Les
résultats de l’enquête
Talis 2013 viennent de paraître. Il s’agit d’une enquête internationale
s’interrogeant sur « les environnements d’enseignement et d’apprentissage
dans les établissements d’enseignement. » L’une des thématiques abordées
était : convictions, attitudes et pratiques pédagogiques des enseignants.
Ce
qui saute aux yeux est le décalage entre les convictions annoncées des
enseignants et leurs pratiques de terrain. Le rapport constate la position
dominante de l’idéologie constructiviste, dans les esprits tout au moins, comme
il constate aussi dans les pratiques, des usages beaucoup plus directs et
transmissifs, désignés par les rapporteurs sous le terme évocateur de
« pratiques passives ».
Arrêtons-nous
un instant sur cette dénomination. Elle révèle une méconnaissance absolue de ce
qu’est un enseignement direct transmissif et contribue à la diffusion de ce
mythe consistant à faire croire que les élèves concernés deviennent passifs,
tout autant que les enseignants qui le pratiquent ; autrement dit, cela
contribuerait à faire des élèves des imbéciles malléables, dépourvus de tout
sens critique. L’image de « l’élève
cruche » que l’on remplit, est très répandue pour illustrer ce mythe. Il
est possible que cette croyance repose sur le souvenir de la pédagogie
traditionnelle et des cours magistraux dispensés à des élèves, sans souci d’interaction
avec eux et sans souci du devenir des connaissances transmises. Cela n’excuse
pas la généralisation. Un enseignement transmissif direct, tel que par exemple,
l’enseignement explicite, est tout sauf une pratique passive, ni pour l’enseignant,
ni pour les élèves. Pour se faire une idée des raisons à cela on se reportera à
ces articles.
La passivité
des élèves repose sur au moins 3 raisons : l’élève ne comprend pas ce qu’on
attend de lui ; l’élève comprend ce qu’on attend de lui mais n’a pas les
moyens cognitifs pour réaliser la tâche (il n’a pas les connaissances et
habiletés préalables) ; l’élève est déjà en échec scolaire et a intégré l’idée
que de toutes façons, il n’y parviendrait pas. Voilà 3 éléments qui sont
induits par une pratique constructiviste, trompeusement qualifiée « d’active ».
En effet, laisser découvrir les élèves qui n’ont pas forcément les moyens de
trouver la solution, les plonger d’emblée dans la complexité, ne pas vérifier
les connaissances pré-requises, ne pas assigner d’objectif d’apprentissage
clair et précis, voici quelques principes constructivistes de base qui, on le
comprendra facilement, laissent de côté un grand nombre d’écoliers, lesquels s’installent
dans l’échec et prennent en grippe les apprentissages scolaires, développent des
problèmes de comportement. Nous avons tous vu des ateliers de recherche par
groupes dans lesquels 1 ou 2 élèves au mieux sont actifs et les autres,
complètement dépassés attendent que le temps passe, quand ils ne perturbent pas
le groupe tant ils s’ennuient.
D’ailleurs, l’enquête
elle-même remarque que les enseignants avouent utiliser les pratiques dites « actives »
pour les bons élèves et des pratiques transmissives dites à tort « passives »
pour les élèves faibles ou en difficulté. Si le constructivisme était si
efficace que la légende le laisse croire, on ne se heurterait pas à cette
évidence de terrain. Il faudrait par conséquent aller beaucoup plus loin ce qui
nécessiterait un certain courage de la part des décideurs de l’éducation. Le
moyen le plus simple serait de convoquer
les données probantes.Les études,
enquêtes, méta et méga-analyses expliquent depuis des décennies en long et en
large qu’un enseignement guidé, direct et transmissif est bien plus efficace qu’un
enseignement gentiment nommé « faiblement guidé ».
Alors, même
si les croyants praticiens constructivistes restent attachés à leurs
convictions non étayées de preuves, ce qui est le propre d’une religion, ils avouent
utiliser des pratiques transmissives en classe ; cela signifie que la formation (ou plus
exactement le formatage) subie n’est pas aussi solide que cela. Si les
pratiques transmissives persistent, même clandestinement, en dépit de toute la
désinformation effectuée à leur encontre, cela signifie qu’elles ne sont pas si
inefficaces qu’on le prétend. Il y a aussi beaucoup d’enseignants, qui, par la
force des choses, ont appris à distinguer les paroles des actes ; ils
savent très bien tenir le discours officiel pédagogiquement correct, mais une
fois dans leur salle de classe, ils ont toute liberté de faire ainsi qu’ils l’entendent.
Il est à déplorer que les pratiques transmissives ainsi réalisées dans la
clandestinité et sans y avoir été formés (puisqu’elles ne font pas partie des
pratiques encouragées lors de la formation initiale), sont parfois dévoyées et se
résument trop souvent à une pédagogie traditionnelle et magistrale telle qu’elle
existait dans les années 50.
Quoi qu’il en
soit, il serait temps qu’une prise de conscience honnête ait lieu. Au lieu de
cela, le rapport conclut « qu’afin
de favoriser un enseignement actif et l’acquisition des compétences dont les
élèves ont besoin pour réussir dans la vie, les systèmes doivent aider les
enseignants à trouver le juste équilibre entre leurs pratiques et des méthodes
plus actives, en leur proposant par exemple des activités de formation continue
ciblées sur les pratiques pédagogiques actives. »
Autrement
dit, le constructivisme a donné les preuves matérielles et théoriques de son
inefficacité, sur plusieurs décennies, sur de nombreux pays, mais il faut tout
de même persévérer dans cette voie. Pourquoi ? Par fidélité idéologique,
par acte de foi. Proposer toujours les mêmes solutions en espérant des
résultats différents n’est-il pas communément qualifié d’acte de folie ?
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