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vendredi 18 janvier 2013

La "finlandisation des esprits"



Je n’ai pas trouvé d’autre expression que celle-ci pour décrire ce qui est le fruit d’une campagne de presse intensive depuis nombre d’années : la Finlande est devenue en matière éducative, l’inaccessible mythe, le pays où coulent le lait et le miel de la pédagogie constructiviste, le rêve devenu réalité. Cela fait partie des idées reçues, des évidences que l’on ne discute même plus. J’ai regroupé ci-dessous quelques éléments donnant à voir de quoi est composé cet « Eden pédagogique » et quelques pistes de réflexion. Ce modèle idéal a été diffusé par les tenants du modèle constructiviste, ce qui est logique, étant donné que la Finlande
fait partie de ce courant pédagogique.


* Principe de base : l'élève ne doit pas s'adapter à l'école mais l'école doit s'adapter à l'élève.
* Un système très décentralisé : le programme d'enseignement est défini par la Direction nationale de l'enseignement (objectifs, critères d'évaluation). Dans le respect de ce cadre, les écoles et les communes déterminent leurs propres programmes. Les communes et les directeurs recrutent les enseignants. 
* La taille des écoles est raisonnable : pas de collège de plus de 400 élèves, pas de lycée de plus de 500 élèves.
* Le principe du chèque - éducation est utilisé.
* L’école obligatoire à 7 ans
*L’encadrement des élèves révèle de gros moyens : nombreuses assistantes maternelles dans les jardins d’enfants et à partir de la scolarité primaire, un enseignant et un assistant d'éducation pour 20 élèves. Des professeurs supplémentaires sont disponibles pour aider les élèves en difficulté.
* L’enseignement spécialisé : le dépistage est précoce (dès le jardin d'enfants) et les classes spécialisées sont limitées à 5 élèves. Chaque école possède un maître spécialisé.
* Le statut de l’école et de l’enseignant dans la société : l’école est encensée, et les enseignants ont un statut bien plus prestigieux qu'en France, ils sont respectés.
* Les salaires des enseignants[1]

Première colonne : salaire initial; deuxième colonne : après 15 ans ;troisième colonne :salaire maximal

Les enseignants bénéficient de primes lorsque les objectifs sont atteints [2]
* La pédagogie :

  •     La pédagogie est de type constructiviste.
  •    Il n’y a de notation chiffrée en primaire ; l’autoévaluation est pratiquée dès la petite enfance.
  •     L’enseignement de la lecture commence à 7 ans, par une méthode syllabique.
  •     Les redoublements pratiquement inexistants.
  •     Les élèves en difficulté ont à leur disposition un maître spécialisé supplémentaire ; celui-ci prend en charge des groupes de 5 élèves maximum.
  •     Les élèves primo arrivants (principalement russes) suivent un cours intensif de finnois et sont partiellement intégrés avec 1 assistant bilingue pour 5 élèves.
  •     Il n’y a pratiquement pas de devoirs à la maison.
* Les rythmes scolaires : 190 jours sur l’année, 19 semaines de vacances.
CP (classe 1 âge 7 ans) et CE1 : 19 heures hebdomadaires.
CE2 et CM1 : 23 heures hebdomadaires.
CM2 : 24 heures hebdomadaires.
Du CP au CM2 : 45 min de classe + 15 minutes de récréation.
* L’évaluation des enseignants. Il n'existe pas de système d'inspection d’état ni de corps des inspecteurs. Les établissements sont dans l'obligation annuelle de rendre publics leurs résultats et leurs principes de fonctionnement. Des primes sont accordées aux enseignants quand les objectifs sont atteints.

Les évaluations internationales regroupent TIMSS/PIRLS et PISA, tests qui ne mesurent pas les mêmes choses. TIMSS/PIRLS sont fondés sur les connaissances disciplinaires (élèves de CM1 et 4ème). PISA (élèves de 15 ans) évalue comment les élèves mettent en application ce qu’ils ont appris dans le cadre de situations problèmes. Les écoles finlandaises préparent au PISA, auquel elles participent régulièrement. Par contre, elles ne participaient plus au TIMSS depuis 1999 et y ont à nouveau participé en 2011.

Pour une lecture approfondie de l’analyse des résultats de la Finlande, on se reportera à au texte de Pedro Cordoba qui conclut que la Finlande n’a pas autant chuté que certains commentateurs veulent le faire croire, tout en soulignant la faiblesse de l’enseignement des mathématiques dans ce pays, révélée par TIMSS. Peu de personnes savent qu'en 2005, une pétition de 200 mathématiciens universitaires finlandais a exprimé son inquiétude quant au piètre niveau des étudiants, ne possédant pas les compétences nécessaires à leurs études, dans des domaines comme par exemple la manipulation des fractions.

Mais on sait aussi qu'en 2011, les élèves finlandais, sont seulement 15 % à déclarer aimer beaucoup l’école [3]; en 2003, 25% seulement déclaraient faire des mathématiques car cela leur plaisait et 45% car ils apprenaient quelque chose.

Quand on creuse un peu, on constate donc que la réalité n’est pas aussi idyllique qu'on le laisse croire.  La réputation du modèle finlandais a été surfaite  par le courant constructiviste afin de promouvoir cette façon de d’enseigner. Et les facteurs non pédagogiques, qui sont très nombreux, contribuant à l’explication de cette réussite sont soit occultés, soient minorés alors que rien ne permet de le faire. En corollaire, on notera également que la montée des pays asiatiques qui dépassent la Finlande ne fait l’objet d’aucun enthousiasme, d’aucune curiosité qui consisterait à considérer les facteurs permettant cette réussite, y compris pédagogiques. Tout au mieux se contente-t-on de déplorer à l’aveuglette leurs méthodes coercitives et de railler leurs « mamans tigres ».










[1] http://www.formapex.com/comparaisons-internationales/636-salaires-des-enseignants-du-primaire-ocde


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