Le débat entre technophobes et technophiles est une
autre facette de la querelle pédagogique qui a cours aujourd’hui.
Choisir une option, pro ou anti, induit l’attachement à l’un ou l’autre
des camps en présence. Non seulement, cela ne fait pas avancer les
choses, mais contribue à crisper les esprits. Il serait temps de
réaliser que les technologies nouvelles sont soumises à l’utilisation
qu’en fait l’enseignant et de cesser de faire croire qu’elles vont
envahir l’école, sonnant le glas des acquisitions qui sont supposées s’y
faire. L’enseignant reste maître à bord et choisit, dans le cadre de
ses propres pratiques pédagogiques, la manière dont il va les utiliser.
On peut les considérer de deux points de vue, celui des élèves et celui
de l’enseignant.
Si nous regardons vers les élèves, la question est :
ces technologies favorisent-elles, sur un plan cognitif, les
acquisitions scolaires ? La réponse n’est pas si simple. Les
méta-analyses de Slavin, par exemple concluent que ce sont les méthodes
d’enseignement qui ont le plus d’effets sur les élèves, devant les
programmes et les moyens technologiques. Il est clair qu’une méthode
pédagogique inefficace restera inchangée, même si elle baigne dans le
plus high tech des environnements numériques. Si en même temps qu’on
enseigne l’usage de la calculette, on décide de ne plus demander aux
élèves d’apprendre leurs tables de multiplication, il est clair qu’ils
ne les connaîtront pas. Mais cela n’empêche pas la rumeur d’imputer à
l’arrivée de la calculette dans les classes, les déficiences en calcul.
Autre angle d’attaque : ces technologies
améliorent-elles les pratiques des enseignants ? Sont-ils, grâce à elles
plus efficaces dans l’atteinte de leurs objectifs ? Seront-t-ils plus
efficaces avec des craies multicolores, un tableau vert et une brosse ?
Ou bien avec un TNI, ses palettes d’outils graphiques, ses capacités de
stockage, etc. ? Préfèreront-t-ils avoir recours à des manuels papier
pour chaque élève, aux manuels numériques ou encore préfèreront-t-ils
préparer leurs propres leçons sur un support numérique ?
Une idée très courante est d’associer les nouvelles
technologies aux pratiques pédagogiques non transmissives, pédagogies
de projet centrées sur l’enfant et autres pédagogies actives. Le rapport
Fourgous ne se prive pas de le rappeler. Ainsi, il établit d’emblée une
relation de cause à effet entre les résultats aux tests PISA et les
équipements informatiques des pays concernés. C’est extrêmement
réducteur car d’autres pratiques pédagogiques ont tout à y gagner, c’est
le cas de la pédagogie explicite par exemple. Un outil comme le TNI y
est particulièrement adapté et permet un gain de temps considérable en
classe.
En vertu de la liberté pédagogique, l’enseignant
reste maître du choix de ses méthodes, mais est aussi redevable des
résultats obtenus en classe. L’environnement, qu’il soit numérique ou
non, doit être au service de cette pratique et à celui des résultats
obtenus par les élèves. Même si, personnellement, je reste persuadée
qu’il ne faut pas débrancher les écoles, mon expérience de terrain me
conduit à dire que ce qui fait la différence, c’est la méthode
pédagogique.
Enfin, reste la question de la formation des
enseignants aux nouvelles technologies. A la différence de leurs élèves,
beaucoup d’entre eux ne sont pas nés dans l’ère numérique, et il
faudrait autre chose que quelques stages d’un ou deux jours pour leur
donner un niveau de maîtrise suffisant. Il serait enfin temps qu’une
véritable formation vienne remplacer l’auto-formation trop souvent seule
ressource dans le monde enseignant.