Éduquer ses enfants - L'urgence aujourd'hui
Aldo NAOURI
Odile Jacob, Paris, 03/2008, 336 p.
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Aldo Naouri : Depuis Les
Filles et leurs mères, le succès d'Aldo Naouri ne se dément pas, notamment
avec Les Pères et les Mères et, plus récemment, avec Adultères.
Résumé :
Quand nos enfants déraillent, il faut se poser les vraies questions. Les
conditions sociales n'expliquent pas tout. Et l'amour ne suffit pas !
Et si la cause du mal résidait dans un déficit de réflexion sur ce que doit
être l'éducation de nos enfants ?
La vie en société exige en effet de chacun qu'il se plie à un certain nombre de
règles et qu'il les fasse siennes. C'est le principe de toute éducation. On
s'en est singulièrement écarté.
Mais avant toute chose, il faut savoir ce qu'est un enfant, ce qu'il lui faut
vraiment pour devenir adulte, comment se comporter avec lui en tant que parent.
Et surtout comment, dès les premières années qui sont décisives, exercer au
mieux le difficile métier de parent.
Le regard lucide d'un pédiatre sur ce qui fait aujourd'hui défaut dans notre
façon d'élever nos enfants.
Une réflexion qui aidera chacun à s'interroger sur le sens de sa mission et sur
les vrais besoins de l'enfant. Un ouvrage qui fera débat.
Commentaire :
Voici un ouvrage à mettre absolument entre toutes les mains, en particulier
celles des parents ou futurs parents.
Aldo Naouri, pédiatre de renom, nous livre les principes de base de
l’éducation. Il le fait de manière explicite et agréable à lire, s’appuyant sur
sa longue expérience de praticien et son excellente connaissance des enfants et
de leurs parents. Il parle haut et clair, allant à l’encontre des idées reçues en matière
éducative et du politiquement correct. Il décline le principe éducatif de base sous toutes ses formes, par des
exemples nombreux et circonstanciés. Ce principe dit qu’éduquer consiste à
faire comprendre que « dans la vie on ne peut pas tout avoir ». Il
s’oppose à celui qui a cours aujourd’hui et qui inculque à l’enfant qu’il « peut
tout avoir et qu’il a droit à tout ».
L’auteur s’inscrit dans ce courant qui considère qu’un enfant se construit dans
le manque et dans le non, ce qui ne veut pas dire dans la privation. Cette
règle éducative a été appliquée pendant des siècles, par le biais d’un
savoir-faire possédé par tous, indifféremment du niveau social ou des prises de
position idéologiques. Le revirement est directement issu de la révolution
éducative de mai 68 ; il a bouleversé la constitution de la cellule familiale
et les rôles de chacun de ses membres. Ainsi l’enfant a été promu au sommet de
la hiérarchie familiale devenant ainsi objet de dévotion, séduction,
soumission, toutes choses opposées à une éducation efficace. Aldo Naouri
n’hésite pas à parler de « défaut éducationnel » pour qualifier
l’origine des troubles comportementaux des enfants d’aujourd’hui qui peuplent
les cabinets des pédiatres ou des psy. En matière scolaire, le phénomène fut
identique : on a mis aussi l’enfant au centre du système pédagogique, on a
décidé que l’école ne devait plus se cantonner à la seule transmission des
connaissances. Nous connaissons maintenant les résultats de cette école.
A titre d’exemple, je retiendrai le chapitre « Qu’est-ce qui fait obstacle à
l’éducation ? » (pages 163 à 176) dans lequel l’auteur énumère tout ce qui
dans le contexte actuel, rend l’éducation difficile, puis propose des
solutions. En voici la liste :
- Le lien entre la mère et l’enfant est beaucoup plus intense qu’autrefois :
les mères « tissent autour de leur enfant un utérus virtuel pérenne
extensible à l’infini ».
- Ce lien est encouragé par le message sociétal.
- Nouvelle place du père dans la société.
- Bouleversement des statuts familiaux.
- Multiplication des familles recomposées, accroissement des divorces, « le
tout prenant l’allure d’une évolution libertaire qui désavoue et condamne à
terme l’institution familiale. »
- « … les effets collatéraux de la démocratie » avec la disparition des
échelles de valeurs selon l’adage « tout vaut tout et rien ne vaut rien
».
- La révolution idéologique de mai 68.
- La place conférée à l’inconscient : « Grâce à elle, chacun sait désormais,
quand ça l’arrange, comment s’exonérer de sa responsabilité, s’absoudre du pire
de ses comportements et aller jusqu’à récuser les arguments de la rationalité
autant que ceux de la réalité la plus objective. »
- La surinformation comme source de confusion. Tout le monde a un avis sur tout
: « Le principe du respect absolu du droit de chacun à faire et à se
comporter comme il l’entend et à avoir ce qu’il estime lui être dû. »
Voici donc une synthèse riche et argumentée qui ose enfin dire les choses sans
hypocrisie ni démagogie ; elle fera peut-être prendre conscience combien il est
grave et dangereux de ne pas donner d’éducation adéquate aux enfants : c’est
refuser de les aider à devenir des adultes équilibrés, prêts à affronter la
vie, par pur narcissisme. Quant aux solutions que propose Aldo Naouri, il sera difficile de les faire
passer dans les idées reçues, sans qu’une autre révolution des idées
intervienne. Néanmoins, la publication de cet ouvrage grand public témoigne
tout de même d’un progrès en la matière. Espérons qu’il fera école et qu’il
sonnera enfin le glas de l’ « infantolâtrie » (terme inventé par Aldo
Naouri).