes ? Les travaux de Rosenshine sur la question font date et lui ont permis de donner une exacte description des actions pédagogiques de l’enseignant efficace ; elles sont la base de l’enseignement explicite (Rosenshine, Brophy & Good, 1986 ; Rosenshine & Stevens, 1986). Ces études expérimentales ont été résumées par Gage et Needles en 1989. On a d’ailleurs l’habitude d’appeler cette période (entre 1955 et 1980) “L’ère de l’effet-enseignant” : elle fut une course aux recherches cumulatives. Plus de 100 études interactives et expérimentales furent conduites, toutes sur un modèle commun et avec des instruments d’observation différents. Cumulatives car les chercheurs construisaient à partir des découvertes des autres. Mais de cela, nulle mention dans cette note qui se veut le bilan. Par contre, on apprend que l’IREDU se serait intéressé à la question en 1980 ; ce fut apparemment un travail très confidentiel et qui n’a eu aucune répercussion ni dans les formations, ni dans les pratiques de classe.
Le paragraphe prometteur intitulé Les caractéristiques d’un « bon enseignant » aurait pu décrire les actions pédagogiques de cet enseignant efficace. Après avoir indiqué que la formation initiale et l’ancienneté (même si les deux jouent un rôle, surtout dans les premières années) n’expliquent pas les différences d’efficacité, il énumère un certain nombre de spécificités telles que :
- Le temps consacré à l’enseignement des matières évaluées ; il doit être suffisant pour aborder tout le programme. Ce qui, en France, n’est pas le cas dans toutes les classes.
- Un niveau d’attente élevé. L’enseignant doit avoir de hautes ambitions pour ses élèves.
- Le feedback ou correction : il doit être formulé de manière neutre ; il faut  laisser le temps aux élèves de reformuler la réponse après correction. La description du feedback est très incomplète dans ce document : si la façon de le formuler (de manière neutre) est importante, elle n’est pas suffisante en soi. Il a été démontré [1] que celui-ci doit se faire de manière instantanée, dès que l’erreur est commise. On ne doit jamais laisser aucune erreur non corrigée, le maître efficace corrige toutes les erreurs afin d’éviter le développement de connaissances erronées. S’il le juge nécessaire, il n’hésite pas à reprendre l’explication. Le feedback indique à l’élève l’erreur et présente le raisonnement qui conduit à la bonne réponse.

Puis, sous le titre Structuration des activités pédagogiques, sont très succinctement énumérés les éléments suivants : nécessité de donner un cours structuré, annonce des objectifs, pratique d’exercices et résumés. Voilà, condensés en deux lignes, les travaux relatifs aux actions pédagogiques reconnues comme efficaces par la recherche menée depuis plus de quatre décennies sur les milliers d’élèves ! Rosenshine et beaucoup d’autres à sa suite, sont parvenus à définir avec grande précision les actions pédagogiques (il a ainsi décrit 6 fonctions pédagogiques essentielles) ainsi que les interactions avec les élèves utilisés par les enseignants efficaces. Cet ensemble a formé les bases de l’Enseignement Explicite. Comment peut-on prétendre parler de l’effet enseignant et omettre la description un peu plus fournie d’une méthode pédagogique qui en est issue et dont l’efficacité a maintenant été reconnue ? Je trouve regrettable que cette note n’ose pas dire ce qui est l’essence de l’effet-enseignant : l’enseignant efficace est celui qui utilise une méthode pédagogique efficace. L’une d’elle, l’Enseignement Explicite a été définie par les recherches et ses techniques ne se résument pas aux deux lignes reproduites ci-dessus, loin de là.

Ce flou quant aux caractéristiques proprement pédagogiques de l’effet-enseignant n’empêche pas l’auteur de suggérer en guise de conclusion trois pistes pour une éventuelle amélioration. Celle-ci pourrait passer par un feedback donnée aux enseignants sur leurs propres pratiques par le biais des inspections, de questionnaires remplis par les élèves, de coaching grâce au visionnage de vidéos. Mais les auteurs de ces propositions oublient un élément essentiel : comment les inspecteurs, les formateurs pourraient-ils aider à améliorer l’effet-enseignant, alors qu’aucune description précise n’a été donnée des moyens à mettre en œuvre pour ce faire ? Alors que nulle part dans cet article, il n’est question d’utiliser une méthode pédagogique reconnue comme efficace. Alors que l’immense majorité des IEN et des formateurs n’ont jamais entendu parler d’Enseignement Explicite ?

Puisqu’il était question dans la présentation de faire le bilan des recherches sur le sujet, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout dans une synthèse honnête et enfin admettre ce que révèlent toutes les données probantes depuis plusieurs décennies : toutes les méthodes ne se valent pas, certaines sont plus efficaces que d’autres. Leur utilisation est en lien direct avec l’effet-enseignant. La reconnaissance de ces méthodes dans le paysage pédagogique permettrait enfin qu’elles soient enseignées aux futurs enseignants ; ceux-ci pourraient  ainsi avoir l’occasion de jouir d’une véritable liberté pédagogique.

C’est un grand pas que l’idée de l’effet-enseignant pénètre dans un cabinet ministériel. Néanmoins, si la question est traitée de manière aussi fragmentaire, en omettant des aspects cruciaux, alors l’efficacité se fera encore attendre. Il faut espérer que la prochaine note, prévue pour le mois d’octobre, saura y remédier.



Post-scriptum :
Le lendemain de la parution de ce commentaire, nous mettions en ligne une thèse de doctorat portant sur cette question particulière. Il s’agit du travail de Mireille Castonguay, intitulé Efficacité, Enseignement et Formation à l’enseignement. Cette thèse vient à point nommé. Espérons que les experts de l’Éducation nationale française en auront connaissance et sauront en utiliser les conclusions à bon escient.
En résumé :
« Depuis trente ans, de nombreux travaux indiquent que ce que fait l’enseignant influence fortement les apprentissages des élèves. Or, si l’enseignant représente un élément fondamental pour favoriser la réussite scolaire, alors il importe de le préparer du mieux possible à exercer sa profession. Mais comment offrir la meilleure formation possible aux personnes se destinant à l’enseignement ? Quels seraient les éléments à prendre en compte dans l’élaboration d’un programme de formation à l’enseignement efficace ? (...) Nos résultats indiquent que les stratégies pédagogiques efficaces identifiées par les études menées dans le domaine de l’efficacité de l’enseignement ne sont pas proposées au sein des programmes de formation à l’enseignement. L’enseignement de type structuré et explicite, qui aide davantage les élèves à apprendre, est dévalué au sein des programmes de formation à l’enseignement au profit de stratégies de type constructiviste, moins efficaces pour favoriser les apprentissages scolaires, mais perçues comme favorables par les formateurs de maîtres. Nous concluons que les éléments à prendre en compte dans l’élaboration d’un programme de formation à l’enseignement efficace devraient correspondre aux stratégies identifiées par les recherches empiriques comme favorisant les apprentissages des élèves, à savoir des approches de type structuré et explicite. »



[1] Par les études qui ne sont pas citées dans cette note. Notamment voir tous les travaux de Rosenshine.


lundi 27 juin 2011

Mais, c'est un enfant après tout !



Les relations avec les parents d’élèves sont déterminantes à la fois pour les progrès de l’élève mais aussi pour l’efficacité du travail de l’enseignant.  Une bonne adéquation entre les conceptions éducatives des parents et les conceptions pédagogiques de l’enseignant sera forcément profitable à l’enfant. L’enfant est imprégné de l’image qu’a sa famille de l’école, des enseignants et plus généralement du savoir. Dans une famille où l’on méprise les connaissances, où l’on a un a priori défavorable à l’égard des enseignants, l’enfant n’aimera ni l’école, ni les apprentissages. Il se trouvera obligé de fréquenter un univers qu’on lui décrit comme inutile voire hostile.

Aujourd’hui, le politiquement correct en matière éducative impose le modèle de l’enfant-roi, ou plutôt de l’enfant-tyran. L’enfant a été promu au sommet de la pyramide familiale, il décide de tout et ordonne à son entourage exactement comme s’il était un être autonome et responsable, un adulte. Cela signifie que l’on a oublié la définition même de l’enfant, à savoir un être en construction. Il est considéré comme un être capable de décider : par conséquent, l’adulte argumente avec lui, négocie, demande la permission… Les mères ont bien souvent perdu de vue l’immense responsabilité qu’elles ont dans la construction de ce futur adulte et par ignorance, par suivisme ou par narcissisme, s’appliquent à inculquer à leurs progénitures qu’ « elles peuvent tout avoir et qu’elles ont droit à tout ». Alors qu’éduquer consiste justement à faire comprendre que « dans la vie on ne peut pas tout avoir », l’éducation se faisant dans la frustration, ce qui ne signifie pas la privation. [2]

S’il est évident que l’éducation se donne dans les familles et non à l’école, il n’en reste pas moins qu’un certain type d’éducation donné à la maison peut nuire aux apprentissages et freiner leur avancement.  L’acquisition de connaissances nécessite du travail et des efforts, parfois des échecs. Toutes choses qui, dans la conception actuelle de l’éducation, sont bannies du monde enfantin. L’enfant doit être préservé dans une bulle de bonheur pour flotter en permanence dans un état de satiété ; pour cela, l’adulte doit satisfaire tous ses besoins. C’est là que le bât blesse. Lorsque l’enseignant initie à l’effort, au travail régulier, quand il demande que des leçons soient apprises, des exercices réalisés avec soin, quand il faut recommencer si cela ne va pas, quand l’enfant découvre qu’il n’est pas tout seul au centre, qu’il doit supporter les autres, alors surgissent les problèmes. Et avec eux l’avocat de l’enfant, généralement la mère, arrivant au galop pour tancer l’enseignant fautif, celui qui a commis le péché de lèse-majesté.  Les pères dans l’affaire sont souvent en retrait, et suivent avec plus ou moins de conviction les mères ultra-protectrices prêtes à monter au créneau pour une note non conforme à son souhait. Tout cela est regrettable à bien des égards. En premier, cela nuit à l’enfant et à sa scolarité, il ne peut pas développer les attitudes nécessaires à de bons apprentissages.  Cela nuit aussi à l’enseignant et à son efficacité, il se voit empêché d’exercer son métier correctement ; il peut finir par baisser les bras, son professionnalisme étant remis en cause.

La liste pourrait être longue des attitudes pouvant attirer la vindicte des parents : une réprimande, une punition, une simple remarque. La question du bien-fondé de ces accusations ne se pose même pas.  Le parent vindicatif n’a pas besoin de vérifier la véracité des dires de l’enfant, à aucun moment il ne la met en doute. S’il le dit, c’est que c’est vrai. Et les enfants, qui sont tout sauf bêtes, ont vite fait de comprendre le fonctionnement des adultes, d’en user et abuser. Combien de fois ne voyons-nous pas des élèves sortir tranquillement de l’école et, à la vue de leur mère, se mettre à sangloter, se plaignant d’un autre enfant ou de la maîtresse qui l’a injustement puni ou grondé. Combien de fois ne voyons-nous pas les enfants changer brutalement d’attitude quand leurs parents sont présents. Combien de fois, le jour de la rentrée, ne voyons-nous pas les enfants cesser de pleurer dès que la mère disparaît (avec beaucoup de difficultés, parfois en pleurant elle aussi).

Ne cherchons pas de rationalité dans de tels comportements, il n’y en a pas. Il est donc difficile de discuter, d’argumenter, d’essayer de persuader. Par exemple que répondre à une mère hors d’elle qui vous accuse par oral et par écrit d’être un(e) tortionnaire parce que vous avez eu le malheur de vouloir faire travailler son enfant (s’assurer qu’il mène à bien une tâche écrite) qui remue ciel et terre, alerte les autorités ?

Si  heureusement, tous les parents ne sont pas ainsi, cette attitude est de plus en plus répandue. Ce type d’éducation est un frein à la mission d’instruction et d’enseignement de l’école. Mais plus largement, elle nuit au développement harmonieux des enfants et en particulier à celui de leur estime de soi. À trop les complimenter pour leurs qualités personnelles et innées, et non sur les efforts qu’ils accomplissent, à trop les persuader qu’ils ont droit à tout, on obtient le contraire de ce que l’on souhaitait au départ. On voulait leur donner une bonne estime de soi, on en fait des individus narcissiques [3], complètement inadaptés à la vie dans la société actuelle.

  
[1] . La phrase qui vaut explication, celle qui exonère de tout, qui excuse de tout, qui ne nécessite aucun développement. La  phrase qui rappelle à l’enseignant, qu’il a outrepassé ses droits. C’est un enfant et par conséquent il a tous les droits.

[2] . Aldo Naouri, Éduquer ses enfants – L’urgence aujourd’hui, 2008.

[3] . On lira sur la question les ouvrages très documentés de Jean Twenge, Generation Me et Narcissism Epidemic .


vendredi 17 juin 2011

Waiting for a school miracle




" Dans l'attente d'un miracle scolaire" est le titre d'un article de Diane Ravitch paru dans le New York Times le 31 mai 2011.


Diane Ravitch, enseignante en education à l’université de New York, est l’auteur entre autres de “The Death and Life of the Great American School System: How Testing and Choice Are Undermining Education” (La vie et la mort du grand système éducatif américain).


Diane Ravitch fait ici une critique de la loi No Child Left Behind, engagée il y a 10 ans et dont le but était d’amener tous les élèves à un niveau de compétence en lecture et en mathématique d’ici 2014. Critique portant sur les résultats et sur la mise en place des différentes mesures. Diane Ravitch a elle-même participé à ce programme.

Comme prévu par cette loi scolaire, les principaux et enseignants des écoles ne parvenant pas aux objectifs fixés ont été renvoyés et remplacés. Diane Ravitch estime que beaucoup d’autres écoles fermeront leurs portes d’ici 2014 si elles continuent d’inscrire des élèves en difficultés, issus de milieux défavorisés ou atteints de handicaps. Elle considère en effet que l’impact du milieu familial est tel que 100% de réussite n’est pas possible pour tous et considère comme utopique la position des politiques consistant à imaginer qu’un système fait d’un mélange de récompenses et de punitions sera source d’amélioration.
Apparemment, les leaders politiques tentent de montrer que la pauvreté n’est pas un facteur important en matière de réussite scolaire et s’appuient sur certains exemples particuliers. Exemples que Diane Ravitch réfute clairement : École Bruce Randolph (Denver), Urban Prep Academy (près de Chicago), lycée de Miami. En analysant de plus près les chiffres annoncés, elle signale qu’ils sont faux et que les écoles en question, comparées aux autres écoles des États auxquels elles appartiennent sont bien au-dessous ; elle mentionne aussi le cas d’une école de New York qui a intéressé les médias en 2005 pour ses soudaines améliorations selon les standards en lecture, résultats qui n’ont pas tenu sur la durée puisque l’année d’après ils étaient à nouveau tombés bien bas.

A travers cette analyse, Diane Ravitch tente de faire passer ce qui à ses yeux est la cause majeure de l’échec scolaire : le déterminisme socio-économique. Pour elle, c’est la famille qui peut faire la différence à l’école et par conséquent, elle en conclut que c’est vers elle que les efforts d’aide et d’accompagnement doivent d’abord porter, non sur les principaux ou les enseignants (éducation parentale, soins prénataux, écoles maternelles). Pour elle, l’école doit se contenter d’avoir un personnel stable, des ressources correctes et un programme riche (arts, langues étrangères, histoire, science).

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Diane Ravitch diminue autant que faire se peut le rôle de l’école dans la réussite scolaire. Ce faisant, elle rejoint le courant de tous ceux qui attribuent des causes externes à cet échec et qui, par conséquent, cherchent des solutions externes à l’école.

Il est surprenant qu’une personne aussi impliquée dans les questions éducatives, et que l’on suppose informée des dernières recherches en la matière, n’évoque même pas l’éventualité de l’impact des méthodes pédagogiques dans l’obtention de résultats. La seule mention proprement scolaire est celle des contenus disciplinaires, comme si ceux-ci, une fois que l’on aurait éradiqué la pauvreté, pourraient à eux seuls garantir un bon niveau pour tous. Or un curriculum, aussi valable soit-il, est inutile tant qu’il n’est pas accompagné d’une méthode pédagogique efficace.

D’un revers de manche, elle balaie toutes les données probantes relatives à l’effet-maître, à l’effet-école et à toutes les expérimentations menées sur l’impact des méthodes. Comme par exemple l’étudede Wang Haertel et Walberg (1993), cette méta-analyse reposant sur 50 ans de recherche et 11 000 résultats statistiques ; la question posée était : qu’est-ce qui influence la scolarité des élèves ?  La grande révélation de l’étude de Wang, Haertel et Walberg, fut que l’école a plus d’influence sur la réussite scolaire que le milieu familial, contrairement à ce que l’on croit généralement. L’école peut agir sur les deux  facteurs qui arrivent en tête : la gestion de classe et les processus méta-cognitifs.

Aucun enseignant ne pourrait nier l’importance du milieu familial sur la réussite scolaire, ce serait ignorer l’évidence. Mais doit-on pour autant stopper net l’analyse en attendant une hypothétique révolution sociale qui bannirait à tout jamais la pauvreté ? L’échec scolaire est une chose extrêmement complexe, formée d’un faisceau de plusieurs facteurs. Les données expérimentales et les apports des sciences cognitives ont montré que l’école peut contribuer à l’amélioration des choses y compris et en particulier pour les enfants issus de milieux économiquement défavorisés.

Par ailleurs, focaliser uniquement sur la pauvreté économique revient à occulter une grande partie du problème. En effet, il existe aujourd’hui une catégorie sociale de plus en plus nombreuse, non démunie matériellement mais dans la plus grande détresse culturelle et pour qui l’école n’est rien d’autre qu’une garderie gratuite. Les enfants de ces familles réussissent peu à l’école. Autant on peut imaginer l’État apportant une aide matérielle aux démunis (nourriture, santé…), mais comment pourrait-il intervenir auprès de ces milliers de personnes qui dénigrent l’école, son rôle instructif, et ont le plus profond mépris pour son personnel ? Comment faire passer l’idée que l’école a une mission instructive qui nécessite du travail et des efforts et qu’elle n’est ni une garderie ni un centre de loisirs ? Mission d’autant plus difficile que les décideurs et la “pensée pédagogiquement correcte” ont œuvré depuis des années pour minorer la place des savoirs à l’école.