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dimanche 21 septembre 2014

Vous avez dit explicite ?

À lire le titre du clip, une interview par Philippe Meirieu de Jean-Yves Rochex, Une pédagogie explicite pour une pédagogie non sélective, on pourrait en avoir l’eau à la bouche. En effet, l’Enseignement Explicite est de loin la pratique la moins élitiste socialement car elle permet à tous les élèves, y compris ceux issus de milieux culturellement défavorisés, d’apprendre. Hélas, quelques instants après le titre, on réalise la tromperie : l’interview n’a rien à voir avec l’Enseignement Explicite. L’absence de majuscule n’était donc pas une erreur. Non, M. Meirieu n’est toujours pas arrivé dans le monde réel. Les constructivistes restent ancrés dans leurs croyances.

Rochex évoque ses travaux qui, dit-il, s’intéressent à l’enseignement explicite et « font  vivre une filiation » avec les deux sociologues qui en seraient à l’origine, Viviane Isambert Jamati et Basil Berstein. À cet instant même, on comprend qu’il ne s’agit pas d’Enseignement Explicite et qu’on reste bien dans le cadre franco-français de l’Éducation, qui préfère prendre son inspiration sur les idées des sociologues plutôt que sur des données tangibles et purement pédagogiques. L’un des reproches majeurs, entre autres, qui est régulièrement fait au constructivisme est son aspect élitiste. Meirieu y est sensible et ce clip est une tentative bien gauche pour s’en défaire. 

Quant à la description de cette « pédagogie explicite », elle est assez cocasse pour quiconque connaît l’Enseignement Explicite.
Rochex : «  La question de l’explicitation est compliquée il suffit pas d’expliciter en paroles »…  « L’explicitation c’est de pouvoir faire que les élèves éprouvent. »
Meirieu abonde : « Il faut qu’ils soient dans des situations explicites, pas seulement devant des propos explicites. »
Rochex : « On peut avoir des discours qui coexistent avec l’enfermement dans des tâches et qui ne sont d’aucune utilité, même s’ils permettent de dire qu’on a explicité. »
Meirieu reprend : « Avoir des discours qui expliquent, qui répètent mais maintenir des tâches enfermantes. »

Puis, Rochex explique que de toutes façons, les élèves réinterprètent les consignes ou tâches assignées et que chacun a sa propre manière de faire ; par conséquent, il faudrait former les enseignants  à détecter ces façons spécifiques et à ne pas se contenter de résultats corrects, ce qui compte n’étant pas le bon résultat mais la manière dont on y est parvenu. Et Meirieu d’évoquer les attitudes de divination et de débrouillardise de certains élèves qui parviennent à un résultat mais qui selon lui, n’ont pas réalisé le travail intellectuel attendu d’eux.

Au vu de tout cela, rien de nouveau sous le soleil, tous les dogmes constructivistes sont bien là : chaque élève a sa manière d’apprendre, l’enseignant doit s’y adapter, les résultats ne sont pas le signe que l’élève a bien appris, la « débrouillardise » évoquée par Meirieu n’est pas un travail intellectuel. Au passage, s’il y a une pratique qui favorise la débrouillardise qu’il critique ici, c’est bien le constructivisme car il ne donne pas aux élèves les outils pour penser tous seuls et seuls ceux qui sont un peu débrouillards peuvent s’en sortir. Mais il n’est pas à une contradiction près.

Bref, ce clip ne parle pas d’Enseignement Explicite. Comment en effet pourrait-on envisager, même en 5 minutes, parler de cette forme pédagogique sans mentionner les données probantes, les noms de Rosenshine, Engelmann, Carnine, Archer ou les chercheurs canadiens tels que Gauthier, Bissonnette et Richard ? Cette tentative maladroite révèle que l’Enseignement Explicite dérange. Pourquoi ?  Car il obtient des résultats, tout en se revendiquant en complète opposition aux dogmes en vigueur. Car il introduit dans le domaine éducatif les données probantes.  Car certains pays, plus ouverts que nous,  utilisent déjà les données probantes pour la prise de décision pédagogique (États-Unis, Australie). Sinon, pourquoi ces deux chantres du constructivisme qui ne jurent que par situations problèmes, méthodes de découverte et enseignement différencié voudraient-ils absolument introduire dans leur langue de bois un adjectif qu’ils abhorrent ? Sans doute croient-ils aux vertus incantatoires de ce mot qui, saupoudré dans un discours dont le fond reste inchangé, pourrait peut-être redorer le blason d’une pratique pédagogique devenue obsolète.  






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