Il en va des légendes
relatives à l’enseignement explicite ou direct comme des rumeurs. Elles
s’inscrivent dans une large entreprise de diffusion de messages faux mais à
prétention de vérité. Encore récemment, je lisais sur le net que « l’enseignement explicite nuisait à la
créativité de l’enfant, et empêchait son raisonnement », et qu’aucune
recherche n’avait prouvé l’efficacité de
ce genre de pédagogie. Dans le même article, au sujet du projet Follow Through
on lisait « que les résultats ont
été globalement décevants, quelle que soit la méthode. » Plus le mensonge est gros plus il passe.
Les détracteurs de
l’enseignement direct usent toujours des mêmes moyens pour discréditer encore
et encore sans jamais argumenter. Tout repose sur un processus de réduction, au
cours duquel le message est simplifié abusivement. Ainsi, tout ce que l’on
retient par exemple de l’enseignement explicite est son côté transmissif,
l’importance accordée à la pratique, au
maintien en mémoire. Puis on ne retiendra que deux de ces éléments, puis un
seul etc… De fil en aiguille, il ne restera plus qu’un seul élément qui devient
vite un slogan négatif. Ex : L’Enseignement explicite repose sur une
conception mécaniste des apprentissages. À cela s’ajoute un processus
d’accentuation dans lequel un élément décrété comme mauvais est mis en exergue
au détriment des autres. Ex : L’Enseignement Explicite est une méthode
centrée sur l’enseignant. Cet élément-là sera retenu comme emblème, disqualifiant
d’emblée tout ce qui pourrait être ajouté. Cette accentuation tourne souvent à
la caricature. Ex : L’apprentissage phono-alphabétique de la lecture nuit
à la compréhension. Et peu importe que les affirmations ne soient pas
argumentées. La croyance est intégrée et jamais remise en cause. Il serait d’ailleurs difficile de présenter un début de
preuve montrant que le déchiffrage en lecture empêche la compréhension ou que
l’Enseignement Explicite nuit à la créativité
ou encore qu’il rend les élèves passifs. Le choix des éléments à mettre en exergue et
la manière de les présenter est toujours négative : qui pourrait être
favorable à une pratique qui nuit à la créativité ou empêche les élèves de
comprendre ? Mais, nous le savons tous, les preuves ne sont pas nécessaires aux
mythes ou aux rumeurs pour se propager.
Tout cela a plusieurs
conséquences : de nombreux enseignants sont eux-mêmes les victimes de
cette propagande noire et contribuent à la répercuter. Sans peut-être en avoir
l’intention, ils contribuent à discréditer un enseignement efficace mais qu’ils
ne connaissent pas et à perpétuer des méthodes inefficaces mais conformes à un
discours se parant de toutes les vertus humaines possibles. Mais cela empêche
aussi tout débat pédagogique : en effet comment inventer un débat entre
quelqu’un qui oppose des croyances à quelqu’un qui avance des preuves ? Ce
ne serait d’ailleurs pas à l’avantage du
croyant.
De plus, cela écarte d’emblée
les personnes susceptibles d’être intéressées par l’enseignement direct. Il
faut avoir une bonne indépendance intellectuelle pour aller au-delà des rumeurs
régulièrement entretenues et se former tout seul à une pratique conspuée par
les "pédagogues"ayant pignon sur rue.
En conséquence de tout
cela, il ne me reste plus qu’à conseiller à celles et ceux qui sont intéressés
par l’Enseignement Explicite de suivre les conseils d’un sage. Et quand
quelqu’un vous dira du mal de l’Enseignement Explicite, dans un premier temps, pensez aux trois
passoires de Socrate avant de vous empresser de le répéter. Et ensuite filez immédiatement sur Form@PEx pour en savoir plus.
Voici ce que
le dialogue pourrait donner.
Quelqu'un
vient un jour trouver le grand philosophe et lui dit :
« Sais-tu
ce que je viens d'apprendre ? L’Enseignement
Explicite nuit à la compréhension et empêche la créativité des élèves.
-
Un instant, répondit Socrate. Avant que tu me racontes, j'aimerais te faire
passer un test, celui des 3 passoires :
-
Les 3 passoires? »
« Mais
oui, reprit Socrate, avant de me raconter toutes sortes de choses, il est
bon de prendre le temps de filtrer ce que l'on aimerait dire. C'est ce que
j'appelle le test des 3 passoires.
La
première passoire est celle de la vérité.
As-tu vérifié si ce que tu veux me dire est vrai?
-
Non. J'en ai simplement entendu parler...
-
Très bien. Tu ne sais donc pas si c'est la vérité.
Essayons
de filtrer autrement en utilisant une deuxième passoire.
La
deuxième passoire est celle de la bonté.
Ce que tu veux m'apprendre,
est-ce
une bonne chose ?
-
Ah non ! Au contraire.
-
Donc, continua Socrate, tu veux me raconter de mauvaises choses et tu n'es même
pas certain si elles sont vraies. Tu peux peut-être encore passer le test, car
il reste une passoire.
La
troisième passoire est celle de l'utilité.
Est-il utile que tu m'apprennes cela ?
-
Non. Pas vraiment.
Alors,
conclut Socrate, si ce que tu as à me raconter n'est ni vrai, ni bien, ni
utile...
Pourquoi
vouloir me le dire ? »