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lundi 30 décembre 2013

Bêtisier


La fin de l’année, traditionnellement, se prête aux bêtisiers. Dans les discussions autour de l’Enseignement Explicite, un thème revient systématiquement sous des formes multiples et variées. À elle seule, cette ineptie en vaut mille et possède l’intensité d’un trou noir.

En substance : l’Enseignement Explicite serait une dérive techniciste, un système scientiste propre à empêcher les enfants de penser, les transformant en rats de laboratoire, en perroquets dociles, pour enfin les dégoûter de l’école.

Mauvaise foi ou ignorance ? Un peu des deux sans aucun doute. Les personnes qui disent ainsi le bien et le mal en pédagogie n’ont jamais vu fonctionner de classe explicite, n’ont jamais vu d’élèves de ces classes et n’ont aucune idée des résultats qu’elles peuvent donner. Malheureusement pour elles, tout le monde sait aujourd’hui ce que donnent les méthodes constructivistes utilisées sans relâche depuis des décennies, en dépit des preuves maintenant connues de leur inefficacité.

Le scientisme. L’approche scientifique proposée par l’Enseignement Explicite est refusée, au prétexte que « le scientisme ne suffit pas à expliquer l’âme humaine ». Le but de l’enseignement n’est pas d’expliquer l’âme humaine mais de transmettre efficacement (c’est-à-dire en ayant pour but la maîtrise par les élèves des éléments transmis) un certain nombre de connaissances et habiletés.  Le courant hostile aux études scientifiques en éducation ne veut pas entendre parler de neuro sciences, de psychologie cognitive, de méga-analyses, d’observations de terrain. Pour lui, enseigner serait plutôt un art, voire un artisanat, en tout cas une activité au-delà de toute analyse, reposant sur une inspiration personnelle ou une idéologie dans laquelle les données mesurées n’ont pas leur place.

Quels sont donc les rapports de l’enseignement et de la science ? À mon sens, l’enseignement n’est pas une activité scientifique, mais il s’appuie sur la science et entretient avec elle des liens privilégiés. La science inspire la pratique enseignante (ex : les découvertes sur l’architecture cognitive ont des implications directes dans la structure des leçons) et elle la valide (en observant les résultats et l’efficacité). 

Bien évidemment, il y a des limites à l’utilisation de la science en enseignement qu’il s’agisse du  possible décalage entre les résultats de laboratoire et ceux obtenus en classe, ou de la frilosité des enseignants et des décideurs sur les expériences à grande échelle ou encore la possible illusion que l’utilisation de la science conduise à un seul modèle efficace. L’Enseignement Explicite est tout-à-fait conscient de ces restrictions. C’est pourquoi, il est mensonger de soutenir qu’il est une approche exclusiviste : au contraire, il se situe dans un courant plus général de recherche des pratiques efficaces. On ne trouvera nulle part que l’Enseignement Explicite est la seule voie vers l’efficacité. Il en est une parmi d’autres.

Cela étant, il y a deux principes de base sur lesquels l’enseignement doit s’appuyer : les principes incontournables (ex : l’enseignement doit s’accompagner d’une pratique), et les principes facultatifs dont l’efficacité est avérée et qui sont proposés aux enseignants (ex : travail en petits groupes, pratique chorale …). On ne dira jamais toute l’importance de ces fondements. L’enseignant, une fois qu’il les connaît et les maîtrise, est alors capable de construire sa classe dans une perspective d’efficacité. Les procédures explicites ont été suffisamment utilisées, vérifiées, étudiées pour que l’on puisse affirmer haut et clair que les élèves qui en bénéficient sont tout sauf des rats de laboratoire. Par contre, il n’en est pas de même pour les malheureux enfants qui subissent des méthodes constructivistes dont aucune étude et aucune mesure n’a montré l’efficacité. Qui sont les cobayes dans l’histoire ?[1]

La pensée. L’argument sur la pensée est fallacieux : il affirme que l’information ou l’habileté transmise directement va bloquer la pensée personnelle de l’enfant, car ce fait provient d’un tiers. Et que par conséquent, le contenu de son cerveau ne sera pas le sien. Tout comme si le cerveau de l’élève était une outre que l’on pourrait remplir à dessein afin que l’élève soit formaté pour recracher de temps en temps ce qu’il aurait ingurgité.  C’est méconnaître le fonctionnement du cerveau et ce qu’est l’acte de penser. 

La pensée, la pensée critique ne se construisent pas sur du vide, mais à partir d’informations contenues en mémoire. Il y a consensus sur la question en psychologie cognitive. La pensée critique s’installe sur du contenu solidement ancré et récupérable à tout moment. Et pour cela, il faut installer en mémoire à long terme ce contenu : pour cela, l’élève doit le comprendre puis le pratiquer régulièrement. 

On a fait croire aux enseignants que l’esprit critique et la pensée autonome pouvaient s’installer en l’absence de contenus ; c’est ainsi par exemple, que l’on prétend faire étudier à des élèves du primaire des documents historiques, alors qu’ils n’ont aucune connaissance pour le faire, même pas le cadre chronologique. L’Enseignement Explicite installe les contenus requis, les fait pratiquer, puis les fait utiliser dans des contextes variés ; c’est ainsi que se forme la pensée autonome.  Prétendre faire acquérir une pensée critique à des élèves qui n’ont pas les connaissances indispensables n’est autre qu’une mystification et du formatage des esprits.

La motivation. Quant à la motivation, c’est un serpent de mer qui plaît beaucoup en général. On vous explique que l’école et en particulier, l’école instructionniste, est ennuyeuse car pas assez ludique et trop éloignée des centres d’intérêt des élèves. Et que pour y remédier, il faut introduire du jeu, de la fantaisie, du plaisir, partir des désirs des enfants, du « vécu » comme on disait encore il y a une trentaine d’années. 

Une fois de plus, nous sommes en plein mythe. On part du principe (faux) que l’enfant fera mieux (sera motivé) ce qu’il a envie de faire naturellement. Déjà, il faudrait que tous aient les mêmes envies au même moment. Mais surtout, l’école n’est pas une chose naturelle, ce qu’on y apprend (la culture)  ne fait pas partie des apprentissages naturels. Par conséquent, c’est à l’enseignant de créer une motivation pour ses élèves. Tout enfant a un désir de connaître, de faire et de réussir et c’est à l’enseignant de l'initier au plaisir d’apprendre et surtout de réussir.

Il est évident que lorsqu’un élève est mis d’emblée dans une situation de complexité qu’il n’a pas les moyens de résoudre, il connaît l’échec et par suite la démotivation. C’est ainsi que faute d’avoir des classes actives (cognitivement) on obtient des classes agitées, rien de plus. En Enseignement Explicite, la motivation vient de la combinaison des efforts déployés avec la réussite obtenue. Aucun enfant ne rejette une tâche quand il y réussit, et a conscience de ses progrès. C’est ainsi que naît le plaisir d’apprendre.


  




[1]Ne devrait-on pas plutôt dire que  « Le constructivisme considère les enfants comme des rats de laboratoire cherchant leur chemin dans un labyrinthe complexe, avec des enseignants qui de temps en temps, les aiguillonnent. » Voir ici http://explicitementvotre.blogspot.fr/2013/10/des-eleves-seaux.html

2 commentaires:

  1. Je vous trouve trés dur avec le constructivisme. Je pense qu'un enseignant ne peut pas utiliser une seule pédagogie.

    Après du fait que vous parlez de science et de psychologie cognitive vous pourrez lire dans de nombreuses études que pour changer un système ou des personnes, il faut s'attaquer à tout ce qui est autour et non attaqué de manière critique les autres méthodes.

    Dans l'enseignement structuré dont vous traitez, je garde l'objectif de ma pédagogie rendre l'élève le plus autonome possible.
    Mon objectif c'est que l'élève est acquis le plus de compétences possibles sans avoir besoin d'un référent pour les mettre en place.
    Pour rendre l'élève autonome, il faut dans un premier temps le tenir par la main puis voir si il est capable d'aller un peu plus loin mais toujours vérifié ou il en est en répétant.

    On apprend en répétant et l'enseignant doit toujours vérifier si l'élève a bien compris et sait faire.

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  2. Mon propos dans ce billet est de répondre à des critiques non argumentées, faites à l’encontre de l’Enseignement Explicite.
    Contrairement à ceux qui lancent des anathèmes, j’explique pourquoi leurs critiques sont infondées.
    En appelant cela de la dureté vous entrez dans un registre émotionnel, qui disqualifie le débat, c’est souvent ce qui se produit quand on n’a pas d’élément tangible pour argumenter. Comme disait Rosenshine : « Show me the data. »

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