Parmi les idées
fausses qui courent dans le monde éducatif, il en est une qui passe inaperçue,
tant elle coule sous le sens. Elle consiste à dire que les enfants d’aujourd’hui
ont des aptitudes innées pour les nouvelles technologies, et ce par le seul
fait qu’ils sont nés dans une ère numérique. Voyons de plus près ce qu’en
disent les chercheurs et en particulier Paul A.Kirschner et Jeroen J.G. van
Merriënboer.[1]
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L’idée courante
est que ces enfants sont naturellement doués pour les nouvelles technologies.
On les dit aptes à construire tout seuls un apprentissage efficace à partir
d’informations audio-texto-visuelles, aptes à résoudre des problèmes, aptes à
communiquer, aptes à réaliser plusieurs tâches en même temps. Tout se passe
comme si ces enfants-là par le seul fait d’être nés dans leur époque, étaient
très performants dans l’environnement
technologique. Les enseignants eux-mêmes diffusent ce genre de pensée. On peut
donc s’étonner que les mêmes enfants réussissent si peu à l’école, où l’on fait
aussi appel aux technologies et où les principes pédagogiques vont aussi dans
le sens d’un auto-apprentissage par découverte.
Le terme digital native (enfant du numérique) a
été inventé par Prensky (2001-2006). Ce faisant, il voulait simplement mettre
un mot sur ce qu’il observait autour de lui, à savoir des enfants environnés
d’ordinateurs, de jeux vidéo, de web cams, de téléphones portables…et il a posé
comme principe qu’ils maîtrisaient cet environnement.
Le terme Homo Zappiens, lui, a été inventé par
Veen et Vrakking (2006) en référence à une nouvelle génération d’apprenants supposés
apprendre différemment de leurs prédécesseurs. On parle aussi de Génération
Internet, iGeneration , Génération Google.
Selon Veen et
Vrakking, les enfants de cette génération développent tout seuls les habiletés métacognitives
nécessaires pour un apprentissage par enquête, basé sur la découverte, ils
apprennent par le net, par expérience, par collaboration, par l’action, par
l’auto-organisation et l’auto-régulation, par la résolution de problèmes et en
rendant leurs propres savoirs implicites, explicites pour les autres.
La question alors
est de savoir si cette génération telle que décrite existe vraiment. Nombre de
recherches se sont penchées sur la question. Elles proposent plusieurs conclusions :
Les étudiants de
la iGeneration utilisent un nombre
limité de technologies, ils n’en n’ont pas une connaissance approfondie et se
comportent en utilisateurs basiques des suites bureautiques, des messageries,
des textos, des réseaux sociaux et de la navigation sur la toile. Ils ont
besoin de formation et d’un entraînement pour apprendre comment la technologie
peut être utile à l’apprentissage et à la résolution de problèmes. Quand ils
utilisent la technologie pour apprendre, cela se limite à une consommation
immédiate et passive de l’information ou à un téléchargement de notes de
lecture par exemple.
Un rapport rédigé
par la British Library and JISC (P. Williams & Rowlands, 2007) s’attaque à l’hypothèse
très répandue selon laquelle la Google génération serait plus érudite sur le
web. La conclusion est que “beaucoup de commentaires surestiment
l’impact des technologies sur les jeunes et que l’omniprésence de la
technologie dans leurs vies n’a pas eu pour conséquence l’amélioration de la
recherche et l’obtention d’information ou l’évaluation des habiletés. »
(p. 308). Les apprenants,
devant un ordinateur, se comportent comme des papillons butinant les
informations sur l’écran, avec plus ou moins de succès. Ils volètent d’une
information vers une autre sans être capables d’en évaluer la pertinence. Ce
cheminement ne suit aucun plan particulier. C’est ce que l’on appelle le défaut
du papillon (signalé par Salomon et Almog,1998).
Les apprenants, à force de clics, oublient ce qu’ils cherchent et n’apprennent
pas en profondeur, au mieux ils recueillent un amas d’éléments plus ou moins
pertinents.
Une étude par
Valtonen et al. (2011) s’est penchée sur les connaissances technologiques des
enseignants de cette génération et l’utilisation qu’ils en font dans leur
enseignement. Les résultats ont montré une utilisation très limitée et que par
exemple, les médias sociaux étaient utilisés comme source d’information passive
et non comme un outil pour créer du contenu, interagir avec les autres ou
partager des ressources. Il en a été conclu que l’aptitude de cette génération
d’enseignants pour adopter et adapter les nouvelles technologies dans
leur enseignement est discutable.
Un article de
Selwyn (2009) a déterminé que l’implication des jeunes dans les technologies
digitales est surfaite par rapport à la réalité. Dans une revue critique portant sur les
preuves relatives au débat sur les enfants numériques, Bennett, Maton, and
Kervin (2008) concluent à un réel décalage entre la confiance avec laquelle les
affirmations sont faites et les preuves sur lesquelles elles reposent.
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[1]
Do Learners Really Know Best?
Urban Legends in Education
Paul A. Kirschner et Jeroen J. G. van Merriënboer
(EDUCATIONAL PSYCHOLOGIST, 48(3), 169–183, 2013)
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