Campagne présidentielle
oblige, chaque candidat se penche sur l’École. En consultant les programmes des
principaux candidats [1], je ne constate rien de
nouveau sous le soleil. Si on poussait la naïveté jusqu’à y croire, on pourrait
imaginer des lendemains éducatifs qui chantent et une école désormais efficace.
Mais malheureusement, le mot efficacité ne s’affiche pas vraiment en titre de programme.
Toujours les mêmes antiennes, en voilà quelques-unes,
pêle-mêle, je vous laisse déterminer si elles sont de droite, de gauche, du
milieu ou d’une autre planète.
Les apprentissages
fondamentaux, l’épanouissement de l’élève, les uniformes (appelés aussi, dans
un souci de ne pas heurter, « tenues vestimentaires spécifiques ») ,
le combat pour le primaire, la baisse des effectifs dans les classes
difficiles, la scolarité obligatoire à 5 ans, à 3 ans, la mixité sociale dans
les écoles, la laïcité, le boulier pour le calcul, le numérique, les stages de
remise à niveau, le rétablissement du redoublement, l’examen de passage en 6ème
, l’augmentation des salaires, le recrutement de 60 000 enseignants,
l’abandon du socle commun, le rétablissement de l’autorité des enseignants,
encore plus de parents dans l’école, retour de la pédagogie classique et éprouvée, le
lever du drapeau dans les écoles qui le désirent, de l’argent public pour l’école
publique, la politesse et le vouvoiement, l’abrogation de la réforme du collège, la priorité à
l’éducation artistique, la suppression des ELCO, les devoirs pendant le temps
scolaire…
Même si certains candidats ont
fait un effort de présentation, on sent bien l’absence de structuration et
d’articulation des idées. Il s’agit d’énumérer des actions ou des intentions,
de préférence à fort impact dans l’imaginaire collectif (ex : les
uniformes, le numérique) afin d’attirer le chaland. Ainsi, certains annoncent
qu’il faut restaurer l’autorité de l’enseignant. Mais aucun n’explique comment
il va s’y prendre, ni les raisons de cette perte d’autorité ; ce n’est pas
en permettant ou en obligeant le port de l’uniforme que l’autorité de
l’enseignant sera restaurée. Autre exemple, il faut plus de parents dans
l’école. Sans expliquer pourquoi cette mesure (déjà en œuvre depuis très longtemps)
permettrait une amélioration des résultats.
En aucune manière, il n’est question d’ouvrir les yeux sur les causes de
l’échec de l’École et d’y apporter une réponse basée sur des données tangibles.
Voyons ce qui concerne les
apprentissages à proprement parler.
Beaucoup parlent des
apprentissages fondamentaux ; cela fait des années que l’on nous proclame
le retour aux fondamentaux. Or, depuis le temps, aucun progrès sur le niveau
des élèves, justement dans ces matières fondamentales (comme dans les autres
d’ailleurs). Pourquoi ? Cela ne vient à l’idée de personne qu’il faudrait
se pencher sur les méthodes de transmission de ces fondamentaux. Pourtant
certains sont bien critiques à l’égard des gouvernants précédents.
Un seul candidat évoque un
changement pédagogique par le retour à une « pédagogie classique et
aux pédagogies éprouvées ». Mais, qu’est-ce que la pédagogie
classique ? Sans doute la façon de faire d’antan. Que sont les pédagogies
éprouvées ? S’agirait-il des pratiques basées sur les données
probantes ? Nous n’en saurons pas plus. Le même, propose la méthode de
lecture alpha syllabique pour la lecture ce qui est une bonne chose en soi Puis, dans la lancée, le boulier est
élevé au rang de méthode pédagogique pour le calcul. Je note par ailleurs que
les mathématiques disparaissent au profit de l’arithmétique seule. Il y a chez
un autre candidat également une proposition pédagogique, celle de la
différenciation et de l’individualisation. Alors que la recherche montre que
cela n’est en rien efficace.
Certains proposent l’augmentation
du temps d’enseignement consacré à ces fondamentaux. Or, sans une méthode
efficace pour les transmettre, l’enseignant pourrait passer toutes les heures
de la semaine sur la question, il n’y parviendra pas mieux. De la même manière,
la baisse des effectifs dans les classes difficiles, est certes plus
confortable pour les élèves comme pour l’enseignant, mais si elle ne
s’accompagne pas d’une méthode pédagogique dont l’efficacité est avérée, elle
n’améliorera pas les résultats de manière tangible. La recherche l’a également
démontré.Quant aux outils pédagogiques
proposés, on trouve parmi eux l’incontournable numérique avec son aura de panacée, ainsi
que le boulier.
Tous partis confondus, tout se
passe comme s’il n’y avait pas eu de réflexion de fond sur l’échec de l’école.
Un seul candidat évoque la mainmise des pédagogistes sur l’école actuelle ;
mais pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom et ne pas citer nommément
le courant constructiviste afin de centrer le débat sur les pratiques
pédagogiques.
Puisque tous disent se soucier
de formation, pourquoi ne pas introduire dans la formation toutes les méthodes
pédagogiques, surtout celles qui sont répertoriées comme efficaces et n’y
figurent toujours pas aujourd’hui de manière incontournable. Pourquoi ne pas
former aux méthodes de gestion de classe et de comportement efficaces, déjà
expérimentées et efficaces aussi. Bref, pourquoi ne pas introduire les données
probantes en éducation, ce serait une proposition révolutionnaire et propre à
améliorer véritablement les choses.
Non, au lieu de cela, on parle
d’uniforme, de numérique, de mixité sociale et de mallette des parents
d’élèves ! Tout se passe comme si la question éducative, tellement engluée
dans un contexte idéologique, conduisait les responsables à prendre des
décisions allant à l’encontre de l’efficacité, tout cela pour rester dans le courant
dominant, tout cela pour passer pour des humanistes. Tout se passe comme si,
les responsables ou futurs responsables n’étaient pas équipés pour raisonner
honnêtement et intelligemment, avec pour seul objectif l’amélioration des
résultats, sans avoir peur des bouleversements que cela pourrait produire dans
la sphère éducative en place aujourd’hui.
L’École est un sujet qui plaît aux politiques et ils adorent émailler leurs discours d'envolées lyriques du type,
« la réussite de tous et l’épanouissement de chacun » ou « priorité
au primaire », ou encore « pour une école plus juste ». Et
surtout, ils sont rarement tenus pour responsables des échecs. Les enseignants
suivent les consignes de la hiérarchie, et les parents d’élèves, pour une
grande majorité, se contentent d’une école qui garde leurs enfants, les
distrait et surtout leur fait croire qu’ils « ont acquis » les
compétences nécessaires, ce qui se traduit par un magnifique smiley de couleur
verte. Quant aux autres parents, ils court-circuitent le système public pour
donner à leur enfants un enseignement efficace. C’est je crois, ce que font
aussi les politiques dans leurs propres familles.
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