L’expérimentation des rythmes scolaires tentée par un certain nombre de communes (4000 à la rentrée 2013) aurait pu être une occasion en or pour le ministère de l’éducation, à la fois de se sortir d’un mauvais pas auprès de l’opinion mais surtout, à partir des observations de ces expériences, de tirer les conséquences et de modifier cette réforme. Mais il eut fallu pour cela que nos décideurs aient vraiment le souci de l’intérêt des enfants.
On aurait pu observer ce qui s’est passé dans ces communes, tant au niveau des élèves (sont-ils plus performants scolairement et plus reposés) qu’à celui de leurs parents (d’habitude très écoutés) à celui des enseignants (au moins pour la forme) et à celui des municipalités. Mais non, il n’en a rien été. Pourtant, les témoignages sont unanimes : la réforme supposée alléger la journée scolaire des enfants, l’a alourdie ; ceux-ci sont fatigués, déboussolés. Cela était au fond assez prévisible. Le temps quotidien de présence dans l’école est le même et les activités qui sont offertes, bien souvent relèvent plus de la garderie que d’activités culturelles ou sportives. En tout cas, rien qui ne laisse présager une amélioration des résultats au prochain PISA.
Devant les difficultés politiques que connaît notre gouvernement, devant les résistances à ce projet, Benoît Hamon s’est senti obligé de proposer un assouplissement : les activités périscolaires pourront être regroupées sur une demi-journée et les communes pourront choisir de réduire le nombre d’heures de la journée en les étalant sur les vacances. Le regroupement sur une demi-journée semble être une bonne mesure. Il ne reste qu’à espérer que les communes qui se sont déjà engagées sur des interventions quotidiennes auront la possibilité de changer leur formule.
Néanmoins, tout laisse à penser que l’État est en train de se décharger peu à peu de cette coûteuse institution qu’est l’École pour la laisser aux communes. Beaucoup de témoignages ont été apportés sur les conséquences auprès des élèves de ces rythmes endiablés. Mais il est un aspect dont personne ne parle, celui de l’organisation du personnel enseignant. Simplement sans doute car peu s’en soucient. La machine Éducation Nationale a pour adage Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Elle sera donc comblée. Paris n’étant pas la France, prenons l’exemple de la situation en département. Imaginons une grande variété de cas, rendue possible par le décret. Chaque commune peut avoir un planning différent sur la journée, sur la semaine et même sur les vacances. À quoi viennent s’ajouter les APC, que chaque école est également libre de répartir à sa guise (dans un certain cadre cependant).Comment va s’y prendre l’Inspection académique pour organiser : les remplacements, les compléments de temps partiels (mi-temps, 75 %, 80%) dans une zone où une telle variété de situations peut exister ? Sachant que les personnels affectés sur des remplacements ou des compléments de postes peuvent aussi travailler à temps partiel. C’est déjà très compliqué à l’heure actuelle, alors on imagine sans difficulté ce que cela donnera. Comment est-il possible que parmi les têtes pensantes » qui nous dirigent, aucune n’ait envisagé cet aspect de la question ? Une fois de plus, tout se passe comme s’il y avait deux mondes bien distincts et parallèles, celui de la réalité du terrain et celui des bureaux des ministères. C'est le choc de simplification à la sauce Education Nationale.
Une fois de plus, la montagne aura accouché d’une souris. La réforme des rythmes scolaires, projet qui aurait pu être fédérateur et surtout très utile, n’aura servi qu’à faire l’unanimité contre les décisions du ministère en matière éducative. Au total, les écoles et les communes se verront imposer des changements non consentis, menés dans la plus grande réticence et à l’opposé de ce qu’aurait dû être l’esprit de la réforme. Voilà qui, une fois de plus, alimentera une réaction de rejet à la seule mention de réforme scolaire surtout quand on nous la vendra sous le nom pompeux de refondation ou autre refonte. Depuis des décennies, les réformes successives ont été synonymes à la fois de dégradation des conditions d’exercice du métier et en même temps d’une amélioration de niveau 0 des performances des élèves. N’y a-t-il pas là de quoi nourrir un certain conservatisme ?