Les enseignants agissent plus sur la base de croyances fondées sur leur expérience que de connaissances produites par la recherche.
Cette phrase écrite par Olivier Rey à propos de l’étanchéité entre le monde de la recherche et celui des praticiens, ne manque pas de sel. Olivier Rey est ingénieur de recherche à l’IFE, inlassable défenseur des Sciences de l’Éducation à la française et soutien indéfectible de la pédagogie constructiviste, mettant régulièrement en doute l’idée même d’une evidence based practice.
La recherche anglo-saxone et canadienne parle de plus en plus de croyances, mythes, neuro-mythes et tente de les faire tomber. En France, nous n’en sommes pas encore là ; nos chercheurs en sciences de l’éducation en ont sans doute connaissance mais comme bien souvent, lorsque les avancées anglo-saxonnes ne rentrent pas dans leur cadre de pensée (i.e. leur idéologie) ils ne les répercutent pas ou les balayent d’un revers de manche. C’est pourquoi tous les travaux sur l’enseignement efficace en commençant par le projet Follow Through n’ont jamais pénétré les instituts de formation et ne le feront jamais quand bien même ils s’appelleraient ESPE.
Force est de constater que chez nous également, l’enseignement baigne dans un flot de croyances et dogmes menant les enseignants à des pratiques infructueuses sur le plan des apprentissages. Ces croyances sont solidement ancrées, autrement dit ce sont des évidences que l’on n’a même pas l’idée de remettre en cause. C’est dire si la formation a été objective. A ce stade, il ne s’agit plus de formation, mais de catéchisme.
Quelques exemples de ces mythes : On apprend mieux en jouant - Les apprentissages se font mieux en entrant par la complexité - Les intelligences multiples - La pédagogie doit se calquer sur les styles d’apprentissage ou styles cognitifs de chacun - L’enseignement du décodage en lecture nuit à l’acquisition du sens - Les méthodes transmissives inhibent la créativité - Les méthodes transmissives génèrent l’ennui des élèves - La pratique rend les élèves idiots - On doit enseigner comme on apprend … (liste non exhaustive). Comme toute croyance, ils n'ont pas besoin de données probantes pour se justifier.
Si on ne peut pas remettre en cause l’existence de ces dogmes, par contre leur origine n’incombe pas aux enseignants. Quant à l’expérience de terrain, elle est ce qui, à un moment donné permet de mettre en doute des croyances erronées. Non, si les enseignants sont victimes de mythes pédagogiques c’est bien parce qu’on les leur a inculqués comme éléments d’un credo. Les plus lucides d’entre eux, s’appuyant sur leur expérience parviennent à remettre en question ces principes ; mais il faut pour cela le courage d’aller à contre-courant de la pensée unique.
Les mythes pédagogiques sont diffusés par les formateurs, par les « éducrates », guidés par des principes idéologiques qui leur font oublier tout rapport avec le réel. C’est pourquoi depuis des années, les sciences de l’éducation distillent le pédagogiquement correct à savoir les principes constructivistes. Principes largement remis en cause aujourd’hui par la recherche ; mais pourquoi donc les travaux remettant en cause la doxa ne sont-ils pas diffusés dans les écoles auprès des enseignants et dans les instituts de formation ? Cela va du projet Follow Through, le plus ancien, jusqu’au travaux de Rosenshine, ceux d’Engelmann, les apports des sciences cognitives (Sweller et Clark, Kirschner, Dehaene) les travaux de Gauthier, Richard et Bissonnette, toutes les méta et méga-analyses, les conclusions de John Hattie…
Pourquoi donc les chercheurs français et autres formateurs de l’IFE, qui par ailleurs se parent de toutes les vertus de la science, ne font-ils pas connaître ces travaux ou en font-ils une lecture si orientée ? Quel intérêt ont-ils à maintenir les enseignants dans l’ignorance des méthodes efficaces par exemple ? Comme par exemple quand, systématiquement, ils discréditent l’Enseignement Explicite? Un excellent article de Clermont Gauthier et Anthony Cerqua apporte d’intéressantes réponses à la question.
Depuis des années, on distille dans l’esprit des enseignants des idées fausses, depuis des années on tente de remédier à l’échec scolaire par une surdose des mêmes recettes inefficaces. Exemple : les élèves échouent, c’est parce que les enseignants ne sont pas assez innovants ! Qu’ils fassent des projets, qu’ils introduisent de la transversalité, qu’ils travaillent en groupes, qu’ils injectent du sens dans leurs pratiques et de la démocratie dans leurs classes…et mille autres balivernes. Depuis des années, on les culpabilise de l’état de l’école tout en les privant de tout moyen de s’améliorer. C’est exactement comme si on obligeait les médecins à pratiquer les saignées pour leur reprocher ensuite un taux de guérison déplorable et surtout une pratique plus rituelle que professionnelle.
Les enseignants, et en particulier ceux du primaire, sont devenus les boucs émissaires d’un système qui n’en finit pas de finir : non formés, sous-payés, souvent critiqués par leur hiérarchie comme par les parents d’élèves, culpabilisés, méprisés mais en même temps jalousés par une société qui ne les connaît que par le filtre trompeur des médias. On notera le courage d’un tel système, qui ne reconnaît pas ses propres défaillances en matière de formation et préfère jeter la pierre aux exécutants.
C’est oublier que les enseignants ne sont que le fruit de ceux qui les ont formés. Si les enseignants sont inefficaces, c’est parce que leur formation est inefficace. Ce serait sans doute trop demander aux formateurs que de s’appliquer à eux-mêmes l’adage de S.Engelmann : « Si l’élève n’a pas appris, alors le maître n’a pas enseigné ». Ou pour être plus précis : « Si l’enseignant échoue à enseigner, alors son formateur ne l’a pas formé ». Mais encore faudrait-il qu'ils connaissent S.Engelmann et tout ce qu'il a apporté à l'efficacité en enseignement ...