L’école ne parvient pas à instruire tous
les élèves. Bien sûr, pour que cela change, l’instruction devrait être au centre
des préoccupations. Il n’en est rien aujourd’hui. La part d’instruction qui persiste
encore dans l’école refondée ne réussit pas car les moyens utilisés sont
inopérants.
Je veux parler des méthodes pédagogiques utilisées. Il y a une mainmise très puissante du courant
constructiviste tout au long de la chaîne hiérarchique. Les inspecteurs de
circonscription, qui, sur le terrain, ont le pouvoir de changer les choses,
font, pour la plupart, allégeance au pédagogiquement correct. Leurs carrières
en dépendent. Certains même, sont prêts à donner leur interprétation personnelle
des textes officiels pour influencer les choses dans le sens qui plaît à leur
hiérarchie. Par exemple, récemment, un certain nombre ont imposé l’utilisation
du LSU (Livret Scolaire Unique) dans les écoles, alors que la note de la DEGESCO, adressée aux
enseignants en décembre 2016, ne donnait comme obligation que celle de
transférer les données sur le LSU en cas de changement d’école ou en fin de
cycle. Pour un exemple de ce type, il y en aurait bien d’autres concernant les
pratiques pédagogiques ; de fait, cela
entrave la liberté pédagogique dont chaque enseignant est supposé bénéficier.
La mainmise constructiviste sur la
formation initiale et continue, sur les équipes de circonscription, ne serait
pas un problème si ce courant pédagogique portait ses fruits. Or, il n’en est
rien. Les échecs cuisants et persistant depuis des décennies, n’aboutissent toujours
pas à la remise en cause des méthodes ; on se contente d’évoquer d’autres causes
comme le manque de moyens, les classes surchargées, le manque de mixité
sociale, la malveillance des enseignants … Et, pour faire oublier cet échec
majeur, on tente de niveler par le bas, de supprimer les notes, de faire croire
à chaque élève qu’il réussit, bref on gomme tout ce qui fait désordre. Reste
alors l’épineuse question des évaluations internationales, véritable fenêtre
sur l’échec de l’école française.
Lorsque l’on parle d’efficacité, on se
réfère à un corpus de preuves, ou données probantes. On ne peut pas déclarer
telle ou telle méthode efficace, ou pas, simplement parce qu’elle sied à nos
idées éducatives, ou parce qu’elle a fonctionné sur quelques élèves. Pour être
reconnue efficace, une méthode pédagogique doit avoir fait l’objet d’études
approfondies, montrant qu’elle porte des fruits sur l’ensemble des élèves et qu’elle
ne contrarie pas les principes de l’approche cognitive. Mais chez nous, en France,
le courant constructiviste refuse l’idée même des données probantes en
éducation. Quand bien même des études faisant consensus montrent par exemple
que les pratiques fortement guidées portent plus de fruits que les pratiques
faiblement guidées, elles sont royalement ignorées. [1]
En conséquence, la formation initiale se
contente de transmettre un dogme que les futurs enseignants doivent prendre
pour argent comptant. Aucune formation aux données probantes ni aux autres
méthodes n’est donnée. Et c’est ainsi que l’on trouve dans les classes, des
professionnels débutants, commettant les pires erreurs pédagogiques qui
conduisent non seulement à des résultats catastrophiques au niveau des acquis,
mais en plus, à des classes aux comportements difficiles. Les conseillers
pédagogiques dans les circonscriptions portent aussi une lourde part de
responsabilité. Quand des enseignants, affolés de constater que la mise en
application de ce qu’on leur a enseigné ne fonctionne pas, ils appellent le
conseiller pédagogique. Celui-ci va les orienter vers encore plus de
constructivisme, ce qui bien entendu, sur le terrain va aggraver les choses et
mettre les enseignants dans une situation de profond désarroi. Cette façon de
fonctionner existe depuis très longtemps et même les ministres[2] qui ont eu à cœur de
changer les choses se sont heurtés à des difficultés.
Il y a une lourde contradiction dans ce
système : on impose aux enseignants des méthodes inefficaces tout en leur
assurant qu’ils jouissent de liberté pédagogique. Officiellement, un enseignant
peut donc choisir sa méthode ; mais dans les faits, si celle-ci ne
convient pas à son inspecteur de circonscription, il devra posséder une solide
argumentation pour se justifier. Au passage, quelqu’un qui utilise une méthode
inefficace, lui, n’aura pas à se justifier sur son utilisation. Certes, quand on
utilise une méthode reconnue comme efficace, l’argumentaire n’est pas très
difficile. Le plus dur est d’avoir la force de caractère de s’opposer à sa
hiérarchie ; cela peut parfois ressembler à la lutte du pot de terre
contre le pot de fer. Seuls les
enseignants aguerris et expérimentés s’y risquent.
Et pourtant, on aurait fort à gagner à
redonner à la liberté pédagogique tout son sens. Une définition simple : je
peux utiliser la méthode de mon choix, dans la mesure où elle a été reconnue
comme efficace pour tel ou tel aspect de mon enseignement. Ainsi l’enseignant
serait un véritable professionnel, capable d’opérer un choix éclairé. Mais il
faudrait qu’il soit formé aux méthodes et aux études les ayant testées. Et que
la formation continue tienne tous les enseignants en activité informés des
nouvelles conclusions de la recherche, qui avance tous les jours.
[2] Je pense à Xavier Darcos
dont les programmes de 2008 apportaient un souffle d’air et recommandaient des
pratiques efficaces comme l’Enseignement Explicite. Pour des raisons politiques
il n’a pas pu aller au terme de son ministère.