Le très conservateur centre
Alain Savary a encore frappé sur la question des méthodes efficaces, sous la
plume cette fois-ci, de Roland Goigoux ; une première salve avait été
donnée en janvier 2016, ce qui m’avait donné l’occasion de publier un billet dans
mon blog, afin de clarifier un certain nombre de points face à cette OPA sur le
terme explicite, lancée par la sphère constructiviste.
Aujourd’hui, Roland Goigoux,
dans un texte supposé délivrer la vérité aux futurs formateurs, donne 5
orientations majeures pour la formation des futurs enseignants. Le but n’est
pas ici de critiquer ces points sur le fond, même si cela se révèlerait fort
intéressant. à la lecture de ce
texte, il m’est apparu que l’auteur voudrait s’inspirer d’une grille couramment
utilisée par la recherche en pratiques efficaces mais en y adjoignant un
contenu d’essence constructiviste. Il est clair que la recherche en pratiques
efficaces le séduit, mais par contre, il déplore ses conclusions, trop
péremptoires à son goût. Ainsi, il parle de professionnalisme enseignant
(curieusement avec des guillemets, je n’ose imaginer que ce sont des guillemets
d’ironie), d’efficacité des pratiques « validées par la recherche »,
de EVB (evidence based practices) ; il évoque les méta-analyses mais ne les cite pas et c’est dommage. Ces critères
malheureusement ne sont que des coquilles vides. Afin que l’on ne se trompe pas
sur ses intentions, M. Goigoux se défend de reconnaître à ce qu’il appelle l’instruction
directe, l’efficacité pour tous et en toutes circonstances. À cette fin, il
ressort un élément de langage, certes éculé, consistant à dire que « lorsque certains courants de recherche tentent de faire croire que certaines
démarches seraient intrinsèquement meilleures que d’autres, ils se trompent ».
À affirmer de telles accusations pourquoi rester dans le flou ? Pourquoi
ne cite-t-il pas le nom de ces courants pédagogiques qui semblent tant
l’inquiéter ? Pourquoi ne cite-t-il pas les méta-analyses qui confortent
ses propos ? (« Show me the data », comme se plaisait à dire
Rosenshine) S’il a à cœur de former efficacement les formateurs, ne devrait-il
pas les informer sur ces dangereux courants pédagogiques qui prétendent
connaître des méthodes plus efficaces que d’autres ? Plutôt que de dire le
bien et le mal en pédagogie, pourquoi ne pas former les formateurs et surtout les
futurs enseignants à être capables par eux-mêmes d’utiliser les résultats de
toutes les recherches pour définir leur propre pratique. On parle aujourd’hui outre
Atlantique de neuro-éducation
à l’attention des futurs enseignants, un nouveau champ disciplinaire, créé au
départ pour mettre fin aux neuromythes crus par les enseignants et diffusés par
les formateurs. Il serait très utile d’élargir ce champ à l’étude des
recherches et à l’aptitude à évaluer, sur des critères scientifiques, leur
validité. Mais de toute évidence, les formateurs de formateurs français ne sont
pas prêts à cette innovation.
De fait, ceux qui soutiennent que
certaines démarches sont meilleures que d’autres, ne se trompent pas. Il y a consensus sur la question. C’est ce
que dit la recherche à l’heure actuelle, les méta-analyses, les sciences
cognitives, les expérimentations de grande ampleur, bref tous les outils vers
lesquels lorgne M. Goigoux. Par exemple, nous savons aujourd’hui que les
pratiques peu guidées sont moins efficaces que les pratiques avec un fort
guidage, comme l’Enseignement Explicite. Cela ne veut pas dire qu’il n’existe
qu’une seule méthode efficace. D’ailleurs, la recherche n’a pas dit son dernier
mot.
J’en arrive enfin à la perle
de ce texte, celle qui vaut son pesant d’or et m’a extirpée de ma léthargie automnale
pour prendre ma plume électronique. Alors que depuis quelques années déjà, il y
a eu une OPA sur le terme explicite et ses dérivés par les constructivistes,
non pour modifier en profondeur leurs pratiques, mais plutôt dans une perspective
générale de relooking, M. Goigoux ose parler de « hold up sémantique » et accuse les praticiens de l'instruction directe de s'approprier le terme ! L’Enseignement Explicite (avec majuscules, pour
désigner la pratique définie par Barak Rosenshine) existe depuis 1976. Depuis
quelques mois, tout au plus une paire d’années, les partisans des pédagogies
actives émaillent avec frénésie leurs écrits, de termes comme explicitation, explicitement,
expliciter, dans un bazar dont ils ont le secret et ont l’audace de venir
reprocher aux partisans des méthodes explicites l’utilisation d’un terme qui
est au centre de leur pratique depuis des années. À ce stade de l’argumentation,
je pense qu’il est vain d’expliquer encore et encore ce qu’est l’Enseignement
Explicite et la signification des majuscules dans cette appellation, c’est sans
doute trop difficile à comprendre…
Alors, à votre avis, qui a véritablement
perpétré le « hold up sémantique » ?
❋
Pour en savoir plus sur la
différence entre Direct Instruction et direct instruction :
Pour en savoir plus sur la
différence entre enseignement explicite et Enseignement Explicite :
Pour une mise au point
terminologique plus générale :
Pour en savoir plus sur les
données probantes :
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