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dimanche 13 janvier 2013

Le bien-être à l'école en Enseignement Explicite


Je lisais récemment le dernier rapport du CAS (Centre d’Analyse Stratégique) sur le bien-être des enfants à l’école. Le préambule explique clairement l’existence d’un lien de corrélation entre bien-être, estime de soi et réussite scolaire. Il précise, dans une note de bas de page, qu'il s’agit bien de corrélation et non de causalité, cette dernière n’ayant pas été démontrée. Ce qui n’empêche absolument pas les rapporteurs d’en conclure que pour améliorer la réussite, il faut jouer sur le bien-être. On aurait tout aussi bien pu, puisqu'il n’y a pas lien de causalité, supposer (et non affirmer) qu'en améliorant la réussite scolaire, le bien-être et l’estime de soi seraient également améliorés. Voilà le type de raisonnement fallacieux qui corrompt les débats éducatifs depuis tant d’années. Dans la même veine, les notes (mauvaises) traumatisent les élèves et émaillent leur estime de soi ; supprimons-les ou alors ne donnons que de bonnes notes. Ce rapport nous annonce que finalement la plupart des élèves français aiment leur école, et propose des solutions pour ceux qui ne sont pas dans ce cas : former les personnels à la gestion des conflits par des méthodes de justice “restaurative”, prévenir le harcèlement en suivant les méthodes allemande et finlandaise (jeux de rôles, discussions, projets), pratiquer une évaluation positive, faire pratiquer la coopération et les travaux collectifs, initier des projets fédérateurs académiques, repenser les aménagements des espaces. Bref, les solutions habituelles.

Comment est-il possible qu'en France, aucun de nos “éducrates” ne se posent cette simple question : que faire pour que nos élèves aient de meilleures notes, c’est-à-dire maîtrisent ce qu'on leur a appris ? Et se questionnent en profondeur sur la façon dont on leur a enseigné. Il semblerait que cela ne fasse pas partie des questions envisageables par le pédagogiquement correct qui nous dicte le dogme depuis plusieurs décennies. Tout comme s’il n’était pas envisageable que l’échec d’un élève puisse être attribué, en partie au moins, à la méthode d’enseignement subie.
Qu'est-ce que le bien-être des élèves à l’école ? Quels sont les facteurs qui peuvent y contribuer ? Avant d’aller plus loin, il faut évoquer les buts de l’École. Car d’eux dépendent les moyens dont on va se doter pour les atteindre. Il est clair que ceux qui assignent à l’École pour but premier l’épanouissement des enfants, ne proposeront pas les mêmes moyens que ceux, dont je suis, qui disent que l’École doit instruire afin de former des citoyens éclairés. Par ailleurs, il est faux d’affirmer qu'une école qui instruit est incompatible avec une école qui épanouit. Mais il faut aussi prendre en considération un principe de base essentiel : tous les élèves sont capables d’apprendre. Le bien-être à l’école vient de la réussite scolaire [1]. Laquelle a aussi une incidence sur l’estime de soi. Tout commence donc par la réussite. C’est donc sur elle qu'il faut agir. Mais il faut agir véritablement et non pas se contenter de faire croire aux élèves qu'ils réussissent alors qu'ils ne le font pas. De toute façon, les élèves ne sont pas dupes. Les résultats du projet Follow Through ont montré de manière éclatante que les méthodes d’enseignement centrées sur les apprentissages scolaires favorisaient non seulement la réussite mais aussi augmentaient l’estime de soi. Alors que les méthodes centrées sur l’estime de soi (consistant à convaincre tous les enfants de leurs valeurs respectives) ne sont parvenues ni à une réussite scolaire ni à une amélioration de l’estime de soi. Dont acte.



Les raisons de l’échec scolaire ne sont pas toujours uniquement, comme on se plaît à le colporter, inhérentes à la condition sociale des élèves, sur laquelle l’école n’a pas de prise. Ou alors à une quelconque maladie ou déficience cognitive. Bien sûr, cela peut arriver, mais dans des proportions inférieures au nombre des enfants qui ne maîtrisent pas les compétences de base.

La réussite scolaire peut être améliorée avec des méthodes d’enseignement efficaces, et ce n’est pas une vue de l’esprit. Toutes les méthodes ne se valent pas. La recherche, américaine et canadienne, est là pour nous le montrer, mais curieusement nos chercheurs français n’en tiennent absolument pas compte. Les méthodes d’enseignement efficaces s’appuyant sur les données probantes (evidence based practices) utilisent des procédures de gestion de la matière ayant fait leurs preuves et s’appuyant sur ce que l’on sait du fonctionnement du cerveau lors des apprentissages. Ces procédures utilisent une gestion de classe tout aussi efficace, faisant vivre aux élèves la réussite liée aux efforts fournis, les habitudes de raisonnement, le respect des règles, le goût du travail bien fait et surtout ce que Carol Dweck appelle un esprit dynamique (savoir tirer parti de ses erreurs afin d’apprendre plus). À cela, s’ajoute la pratique des encouragements positifs qui consiste à féliciter l’élève abondamment, sur ses actions, ses résultats liés aux efforts et non sur ses qualités personnelles ou innées.

Les classes d’enseignement explicite permettent même aux élèves en difficultés de progresser, pour la simple raison que cette pratique pédagogique met tous les atouts du côté des élèves. Ainsi, on s’assure par exemple de la maîtrise des connaissances préalables avant d’aborder un nouveau concept ou habileté, on progresse pas à pas, on laisse le temps pour la pratique, on vérifie la compréhension, on ne laisse jamais les raisonnements erronés se figer dans l’esprit des élèves, on pratique la rétroaction, on fait des révisions fréquentes. Tout cela permet aux élèves d’avancer dans un cadre rassurant et structuré de savoir exactement ce qu'il va apprendre et de quelle façon il s’y prendra. Dans ces conditions, rares sont les élèves qui ne parviennent pas à un résultat. L’enseignant explique que les efforts fournis, ajoutés aux stratégies utilisées conduisent à la réussite ; mais il ne fait pas que l’expliquer, il le prouve. Et l’enfant qui réussit, aussi petite soit sa réussite, prend goût au travail scolaire. En pratiquant les encouragements positifs à grande échelle, en pointant chaque fois le lien entre efforts et résultats l’Enseignement Explicite développe chez les élèves un esprit dynamique.

L’effort, tant décrié en éducation, est pourtant nécessaire et il n’est pas forcément synonyme de souffrance. L’enfant qui voit ses efforts récompensés ne souffre pas mais au contraire développe le désir d’apprendre plus. C’est ainsi qu'apparaît le plaisir d’apprendre. Contrairement à une idée courante, le plaisir à l’école ne vient pas de l’assouvissement des besoins immédiats, ni du jeu, c’est un plaisir scolaire, nouveau, celui d’apprendre. Comme toutes les choses scolaires, le plaisir d’apprendre est culturel, il n’est pas inné ; c’est le rôle de l’enseignant que de l’y initier. L’enfant qui a plaisir à apprendre vient volontiers à l’école car il a intégré l’idée que ses efforts sont récompensés; son estime de soi augmente, il connaît le bien-être.
Le bien-être à l’école est le fruit d’une réussite scolaire qu'il est possible d’améliorer en commençant par s’interroger sur l’efficacité des méthodes pédagogiques actuelles.

 [1]. La recherche sur l’estime de soi l’a bien montré. Voir les travaux de Carol Dweck, ceux de Jean Twenge ainsi que les résultats du projet Follow Through.


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