La fin de l’année,
traditionnellement, se prête aux bêtisiers. Dans les discussions autour de l’Enseignement
Explicite, un thème revient systématiquement sous des formes multiples et
variées. À elle seule, cette ineptie en vaut mille et possède l’intensité d’un
trou noir.
En
substance : l’Enseignement Explicite serait une dérive techniciste, un système
scientiste propre à empêcher les enfants de penser, les transformant en rats de
laboratoire, en perroquets dociles, pour enfin les dégoûter de l’école.
Mauvaise foi ou
ignorance ? Un peu des deux sans aucun doute. Les personnes qui disent
ainsi le bien et le mal en pédagogie n’ont jamais vu fonctionner de classe
explicite, n’ont jamais vu d’élèves de ces classes et n’ont aucune idée des
résultats qu’elles peuvent donner. Malheureusement pour elles, tout le monde
sait aujourd’hui ce que donnent les méthodes constructivistes utilisées sans
relâche depuis des décennies, en dépit des preuves maintenant connues de leur
inefficacité.
Le
scientisme.
L’approche scientifique proposée par l’Enseignement Explicite est refusée, au
prétexte que « le scientisme ne suffit pas à expliquer l’âme
humaine ». Le but de l’enseignement n’est pas d’expliquer l’âme humaine
mais de transmettre efficacement (c’est-à-dire en ayant pour but la maîtrise
par les élèves des éléments transmis) un certain nombre de connaissances et
habiletés. Le courant hostile aux études
scientifiques en éducation ne veut pas entendre parler de neuro sciences, de
psychologie cognitive, de méga-analyses, d’observations de terrain. Pour lui,
enseigner serait plutôt un art, voire un artisanat, en tout cas une activité
au-delà de toute analyse, reposant sur une inspiration personnelle ou une
idéologie dans laquelle les données mesurées n’ont pas leur place.
Quels sont donc les
rapports de l’enseignement et de la science ? À mon sens, l’enseignement n’est
pas une activité scientifique, mais il s’appuie sur la science et entretient
avec elle des liens privilégiés. La science inspire la pratique enseignante
(ex : les découvertes sur l’architecture cognitive ont des implications
directes dans la structure des leçons) et elle la valide (en observant les
résultats et l’efficacité).
Bien évidemment, il y a
des limites à l’utilisation de la science en enseignement qu’il s’agisse du possible décalage entre les résultats de
laboratoire et ceux obtenus en classe, ou de la frilosité des enseignants et
des décideurs sur les expériences à grande échelle ou encore la possible illusion
que l’utilisation de la science conduise à un seul modèle efficace. L’Enseignement
Explicite est tout-à-fait conscient de ces restrictions. C’est pourquoi, il est
mensonger de soutenir qu’il est une approche exclusiviste : au contraire,
il se situe dans un courant plus général de recherche des pratiques efficaces. On ne trouvera nulle part que l’Enseignement
Explicite est la seule voie vers l’efficacité. Il en est une parmi d’autres.
Cela étant, il y a deux
principes de base sur lesquels l’enseignement doit s’appuyer : les
principes incontournables (ex :
l’enseignement doit s’accompagner d’une pratique), et les principes facultatifs dont l’efficacité est
avérée et qui sont proposés aux enseignants (ex : travail en petits
groupes, pratique chorale …). On ne dira jamais toute l’importance de ces
fondements. L’enseignant, une fois qu’il les connaît et les maîtrise, est alors
capable de construire sa classe dans une perspective d’efficacité. Les
procédures explicites ont été suffisamment utilisées, vérifiées, étudiées pour
que l’on puisse affirmer haut et clair que les élèves qui en bénéficient sont
tout sauf des rats de laboratoire. Par contre, il n’en est pas de même pour les
malheureux enfants qui subissent des méthodes constructivistes dont aucune
étude et aucune mesure n’a montré l’efficacité. Qui sont les cobayes dans
l’histoire ?[1]
La
pensée. L’argument
sur la pensée est fallacieux : il affirme que l’information ou l’habileté
transmise directement va bloquer la pensée personnelle de l’enfant, car ce fait
provient d’un tiers. Et que par conséquent, le contenu de son cerveau ne sera
pas le sien. Tout comme si le cerveau de l’élève était une outre que l’on
pourrait remplir à dessein afin que l’élève soit formaté pour recracher de
temps en temps ce qu’il aurait ingurgité. C’est méconnaître le fonctionnement du cerveau
et ce qu’est l’acte de penser.
La pensée, la pensée critique ne se construisent
pas sur du vide, mais à partir d’informations contenues en mémoire. Il y a
consensus sur la question en psychologie cognitive. La pensée critique
s’installe sur du contenu solidement ancré et récupérable à tout moment. Et
pour cela, il faut installer en mémoire à long terme ce contenu : pour
cela, l’élève doit le comprendre puis le pratiquer régulièrement.
On a fait
croire aux enseignants que l’esprit critique et la pensée autonome pouvaient
s’installer en l’absence de contenus ; c’est ainsi par exemple, que l’on
prétend faire étudier à des élèves du primaire des documents historiques, alors
qu’ils n’ont aucune connaissance pour le faire, même pas le cadre
chronologique. L’Enseignement Explicite installe les contenus requis, les fait
pratiquer, puis les fait utiliser dans des contextes variés ; c’est ainsi
que se forme la pensée autonome.
Prétendre faire acquérir une pensée critique à des élèves qui n’ont pas
les connaissances indispensables n’est autre qu’une mystification et du
formatage des esprits.
La
motivation. Quant à
la motivation, c’est un serpent de mer qui plaît beaucoup en général. On vous
explique que l’école et en particulier, l’école instructionniste, est ennuyeuse
car pas assez ludique et trop éloignée des centres d’intérêt des élèves. Et que
pour y remédier, il faut introduire du jeu, de la fantaisie, du plaisir, partir
des désirs des enfants, du « vécu » comme on disait encore il y a une
trentaine d’années.
Une fois de plus, nous sommes en plein mythe. On part du
principe (faux) que l’enfant fera mieux (sera motivé) ce qu’il a envie de faire
naturellement. Déjà, il faudrait que tous aient les mêmes envies au même
moment. Mais surtout, l’école n’est pas une chose naturelle, ce qu’on y apprend
(la culture) ne fait pas partie des
apprentissages naturels. Par conséquent, c’est à l’enseignant de créer une
motivation pour ses élèves. Tout enfant a un désir de connaître, de faire et de
réussir et c’est à l’enseignant de l'initier au plaisir d’apprendre
et surtout de réussir.
Il est évident que lorsqu’un élève est mis d’emblée dans
une situation de complexité qu’il n’a pas les moyens de résoudre, il connaît
l’échec et par suite la démotivation. C’est ainsi que faute d’avoir des classes
actives (cognitivement) on obtient des classes agitées, rien de plus. En Enseignement Explicite, la motivation vient de la combinaison des efforts
déployés avec la réussite obtenue. Aucun enfant ne rejette une tâche quand il y
réussit, et a conscience de ses progrès. C’est ainsi que naît le plaisir
d’apprendre.
[1]Ne
devrait-on pas plutôt dire que « Le
constructivisme considère les enfants comme des rats de laboratoire cherchant
leur chemin dans un labyrinthe complexe, avec des enseignants qui de temps en
temps, les aiguillonnent. » Voir ici http://explicitementvotre.blogspot.fr/2013/10/des-eleves-seaux.html