Une étude
récente, menée par l’université de Stanford, montre que la majorité des
collégiens américains est incapable d’esprit critique en matière d’articles d’information
et prend pour argent comptant tout écrit, y compris des articles sponsorisés. Les
jeunes sont particulièrement crédules lorsque les informations s’accompagnent
de supports visuels. Si cela n’est guère surprenant quand on a l’habitude de
fréquenter des élèves, on ne manquera pas de noter que ces élèves crédules ont
été formés via des méthodes pédagogiques censées développer l’esprit critique
des jeunes ; c’était là une vertu cardinale revendiquée haut et clair.
En même temps qu’un allègement
régulier des contenus des programmes s’opérait, on insistait donc sur des
procédures permettant d’acquérir l’esprit critique. Par exemple, apprendre à
questionner un document : qui l’a écrit ? dans quel but ? dans
quelles circonstances ? pour qui ? qui était l'auteur ? Apprendre à
croiser avec d’autres textes traitant du même sujet. Toutes procédures
utilisables dans de multiples domaines. Ces procédures sont certes utiles mais
il leur manque un élément essentiel : la culture qui doit obligatoirement
les accompagner. Pour savoir si un texte est destiné à vous manipuler ou à vous
berner, il est indispensable d’en savoir un minimum sur le sujet. Seul un
certain niveau de connaissances permettra une lecture critique. Bien sûr, nous ne pourrons
jamais être des experts universels ; mais il y a un minimum requis si nous
ne voulons pas que les futurs adultes deviennent des cibles faciles pour les
multiples formes d’endoctrinement qui existent aujourd’hui.
Le problème avec cette
approche est qu’elle se trouve en opposition complète avec la pensée
pédagogique dominante pour qui l’instruction passe en second plan. E.D. Hirsch
a longuement écrit sur la question et expliqué l’importance capitale de l’arrière-plan
culturel dans le processus éducatif. Il a par exemple beaucoup insisté sur l’inutilité
d’obliger les élèves à utiliser des stratégies de compréhension (qui, quand,
quoi…) si ces mêmes élèves n’ont pas un minimum de culture correspondant au
thème du texte étudié. Il appelle cela le formalisme,
il s’agit de faire passer en premier les outils mentaux et de négliger les
contenus culturels. Les stratégies de compréhension sont utiles mais si et
seulement si elles s’accompagnent de la culture nécessaire.
Malheureusement, à l’heure
actuelle, l’acquisition durable de connaissances culturelles est le parent
pauvre des programmes d’enseignement. Elles ont peu à peu disparu des ambitions
éducatives au profit de processus de substitution qui en soi, n’ont aucun sens.
Donnons un exemple : demander de rédiger un commentaire historique de l’Édit
de Nantes à quelqu’un qui maîtrise parfaitement la méthodologie de cet exercice
mais qui ignore tout et de cette loi et de la situation politique et religieuse
de l’époque.Il en sera totalement incapable.
Tant que l’on s’entêtera à
mépriser les contenus culturels au profit de savoir-être et de savoir-faire,
qui ne sont que des coquilles vides s’ils ne sont pas accompagnés de
connaissances, les choses ne changeront pas. On sait aujourd’hui qu’Internet
est partout, et qu’il véhicule des milliards d’informations ; que le
meilleur y côtoie le pire. Et que le pire y excelle, se développant sur la
crédulité des gens. Face à cela, il devient urgent
de donner aux citoyens de demain les moyens de distinguer le bon grain de l’ivraie. Cela
passe par l’acquisition d’un bagage culturel. Et par conséquent d'une véritable réforme des buts et ambitions de l’École.
Voir aussi D.Willingham La
pensée critique
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