Les sciences cognitives nous
renseignent sur ce qui peut rendre l’enseignement plus efficace. Daniel Willingham
psychologue cognitiviste maintenant bien connu a présenté les fruits de ses
travaux dans un ouvrage intitulé Why don’t students like school ?, disponible en français.
Pour ceux qui veulent en
savoir plus avant de se lancer dans la lecture, voici les 8 principes qu’il a mis
en évidence.
1. L’esprit apprend en
utilisant la mémoire à long terme et
la mémoire de travail.
L’architecture cognitive
s’articule autour de la mémoire de travail, espace limité en contenu et dans le
temps, facilement en surcharge, et la mémoire à long terme, espace pratiquement
illimité. Le but de tout enseignement doit être d'améliorer le contenu de la mémoire à long terme. Si rien n'a changé dans la mémoire à long terme, rien n'a été appris.
L'enseignement, pour être efficace, doit minimiser la surcharge de la mémoire
de travail des élèves tout en maximisant la rétention dans la mémoire à long
terme.
2. L’esprit
critique repose sur un stock de connaissances.
Il est vain de vouloir
enseigner des habiletés telles que par exemple l’analyse, si auparavant, on n’a
pas enseigné les contenus nécessaires. L’enseignement efficace spécifie,
séquence et vérifie les connaissances nécessaires sur un sujet afin que la
pensée critique puisse s’exprimer. Il en est de même pour la résolution de
problèmes. La pensée critique s’enseigne explicitement mais pour que cet
enseignement soit efficace, il doit rester dans le contexte disciplinaire.
Exemple : il est de bon ton pour l’enseignement de l’histoire à l’école
élémentaire, de mettre les élèves en contact avec des documents historiques,
sous le prétexte prétentieux de les initier à la pratique historique, dans la
veine de la « main à la pâte ». Cela est contre-productif car les
élèves n’ont aucune des connaissances indispensables à l’interprétation donc à
la critique, ni la chronologie, ni la connaissance événementielle, ni le
contexte politique, social ou religieux. Enseigner la pensée critique sans les
contenus est un non-sens.
3. La mémoire est le résidu de la pensée.
Les élèves se souviendront de ce à quoi ils ont pensé lors
de l’enseignement, et ce, quelle que soit cette pensée. C’est une règle
générale qui s’applique à tous. Nous devons donc organiser nos actions
pédagogiques autour de cette question : qu’est-ce qui va obliger les élèves à
penser à telle ou telle chose ? Les leçons seront construites de telle sorte
que les élèves trouvent intéressant d’en comprendre le contenu et puissent
mieux le retenir. L’enseignement efficace utilise des questions, des problèmes,
des exemples, des histoires et des moyens mnémotechniques pour rendre les
sujets intéressants et aisés à retenir.
4. Les concepts abstraits sont compris par comparaison avec
des exemples concrets.
Les abstractions sont difficiles à comprendre : nous
comprenons les idées nouvelles dans le contexte de ce que nous savons
déjà. Les exemples concrets et les
analogies aident à la compréhension des abstractions. L’enseignement efficace
s’appuie sur ce que les élèves connaissent déjà, comme un moyen pour comprendre
les éléments nouveaux.
5. L’apprentissage est impossible sans une pratique
abondante.
La pratique présente 3 bénéfices : elle renforce les
habiletés de base et les connaissances, elle prévient l’oubli et elle améliore
le transfert vers d’autres problèmes. Les limitations de la mémoire de travail
peuvent être contournées par l’automatisation. La pratique permet aux élèves
d’avoir à leur disposition de manière quasi inconsciente, les connaissances
basiques comme les tables de multiplication, le déchiffrage en lecture.
L’enseignement efficace permet aux élèves de pratiquer les habiletés
essentielles de multiples manières.
6. Les débutants n’apprennent pas comme des experts.
La cognition est fondamentalement différente entre novices
et experts. Les élèves de l’école élémentaire (donc novices) sont capables de
comprendre mais pas encore capables de synthèses de haut niveau. L’enseignement efficace s’attache en priorité
à la compréhension profonde. L’expert construit son expertise sur une énorme
quantité d’informations en mémoire à long terme. Le débutant, l’élève, en est à
l’acquisition de ces éléments ; par conséquent, il n’a pas encore les moyens
cognitifs de l’expertise. Vouloir le faire raisonner comme un expert est vain.
Cela explique l’échec de l’expérience constructiviste.
7. Les styles d'apprentissage n'existent pas.
Connaître les styles d'apprentissage des élèves n'est pas
nécessaire. Les enfants sont plus semblables que différents en termes
d’apprentissage. L'enseignement efficace se concentre sur le contenu de la
leçon, pas sur les différences entre les élèves, ainsi que sur les décisions à
prendre quant à la façon de procéder. Il utilise la dominante du sujet étudié
et non celle des élèves concernés. « Les styles d'apprentissage sont
l'équivalent en éducation de l’utilisation des sangsues en médecine : populaire
à une certaine époque mais sans aucun avantage perceptible. »
8. Travailler dur améliore l’intelligence.
L’enseignant doit toujours parler de succès et d’échec en
termes d’effort et non d’aptitude. L’enseignement efficace conduit les élèves à
réaliser que le travail améliore leur intelligence. On se référera aux travaux
de Carol Dweck sur l’esprit dynamique et l’esprit statique. Favoriser un esprit
dynamique est essentiel pour les apprentissages.
En résumé, ce que nous apprenons des sciences cognitives est
simple : éviter de surcharger la mémoire de travail et approvisionner la
mémoire à long terme avec des questions, des connaissances, des exemples, des
histoires, des analogies, de la pratique des moyens mnémotechniques et un
esprit dynamique.
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